---------------------------------------------ZIMMY.
--------------------------------The broken mirror of innocence.
in english
I
J'ai dix-sept ans, nous sommes en 1974 .
Mon frère ramène à la maison un disque d'une super-nana à la voix de rossignol : Joan Baez . C'est " Farewell Angelina " , d'après moi son meilleur album . La voix seule m'accroche car je ne comprends encore rien aux paroles ; en épluchant la pochette je tombe sur un nom, à plusieurs endroits : BOB DYLAN - on peut lui rendre au moins cet hommage à la Madone , c'est d'avoir fait connaître son poulain à pas mal de monde . Je retiens ; ( je me suis aperçue bien plus tard que la version originale de " écoute dans le vent " de Richard Anthony était signée du même auteur ) .
J'ai par hasard entre les mains " highway 61 revisited ", tiens c'est un chanteur ce Dylan? En fouinant dans une librairie je trouve son nom sur un bouquin "DYLAN " par la bande de Rock & Folk . Alors s'il y a un bouquin sur lui , ce doit être un gars connu . J'achète le livre .
De six heures du soir à six heures du matin , je ne lâcherai ni le livre ni le disque qui n'arrête pas de tourner . Quand la pendule sonne six heures, je lève les yeux . Le soleil enflamme l'horizon et l'univers bascule . « It’s a new morning » " C'est un nouveau matin " . Jamais plus je ne retrouverai ce sentiment de passer d'un monde à l'autre , tranquillement , en paix , dans l'illumination . Cela n'a pris que douze heures pour changer ma vie . Je ne sais pas exactement quoi mais je veux être quelqu'un comme Dylan .
J'ai dix-sept ans, nous sommes en 1974 .
Mon frère ramène à la maison un disque d'une super-nana à la voix de rossignol : Joan Baez . C'est " Farewell Angelina " , d'après moi son meilleur album . La voix seule m'accroche car je ne comprends encore rien aux paroles ; en épluchant la pochette je tombe sur un nom, à plusieurs endroits : BOB DYLAN - on peut lui rendre au moins cet hommage à la Madone , c'est d'avoir fait connaître son poulain à pas mal de monde . Je retiens ; ( je me suis aperçue bien plus tard que la version originale de " écoute dans le vent " de Richard Anthony était signée du même auteur ) .
J'ai par hasard entre les mains " highway 61 revisited ", tiens c'est un chanteur ce Dylan? En fouinant dans une librairie je trouve son nom sur un bouquin "DYLAN " par la bande de Rock & Folk . Alors s'il y a un bouquin sur lui , ce doit être un gars connu . J'achète le livre .
De six heures du soir à six heures du matin , je ne lâcherai ni le livre ni le disque qui n'arrête pas de tourner . Quand la pendule sonne six heures, je lève les yeux . Le soleil enflamme l'horizon et l'univers bascule . « It’s a new morning » " C'est un nouveau matin " . Jamais plus je ne retrouverai ce sentiment de passer d'un monde à l'autre , tranquillement , en paix , dans l'illumination . Cela n'a pris que douze heures pour changer ma vie . Je ne sais pas exactement quoi mais je veux être quelqu'un comme Dylan .
II
L'année d'après j'ai 18 ans et je suis majeure . Je rejoins une bande d'illuminés de Jésus Christ qui ne m'apporteront pas la foi ,- la foi on l'a ou on ne l'a pas - mais beaucoup de combines sur " la Route " et un contact " crû " avec la société . Je quitte au bout de neuf mois complètement écœurée . Il y a tellement d'hypocrisie et de bourrage de crâne que je ne sais plus où j'en suis . Il me faudra des années pour me remettre, ne plus me sentir coupable .
Je fais quelques boulots saisonniers , me fais faire un passeport et « bound for glory » " en route pour la gloire " . Bien sûr vers le pays des rêves et de mon Chouchou : Les Etats-Unis d'Amérique . Cependant ce n'est pas lui que je vais voir . J'avais lu depuis cette fameuse nuit tellement de choses : il est intouchable , inapprochable , paranoïaque ....un prince charmant de contes de fée . Comme je ne peux pas voir le Roi du Folk , je me contente de la Reine : Joan Baez . Mon anglais s'est un peu amélioré à l'écoute de ses chansons . Heureusement pour moi car dès que je mets les pieds aux Etats-Unis , malgré ( ou à cause ) de mes huit ans d'anglais académique, je ne comprends pas un seul mot . Joannie est supposée être charmante , ni névrosée , ni paranoïaque , au contact de tout le monde quoi ! Grosse erreur ...
Je fais le circuit normal New-York -que je trouve sale – San-Francisco avec Greyhound . Mon premier contact avec ce pays restera superficiel donc agréable . Après une vaine recherche de la Madone en Californie, je rentre au pays . Surprise ! elle tourne en France . Juste le temps de laver mes chaussettes et en route à nouveau . Cette fois je suis sûre de la voir, je suis la tournée . Je rencontre une " super-fan " qui fut la première secrétaire d'Amnesty Internationnal à Paris et nous faisons équipe. Sans aucun doute nous pourrons discuter avec la " grande Prêtresse " . Mais ....Elle ne semble pas disposée à nous voir , alors nous faisons un peu de chahut au prochain concert . Elle nous flanque à la porte des Arènes de Fréjus. Merde ! 73 balles de claqués pour une demi-heure de concert ! Nous, pas rancunières, nous achetons les prochains billets pour Orange, les mettons dans une enveloppe avec un mot d'excuse
" si vous voulez bien nous pardonner faites nous revenir les billets pour ce soir " . Nous ne les reverrons jamais . Ma copine manque de se suicider et moi je perds la foi dans le pacifisme, laissant tomber " Amnesty Internationnal " et " La Ligue Des Droits de L'Homme " qui n'y sont pour rien, les pauvres ! Je m'envole pour une plage tranquille , en Grèce, où je resterai jours et nuits pendant trois semaines, mangeant des pastèques et regardant les vagues pour me laver le cerveau .
L'année d'après j'ai 18 ans et je suis majeure . Je rejoins une bande d'illuminés de Jésus Christ qui ne m'apporteront pas la foi ,- la foi on l'a ou on ne l'a pas - mais beaucoup de combines sur " la Route " et un contact " crû " avec la société . Je quitte au bout de neuf mois complètement écœurée . Il y a tellement d'hypocrisie et de bourrage de crâne que je ne sais plus où j'en suis . Il me faudra des années pour me remettre, ne plus me sentir coupable .
Je fais quelques boulots saisonniers , me fais faire un passeport et « bound for glory » " en route pour la gloire " . Bien sûr vers le pays des rêves et de mon Chouchou : Les Etats-Unis d'Amérique . Cependant ce n'est pas lui que je vais voir . J'avais lu depuis cette fameuse nuit tellement de choses : il est intouchable , inapprochable , paranoïaque ....un prince charmant de contes de fée . Comme je ne peux pas voir le Roi du Folk , je me contente de la Reine : Joan Baez . Mon anglais s'est un peu amélioré à l'écoute de ses chansons . Heureusement pour moi car dès que je mets les pieds aux Etats-Unis , malgré ( ou à cause ) de mes huit ans d'anglais académique, je ne comprends pas un seul mot . Joannie est supposée être charmante , ni névrosée , ni paranoïaque , au contact de tout le monde quoi ! Grosse erreur ...
Je fais le circuit normal New-York -que je trouve sale – San-Francisco avec Greyhound . Mon premier contact avec ce pays restera superficiel donc agréable . Après une vaine recherche de la Madone en Californie, je rentre au pays . Surprise ! elle tourne en France . Juste le temps de laver mes chaussettes et en route à nouveau . Cette fois je suis sûre de la voir, je suis la tournée . Je rencontre une " super-fan " qui fut la première secrétaire d'Amnesty Internationnal à Paris et nous faisons équipe. Sans aucun doute nous pourrons discuter avec la " grande Prêtresse " . Mais ....Elle ne semble pas disposée à nous voir , alors nous faisons un peu de chahut au prochain concert . Elle nous flanque à la porte des Arènes de Fréjus. Merde ! 73 balles de claqués pour une demi-heure de concert ! Nous, pas rancunières, nous achetons les prochains billets pour Orange, les mettons dans une enveloppe avec un mot d'excuse
" si vous voulez bien nous pardonner faites nous revenir les billets pour ce soir " . Nous ne les reverrons jamais . Ma copine manque de se suicider et moi je perds la foi dans le pacifisme, laissant tomber " Amnesty Internationnal " et " La Ligue Des Droits de L'Homme " qui n'y sont pour rien, les pauvres ! Je m'envole pour une plage tranquille , en Grèce, où je resterai jours et nuits pendant trois semaines, mangeant des pastèques et regardant les vagues pour me laver le cerveau .
III
Et Bob est annoncé en France . Quel choc ! Après douze ans de longue absence , le voilà chez nous et pour une super tournée mondiale . Après la " gifle " reçue par sa petite amie des années 60, je n'espère rien d'autre que de le voir sur scène . Je m'attends à ce qu'il soit entouré d'une véritable armée sur le pied de guerre . J'ai 21 ans, il a changé ma vie à 17 ans et je vais le voir en chair et en os .
Je me trouve à Londres quand ils vendent les billets pour les concerts au Earl's Court . Je fais la queue pendant 16 heures pour obtenir deux billets . Les plus dingues étaient à la porte depuis la veille avec des sacs de couchage . Ils ont dormi sur place . Quelle patience ces anglais ! Bon alors moi qui suis à la queue j'ai deux places minables, tout en haut d'un espèce de grand bol . Une minuscule marionnette là-bas sur scène . C'est çà DYLAN ???
Je tente ma chance à Paris et achète un billet . Surprise ! les places ne sont pas numérotées aux Pavillons . Le premier arrivé, le premier assis . Moi qui n'ai rien d'autre à faire, je suis sur place à 14 heures pour un concert à 21 heures . Les portes s'ouvrent, je cours devant - c'est un rituel , il faut cavaler et pousser tout le monde - Houa! juste en face du micro, à trois mètres au plus, je pourrai même recevoir les postillons !
Un seul mot MAGIQUE ! C'est magique . Avec son maquillage de Pierrot et son Band au complet . C'est un rêve . La musique est recherchée , bien plus sophistiquée que sur ses disques . Mais ce qui m'impressionne le plus , c'est l'HOMME . C'est la sincérité qui passe . Ce mec se met à nu , lâchant toutes ses tripes sans honte ni complexe, comme un gars qui se libère sur scène pour son public .
Alors je décide d'acheter tous les billets, un pour chaque soir. Je suis au premier rang pendant six concerts . Je suis assez bruyante et hurle "Bobby !" quand il est l'heure , il ne se pointera jamais en retard , je suis son horloge . Il finit par me repérer et me regarde en souriant . Bien sûr je fais quelques tentatives pour le voir derrière, à la " sortie des artistes " . C'est bourré de gros bras qui jouent les gros durs avec des chiens . Il y a un courageux qui se fait mordre . Ca va pour moi . Je renonce . Je me contente de voir arriver et partir le car où lui-même et sa bande sont installés . Pas de limousine à rallonge . A la fin du quatrième concert je rencontre une nana avec un fort accent anglais . Elle me demande si Dylan est sorti . " Oui " je réponds et je demande naïvement " connaissez-vous son hôtel ? " . Elle me donne l'adresse , comme çà . ( je verrai plus tard que ce n'est pas si facile de savoir )
La nuit suivante , après le concert , je décide de me pointer à l'hôtel dans l'intention de le voir de plus près , c'est tout . Une autre fan décline l'invitation à se joindre à moi
" Nous n'avons aucune chance , il y a trop de sécurité " .
Et Bob est annoncé en France . Quel choc ! Après douze ans de longue absence , le voilà chez nous et pour une super tournée mondiale . Après la " gifle " reçue par sa petite amie des années 60, je n'espère rien d'autre que de le voir sur scène . Je m'attends à ce qu'il soit entouré d'une véritable armée sur le pied de guerre . J'ai 21 ans, il a changé ma vie à 17 ans et je vais le voir en chair et en os .
Je me trouve à Londres quand ils vendent les billets pour les concerts au Earl's Court . Je fais la queue pendant 16 heures pour obtenir deux billets . Les plus dingues étaient à la porte depuis la veille avec des sacs de couchage . Ils ont dormi sur place . Quelle patience ces anglais ! Bon alors moi qui suis à la queue j'ai deux places minables, tout en haut d'un espèce de grand bol . Une minuscule marionnette là-bas sur scène . C'est çà DYLAN ???
Je tente ma chance à Paris et achète un billet . Surprise ! les places ne sont pas numérotées aux Pavillons . Le premier arrivé, le premier assis . Moi qui n'ai rien d'autre à faire, je suis sur place à 14 heures pour un concert à 21 heures . Les portes s'ouvrent, je cours devant - c'est un rituel , il faut cavaler et pousser tout le monde - Houa! juste en face du micro, à trois mètres au plus, je pourrai même recevoir les postillons !
Un seul mot MAGIQUE ! C'est magique . Avec son maquillage de Pierrot et son Band au complet . C'est un rêve . La musique est recherchée , bien plus sophistiquée que sur ses disques . Mais ce qui m'impressionne le plus , c'est l'HOMME . C'est la sincérité qui passe . Ce mec se met à nu , lâchant toutes ses tripes sans honte ni complexe, comme un gars qui se libère sur scène pour son public .
Alors je décide d'acheter tous les billets, un pour chaque soir. Je suis au premier rang pendant six concerts . Je suis assez bruyante et hurle "Bobby !" quand il est l'heure , il ne se pointera jamais en retard , je suis son horloge . Il finit par me repérer et me regarde en souriant . Bien sûr je fais quelques tentatives pour le voir derrière, à la " sortie des artistes " . C'est bourré de gros bras qui jouent les gros durs avec des chiens . Il y a un courageux qui se fait mordre . Ca va pour moi . Je renonce . Je me contente de voir arriver et partir le car où lui-même et sa bande sont installés . Pas de limousine à rallonge . A la fin du quatrième concert je rencontre une nana avec un fort accent anglais . Elle me demande si Dylan est sorti . " Oui " je réponds et je demande naïvement " connaissez-vous son hôtel ? " . Elle me donne l'adresse , comme çà . ( je verrai plus tard que ce n'est pas si facile de savoir )
La nuit suivante , après le concert , je décide de me pointer à l'hôtel dans l'intention de le voir de plus près , c'est tout . Une autre fan décline l'invitation à se joindre à moi
" Nous n'avons aucune chance , il y a trop de sécurité " .
Je me souviendrai toute ma vie ;
J'étais là devant cet hôtel super-luxueux à jouer à cache-cache avec les arcades . Un quart d'heure passe et le bus arrive . Il n'y a personne d'autre que moi sur le trottoir . Bob sort du car et je m'approche , aussitôt arrêtée par deux " gorilles " . J'appelle " Bobby ? " . Il me reconnaît et dit à ses gardes " çà va " . Il me serre gentiment la main et me demande si je serais là le samedi . C'était le prochain et dernier concert . " Bien sûr " je réponds . Je me tire . Je n'ai jamais pensé à faire autre chose . A ce moment le ciel m'est tombé sur la tête . Toutes les imbécillités que j'avais lues sur cet homme sont tombées au plus profond . il est paranoïaque , agressif , méchant , c'est un super égoïste , une langue de vipère , bla bla bla ....Il était seul et paumé comme un musicien solitaire et vide après un concert .
Cette approche fut certainement le second tournant de ma vie . J'aurais pu devenir nihiliste jusqu'à la mort , junky , clocharde , ou bien même me suicider . Mais l'espoir c'est lui qui me l'a donné .
Evidemment , ce dernier concert , c'était Le Concert . J'arrive sur place à 14 heures . Je rentre en douce et me planque sous le plancher, sous les bancs . J'ai droit aussi à voir passer , la sueur au front , premièrement les balayeurs , deuxièmement les costauds avec leurs chiens qui font la ronde . Et si les chiens me sentaient ? Pire qu'une évasion du bagne ! J'ai pourtant promis à Bob d'y être ce soir . J'ai de la chance , ou bien les cabots manquent de flair . J'assiste à la répétition . Sacrilège des sacrilèges : Bob a horreur que l'on voies des répétitions. Et puis j'ai manqué le salut qu'il m'a fait en arrivant . Une fille m'a dit que du car il a tiré le rideau et a salué quelqu'un de la file d'attente . Qui d'autre que moi ? (oh là, ça commence à me monter à la tête !).Je sors de ma planque et me précipite au premier rang . Mon billet n'est pas déchiré mais je ne pense pas à ressortir pour le vendre . J'attends , bien sage , quand je vois le manager s'approcher de moi " Bob vous dit Bonjour " , quel est votre nom , est-ce que vous serez à Blackbushe ? " je réponds estomaquée " Je ne sais pas". Le pique-nique . J'ai vu l'affiche quand j'étais en Angleterre . Un super-concert en plein air avec Dylan comme star d'affiche et puis Eric Clapton , Joan Amartrading ....je n'avais pas songée à retourner en Angleterre . Et puis, oui, puisque Bob le demande , j'y retournerai .
Le concert , ce soir , est super . Bob me regarde (illusion ?). Je m’évapore !.Et , comme çà pour satisfaire ma libido , j'ai l'impression qu'il est pour moi ce concert . Il est content ce soir , cela se voit . Il prend son pied . Mais brusquement , à la fin , quelques rigolos balancent leur briquet sur la scène . Il en reçoit un en pleine poitrine , et çà chavire . Son sourire disparaît , le regard noir s'allume . Il est fâché , a-t-il cru que ce geste était volontaire ? Elle est si fragile son humeur . Je bouscule la foule et me précipite à l'hôtel . Cette fois c'est une trentaine de fans qui attendent parqués à droite de la porte . Je me mets à gauche et quand Bob descend du car , les gars ont trop à faire avec les autres fans .
De toute façon ils ont dû recevoir une consigne du patron car ils ne m'arrêtent pas quand je pose ma main sur son épaule et murmure " je suis désolée Bob " . Il me regarde et fait "çà va". Bien sûr c'était à propos de l'incident , il a compris mais reste sombre . Je le quitte un peu désolée . Restera-t-il sur une mauvaise impression ?
Toute la journée du lendemain je poireaute à la porte de l'hôtel . Des gosses qui lui ont écrit une lettre me demandent comment s'écrit Zimmerman . Il s'appelle Dylan, je leur réponds . Ils perdent patience et s'en vont .
Vers 1 heure, j'ai froid , j'ai faim et je suis fatiguée . Il faut dire que j'ai peu dormi pendant une semaine . J'ai planté ma tente au bois de Boulogne, mais pour y aller après une heure du matin , il n'y a rien . Alors j'ai traîné dans Paris, au Quartier Latin et j'ai dormi dehors, à la belle étoile avec des Italiens qui sont remontés en stop à Paris pour voir Dylan .
Vers 19 heures, il sort . Je ne suis pas " fraîche ", il est impatient. On se serre la pince sans conviction .
" Comment çà va aujourd'hui ? "
" çà va , à la prochaine, à Blackbushe ? "
" OK"
Il me salue de la main de sa Mercedes blanche .
LE REVE S'ACHEVAIT . MAIS CE N'ETAIT PAS UN REVE . ET CELA NE FAISAIT QUE COMMENCER .
IV
Je rentre, relave mes chaussettes et en route à nouveau . Cette fois ma mère et mes sœurs seront du voyage . Nous visitons un peu Londres ; gris et froid . Nous achetons 5 billets pour Blackbushe. Nous nous levons de bonne heure et nous hélons un taxi . Le chauffeur ne sait pas où c'est et nous dépose près d'une gare de campagne . Nous devons changer deux fois de train. Un jeune type bien sapé passe près de nous pour aller aux toilettes et revient avec un T-shirt cradingue et des Jeans effrangés ; on se déshabille pour un concert de rock ! Finalement en se levant à six heures on arrive à neuf . On marche un peu au ras des pieds pour parvenir au premier rang . Les premiers chanteurs sont à 14 heures et Dylan passe à 21 heures .
Clapton se plante . On a l'impression qu'il est juste l'accompagnateur de sa choriste . Graham Parker et ses Rumeurs sont corrects . Joan Amartrading a la malchance de passer en retard juste avant le clou de la soirée . La foule s'impatiente et réclame " Bobby , Bobby, Dylan , Dylan " .
La grande scène se dégage et une scène toute prête , montée sur roulettes s'avance . Nous sommes juste bien placées pour recevoir des bouteilles de bière et d'eau sur le crâne . C'est le rituel " assis , assis " . On s'en fout . Même le gars à côté de nous a gardé son casque de moto . Et c'est pendant trois heures que nous resterons debout , juste devant la scène .
Je suis au rendez-vous Bobby .
C'est une fois de plus : Magique . Il a emprunté un chapeau haut de forme à un portier d'hôtel et sauf l'orchestre symphonique derrière, ce serait le Dylan des années 60 avec 250 000 personnes pour le soutenir .
Les projecteurs s'éteignent, nous nous éloignons lentement . Nous avons l'impression de traverser une immense décharge publique ; Des feux de déchets sont allumés pour réchauffer l'atmosphère et les corps difformes recroquevillés dans des sacs de couchage s'étendent sur des kilomètres . Nous allongeons la liste . Il fait froid quand même .
J'étais là devant cet hôtel super-luxueux à jouer à cache-cache avec les arcades . Un quart d'heure passe et le bus arrive . Il n'y a personne d'autre que moi sur le trottoir . Bob sort du car et je m'approche , aussitôt arrêtée par deux " gorilles " . J'appelle " Bobby ? " . Il me reconnaît et dit à ses gardes " çà va " . Il me serre gentiment la main et me demande si je serais là le samedi . C'était le prochain et dernier concert . " Bien sûr " je réponds . Je me tire . Je n'ai jamais pensé à faire autre chose . A ce moment le ciel m'est tombé sur la tête . Toutes les imbécillités que j'avais lues sur cet homme sont tombées au plus profond . il est paranoïaque , agressif , méchant , c'est un super égoïste , une langue de vipère , bla bla bla ....Il était seul et paumé comme un musicien solitaire et vide après un concert .
Cette approche fut certainement le second tournant de ma vie . J'aurais pu devenir nihiliste jusqu'à la mort , junky , clocharde , ou bien même me suicider . Mais l'espoir c'est lui qui me l'a donné .
Evidemment , ce dernier concert , c'était Le Concert . J'arrive sur place à 14 heures . Je rentre en douce et me planque sous le plancher, sous les bancs . J'ai droit aussi à voir passer , la sueur au front , premièrement les balayeurs , deuxièmement les costauds avec leurs chiens qui font la ronde . Et si les chiens me sentaient ? Pire qu'une évasion du bagne ! J'ai pourtant promis à Bob d'y être ce soir . J'ai de la chance , ou bien les cabots manquent de flair . J'assiste à la répétition . Sacrilège des sacrilèges : Bob a horreur que l'on voies des répétitions. Et puis j'ai manqué le salut qu'il m'a fait en arrivant . Une fille m'a dit que du car il a tiré le rideau et a salué quelqu'un de la file d'attente . Qui d'autre que moi ? (oh là, ça commence à me monter à la tête !).Je sors de ma planque et me précipite au premier rang . Mon billet n'est pas déchiré mais je ne pense pas à ressortir pour le vendre . J'attends , bien sage , quand je vois le manager s'approcher de moi " Bob vous dit Bonjour " , quel est votre nom , est-ce que vous serez à Blackbushe ? " je réponds estomaquée " Je ne sais pas". Le pique-nique . J'ai vu l'affiche quand j'étais en Angleterre . Un super-concert en plein air avec Dylan comme star d'affiche et puis Eric Clapton , Joan Amartrading ....je n'avais pas songée à retourner en Angleterre . Et puis, oui, puisque Bob le demande , j'y retournerai .
Le concert , ce soir , est super . Bob me regarde (illusion ?). Je m’évapore !.Et , comme çà pour satisfaire ma libido , j'ai l'impression qu'il est pour moi ce concert . Il est content ce soir , cela se voit . Il prend son pied . Mais brusquement , à la fin , quelques rigolos balancent leur briquet sur la scène . Il en reçoit un en pleine poitrine , et çà chavire . Son sourire disparaît , le regard noir s'allume . Il est fâché , a-t-il cru que ce geste était volontaire ? Elle est si fragile son humeur . Je bouscule la foule et me précipite à l'hôtel . Cette fois c'est une trentaine de fans qui attendent parqués à droite de la porte . Je me mets à gauche et quand Bob descend du car , les gars ont trop à faire avec les autres fans .
De toute façon ils ont dû recevoir une consigne du patron car ils ne m'arrêtent pas quand je pose ma main sur son épaule et murmure " je suis désolée Bob " . Il me regarde et fait "çà va". Bien sûr c'était à propos de l'incident , il a compris mais reste sombre . Je le quitte un peu désolée . Restera-t-il sur une mauvaise impression ?
Toute la journée du lendemain je poireaute à la porte de l'hôtel . Des gosses qui lui ont écrit une lettre me demandent comment s'écrit Zimmerman . Il s'appelle Dylan, je leur réponds . Ils perdent patience et s'en vont .
Vers 1 heure, j'ai froid , j'ai faim et je suis fatiguée . Il faut dire que j'ai peu dormi pendant une semaine . J'ai planté ma tente au bois de Boulogne, mais pour y aller après une heure du matin , il n'y a rien . Alors j'ai traîné dans Paris, au Quartier Latin et j'ai dormi dehors, à la belle étoile avec des Italiens qui sont remontés en stop à Paris pour voir Dylan .
Vers 19 heures, il sort . Je ne suis pas " fraîche ", il est impatient. On se serre la pince sans conviction .
" Comment çà va aujourd'hui ? "
" çà va , à la prochaine, à Blackbushe ? "
" OK"
Il me salue de la main de sa Mercedes blanche .
LE REVE S'ACHEVAIT . MAIS CE N'ETAIT PAS UN REVE . ET CELA NE FAISAIT QUE COMMENCER .
IV
Je rentre, relave mes chaussettes et en route à nouveau . Cette fois ma mère et mes sœurs seront du voyage . Nous visitons un peu Londres ; gris et froid . Nous achetons 5 billets pour Blackbushe. Nous nous levons de bonne heure et nous hélons un taxi . Le chauffeur ne sait pas où c'est et nous dépose près d'une gare de campagne . Nous devons changer deux fois de train. Un jeune type bien sapé passe près de nous pour aller aux toilettes et revient avec un T-shirt cradingue et des Jeans effrangés ; on se déshabille pour un concert de rock ! Finalement en se levant à six heures on arrive à neuf . On marche un peu au ras des pieds pour parvenir au premier rang . Les premiers chanteurs sont à 14 heures et Dylan passe à 21 heures .
Clapton se plante . On a l'impression qu'il est juste l'accompagnateur de sa choriste . Graham Parker et ses Rumeurs sont corrects . Joan Amartrading a la malchance de passer en retard juste avant le clou de la soirée . La foule s'impatiente et réclame " Bobby , Bobby, Dylan , Dylan " .
La grande scène se dégage et une scène toute prête , montée sur roulettes s'avance . Nous sommes juste bien placées pour recevoir des bouteilles de bière et d'eau sur le crâne . C'est le rituel " assis , assis " . On s'en fout . Même le gars à côté de nous a gardé son casque de moto . Et c'est pendant trois heures que nous resterons debout , juste devant la scène .
Je suis au rendez-vous Bobby .
C'est une fois de plus : Magique . Il a emprunté un chapeau haut de forme à un portier d'hôtel et sauf l'orchestre symphonique derrière, ce serait le Dylan des années 60 avec 250 000 personnes pour le soutenir .
Les projecteurs s'éteignent, nous nous éloignons lentement . Nous avons l'impression de traverser une immense décharge publique ; Des feux de déchets sont allumés pour réchauffer l'atmosphère et les corps difformes recroquevillés dans des sacs de couchage s'étendent sur des kilomètres . Nous allongeons la liste . Il fait froid quand même .
DEUXIEME PARTIE
I
Pendant un an je fais quelques boulots et économise de l'argent . Puis la bougeotte me reprend et je pars à nouveau au pays des hamburgers et du coca-cola, cette fois pour voir le " Prince " .
J'ai voyagé un moment, mendiant de l'argent pour survivre. J'ai ramassé des carottes en Arizona et suis passée au Mexique avec une bande de hippies pour rejoindre un cirque. Je suis descendue au creux d'une Amérique que l'on ne soupçonne pas ; celle de la misère, du racisme et de l'intolérance . Celle où la couleur de ta peau et ton accent ont plus d'importance que tes valeurs humaines . L'Amérique des grands et des petits crimes ; où l'on vous tue dans la rue pour quelques dollars sans que personne ne bouge ; où les génocides sont à l'échelle de toute une race ou de tout un pays dans l'indifférence générale ; où un peuple de 200 000 millions d'âmes est abruti à coups de spots publicitaires et de séries télévisées encore plus bêtes que violentes . Cette Amérique là, je lui crache dessus .
J'ai visité le " Village " à New-York , ou plutôt ce qu'il en reste . C'est devenu un quartier de luxe . J'ai jeté un oeil curieux sur la façade d'un certain immeuble à Mc Dougal St. Rien n'y bougeait ! Je suis allée de l'autre côté, sur la côte Ouest au Zimmerman’s Xanadu , l'antre du fauve .
Une fois le dôme en cuivre repéré, j'en fais le tour . L'entrée principale ne m'intéresse pas , c'est plein de gardes . Je cherche un coin tranquille pour passer le grillage, assez haut quand même . C'est bourré d'herbes folles, pourvu qu'il n'y ait pas de serpents ! Un gros tas de ferraille (!)et je suis devant l'entrée principale du palace ...ouverte. Je n'ai pas le culot de passer la porte . Un cheval devant, dans un pré, quelques cultures, une roulotte de gitans en bois, comme on n'en fait plus aujourd'hui - sauf pour les milliardaires nostalgiques - des caquètements de poules dans le fond . En somme assez bordélique, tout çà .
" Vous cherchez quelque chose ? " , un gars avec deux gros chiens m'interpelle .
" Bob est là ? " - question stupide
" Non, non il n'habite plus là ; cela fait deux ans qu'on ne l'a pas vu " Vous êtes dans une propriété privée, la prochaine fois on appelle la police , suivez-moi "
A l'entrée de la grille, il y a une petite cabane en bois et un bureau dedans, on me demande mon nom, mon âge, ma taille ( ?!). Il paraît que tout est consigné dans un registre. Sur l'ordre du Boss? Je m'en fous, j'ai vu ce que je voulais, bye bye !.
Je suis fauchée, alors je passe la frontière pour aller au Canada où on me dit qu'ils recrutent des jeunes pour la récolte du tabac. En fait, c'est " les raisins de la colère " . Quatre fois plus de mains d’œuvre que de places disponibles. Je me retrouve à genoux à ramasser des tomates et des concombres . Pénible!
J'ai un rêve : le nouvel album de Dylan est sorti . Je ne prends pas le temps de vérifier si mon rêve est prémonitoire ou non : je fonce à San Francisco . Le nouveau disque est en vente
" Slow Train Coming " . Je ne prends pas garde aux critiques : Chrétien , Juif pour Jésus , Jesus-Freak ....Merde , c'est Dylan et çà sonne bien . Je reste un moment à Frisco et apprends avec joie qu'il fera une série de concerts au Warfield Theatrum , un petit théâtre . Je suis la première à faire la queue à l'un des points de vente. Malheureusement avec leur ordinateur je n'obtiens aucune place au premier rang ; c'est pas humain ces machins-là .
Je vois deux concerts bien dans l'esprit du nouveau disque : gospel et Jésus partout .
Je ne suis pas étonnée de son total engagement . C'est un gars à " cent pour cent " , mais il change si vite d'idée ; çà lui passera sûrement . Et puis c'est de la musique de qualité . Mais qu'est-ce qu'il lui a pris au pays des libertés (?) où l'on juge d'après la couleur de votre peau et d'après votre religion .C'est avant tout un Juif et il a trahi sa religion . Pourtant des Juifs pour Jésus il y en a en Californie où tout est possible . Oui mais ...Dylan , lui , c'est une vedette internationale . Il traîne derrière lui des milliers de personnes . Il n'a pas le droit de penser comme UN , il faut qu'il pense comme des milliers de personnes . Même si pour lui personnellement c'est une porte de sortie . Après son divorce et la perte de la garde de ses enfants, qu'aurait-il pu faire ?
La Bible c'est mieux que la bouteille .
Et puis ce n'est pas la première fois qu'il s'inspire de la Bible pour les textes de ses chansons, et qu'il nomme Jésus : " Masters Of War" , " With God On Our Side " , " I Shall Be Released " et même " Long Ago , Far Away " . Pas très orthodoxe ce Juif !
Là-bas on lui reproche de renier son Judaïsme, ici en Europe où le Marxisme règne on le condamne pour oser citer Jésus , ce Juif qui a tant fait parler de lui . On pourrait simplement lui en vouloir d'être un peu trop catégorique . Mais il croyait tant avoir raison. Il nous a affirmé un jour à San Francisco " The Search Is Over " , la recherche est terminée . Ce fut un peu simple et stupide d'attaquer toute son oeuvre et de démolir l'homme sur juste une partie de sa carrière . C'est vite oublier qu'il est l'un des plus grands poètes américains contemporains - et encore en vie - . Moi ce Jésus là il ne m'a pas effrayée, je n'ai pas tourné le dos .
Après le deuxième concert, je rencontre une fan . On discute . Elle a une Wolkswagen . Nous décidons de suivre le mini-bus de la bande qui fait la navette entre l'hôtel et le théâtre . On repère ce dernier après une course folle dans San Francisco . A partir de là nous ne le lâcherons plus , et jours après jours avant et après les concerts nous serons devant et même dedans l'hôtel .
Nous avons droit à des sourires, des saluts , un commentaire de dix minutes sur la Bible dont je ne retiens rien , sinon deux yeux d'un bleu transparent qui accrochent tout au passage et qui brillent d'une intelligence sûre et subtile .
Ma copine, qui est juive, un soir se voit remettre sèchement un télégramme, dans lequel une secte de " Juifs pour Jésus" encourage Dylan dans sa voie !
Il fait , hargneux : " vas voir ces gens-là " et lui demande le lendemain si elle y est allée . Moi , je porte une croix , sans trop de conviction d'ailleurs . J'ai trop été échaudée quelques années auparavant et me méfie du fanatisme . Un jour nous lui arrachons la promesse d'un café en tête en tête pour le lendemain . Nous sommes , le jour venu , sur notre trente et un et terriblement nerveuses . Il rentre en courant dans l'hôtel et s'excuse en disant qu'il a beaucoup de coups de téléphone à donner . Flûte, c'est raté ! Au moins il n'avait pas oublié et a agi poliment même si c'était en mentant . Il décline aussi l'invitation pressante d'une groupie de longue date . Serait-il sage ? Il ne reçoit que des prêtres parait-il . Nous faisons une tentative à l'étage . Les clefs de la " suite " sont restées sur la porte . Inconscience ? Oubli ? Nous pourrions lui voler sa chemise mais comme il n'en a sans doute qu'une ou deux avec lui ce serait vache . Nous restons comme des " cloches " dans le couloir quand, en nous retournant, Dylan fait son apparition au bout du couloir avec un petit sac à provisions en papier à la main . Il reste stoïque en nous fermant la porte au nez . Il n'a pas besoin de nous .
D'accord ! Nous garderons désormais nos distances . La groupie se fait un peu plus accrochant et se fera menacer d’être embarquée par les flics . Non pas par Bob qui lui donnera même gentiment des billets mais par la sécurité .
Le soir il nous dit qu'il est terriblement fatigué après un concert et qu'il monte se coucher. Nous bavardons , ma copine et moi , une demi-heure dans le hall de l'hôtel quand soudain dans l'ascenseur apparaît un Bobby en pantalon blanc . Il nous voit et laisse l'ascenseur se refermer sur lui . A-t-il eu peur ? Avait-il oublié quelque chose ? Il redescend et nous le suivons . Des fans sont groupés à la porte de l'hôtel . Personne ne le reconnaît quand il sort ! Nous arrivons dans un club deux " blocs " plus loin . Il rentre gratis . Nous aussi . " Les Fabulous Thunderbirds " sont au programme , un groupe de blues qui fera fureur par la suite . Il reste jusqu'à la fin dans la pénombre et derrière ses lunettes noires . Nous le raccompagnons à l'hôtel . Il plaisante . Il donne l'impression d'être un peu saoul . Il nous dit au -revoir au pied de l'ascenseur . Assez hermétique quand même . Il doit avoir l'habitude d'être intercepté dans la rue et est assez malin pour s'en tirer en nous laissant sur une bonne impression sans n'avoir rien donné . Le lendemain il retourne au club et cette fois sort cinq minutes avant la fin et littéralement disparaît . Pourtant nous cavalons jusqu'à l'hôtel mais pour entendre " Dylan est déjà monté " . Un champion de l'évaporation .
Au total cependant nous avons eu un contact assez plaisant . Il nous donnera " tous les tickets de concert que vous voulez " même si le manager nous fait des difficultés . Il paraît que nous avons de la chance car il n'est pas généreux d'habitude . Nous avons des saluts et des sourires d'un Bobby dans l'ensemble extrêmement sérieux . Pas de mauvais mots, pas de mauvais gestes . Beaucoup de silence qu'il nous faut respecter . Un jour un journaliste lui demande " pourquoi parlez-vous si bas ? "
" Parce que j'ai l'habitude d'être entouré de silence " .
II
Je suis à nouveau fauchée , pourtant il y a des concerts à Los Angeles. Alors je tente le Diable :je fais du stop jusqu'à L.A . En douze heures, avec une chance inouïe, j'ai rejoint la ville et même on m'a offert à manger. Par hasard, j'apprends l'adresse du studio. J'y fonce, je n'ai rien à perdre . J'attendrai sept heures assise sur les marches avant de voir sa Cadillac rouge à toit blanc se parquer devant l'entrée . Entre-temps , pris de pitié , Simo, un gars qui travaille au studio , me refile deux bananes et une boite de soda . Un geste humanitaire . Mais aussi j'aurai eu la visite des flics qui me demandent ce que je fais là - pas le tapin en tout cas c'est plutôt désert - " j'attends l'imprésario de Mr Bob Dylan " , je ne sais pas si je les ai bien trompés mais ils s'en vont sans histoire .
Vers 19 heures , Dylan arrive . Je m'approche de la Cadillac et murmure " Pourrais-je avoir un billet pour ce soir ? " . Il lorgne mon sac à dos et fais " Je vais voir " . Quand il ressort il me sourit " oui , bien sûr je vais t'en trouver un " " est-ce que tu as une place où dormir ? " . C'est la seconde fois qu'il me pose la question . A San Francisco j'avais dit oui , mais là je dis " non, mais ne t'inquiète pas çà ira " . En fait cela n'a pas été du tout . Je suis restée quatre nuits et quatre jours à cailler avec pour tout repas un petit déjeuner offert par l'armée du Salut chaque jour . Le dernier jour ils m'ont dit de ne pas revenir .
A Santa Monica c'est dur , dur . Je ne verrai pas tous les concerts . Meyers ( le grand manager ) joue son rôle de garde - il garde surtout le porte-monnaie - et je ne veux pas mendier à Bob tous les jours . J'apprends que les concerts de L.A sont donnés au profit d'une oeuvre de charité .
Le dernier soir j'attends sans conviction sur le parking de l'hôtel où il est descendu . Vers une heure du matin je vois Monsieur qui sort au volant de sa voiture . Je lui fais au-revoir de la main . Il s'arrête, descend sa vitre, je m'approche et je ne trouve rien d'autre à lui dire que " tu es quelqu'un mec " . Il me demande " Est-ce que tu as de l'argent , un endroit où aller ? " "non " . Il appelle son manager " donne -lui vingt dollars", et disparaît . Je ne prends pas l'argent et le regarde s'éloigner , époustouflée . Depuis je ne sais pas trop quoi penser : vingt dollars pour lui qui est milliardaire c'est comme vingt centimes pour moi . Il aurait pût m'inviter chez lui ; Malibu n'est pas très loin . C'était risqué quand même , je pouvais être une dingue et l'assassiner . Et puis il ne peut tout de même pas ramasser tous les clodos qui traînent . Alors je pense que finalement c'était un geste des plus humanitaires et le mieux qu'il pouvait faire pour moi . Après tout PERSONNE d'autre n'avait songé à m'offrir une chambre , un repas , ou même un dollar .
Le prochain concert à San Diego je me débrouille pour savoir l'hôtel et je téléphone directement au manager . " Pourrais-je avoir un billet ? " . Il a dû être impressionné que je refuse vingt dollars, il me dit illico :" Bien sûr tu l'auras ". Les concerts étaient à peu près les mêmes :Gospel, Jésus , la croix d'argent au cou ; mais pas de journalistes , pas de groupies . Un Dylan qui semble rejeter tout ce qui ne le confirme pas dans sa voie . Il paraît qu'il aurait même viré son manager principal qui refusait une conversion ? !
Alors moi dans tout çà et malgré beaucoup de privations et de moqueries de la part de l'entourage , j'ai eu de la chance , beaucoup de chance .
LE DERNIER REGARD DE LA SUPER-STAR POUR SON PUBLIC , A SAN DIEGO JE L'AI CROISE ! IL ETAIT POUR MOI .
Je vois deux concerts bien dans l'esprit du nouveau disque : gospel et Jésus partout .
Je ne suis pas étonnée de son total engagement . C'est un gars à " cent pour cent " , mais il change si vite d'idée ; çà lui passera sûrement . Et puis c'est de la musique de qualité . Mais qu'est-ce qu'il lui a pris au pays des libertés (?) où l'on juge d'après la couleur de votre peau et d'après votre religion .C'est avant tout un Juif et il a trahi sa religion . Pourtant des Juifs pour Jésus il y en a en Californie où tout est possible . Oui mais ...Dylan , lui , c'est une vedette internationale . Il traîne derrière lui des milliers de personnes . Il n'a pas le droit de penser comme UN , il faut qu'il pense comme des milliers de personnes . Même si pour lui personnellement c'est une porte de sortie . Après son divorce et la perte de la garde de ses enfants, qu'aurait-il pu faire ?
La Bible c'est mieux que la bouteille .
Et puis ce n'est pas la première fois qu'il s'inspire de la Bible pour les textes de ses chansons, et qu'il nomme Jésus : " Masters Of War" , " With God On Our Side " , " I Shall Be Released " et même " Long Ago , Far Away " . Pas très orthodoxe ce Juif !
Là-bas on lui reproche de renier son Judaïsme, ici en Europe où le Marxisme règne on le condamne pour oser citer Jésus , ce Juif qui a tant fait parler de lui . On pourrait simplement lui en vouloir d'être un peu trop catégorique . Mais il croyait tant avoir raison. Il nous a affirmé un jour à San Francisco " The Search Is Over " , la recherche est terminée . Ce fut un peu simple et stupide d'attaquer toute son oeuvre et de démolir l'homme sur juste une partie de sa carrière . C'est vite oublier qu'il est l'un des plus grands poètes américains contemporains - et encore en vie - . Moi ce Jésus là il ne m'a pas effrayée, je n'ai pas tourné le dos .
Après le deuxième concert, je rencontre une fan . On discute . Elle a une Wolkswagen . Nous décidons de suivre le mini-bus de la bande qui fait la navette entre l'hôtel et le théâtre . On repère ce dernier après une course folle dans San Francisco . A partir de là nous ne le lâcherons plus , et jours après jours avant et après les concerts nous serons devant et même dedans l'hôtel .
Nous avons droit à des sourires, des saluts , un commentaire de dix minutes sur la Bible dont je ne retiens rien , sinon deux yeux d'un bleu transparent qui accrochent tout au passage et qui brillent d'une intelligence sûre et subtile .
Ma copine, qui est juive, un soir se voit remettre sèchement un télégramme, dans lequel une secte de " Juifs pour Jésus" encourage Dylan dans sa voie !
Il fait , hargneux : " vas voir ces gens-là " et lui demande le lendemain si elle y est allée . Moi , je porte une croix , sans trop de conviction d'ailleurs . J'ai trop été échaudée quelques années auparavant et me méfie du fanatisme . Un jour nous lui arrachons la promesse d'un café en tête en tête pour le lendemain . Nous sommes , le jour venu , sur notre trente et un et terriblement nerveuses . Il rentre en courant dans l'hôtel et s'excuse en disant qu'il a beaucoup de coups de téléphone à donner . Flûte, c'est raté ! Au moins il n'avait pas oublié et a agi poliment même si c'était en mentant . Il décline aussi l'invitation pressante d'une groupie de longue date . Serait-il sage ? Il ne reçoit que des prêtres parait-il . Nous faisons une tentative à l'étage . Les clefs de la " suite " sont restées sur la porte . Inconscience ? Oubli ? Nous pourrions lui voler sa chemise mais comme il n'en a sans doute qu'une ou deux avec lui ce serait vache . Nous restons comme des " cloches " dans le couloir quand, en nous retournant, Dylan fait son apparition au bout du couloir avec un petit sac à provisions en papier à la main . Il reste stoïque en nous fermant la porte au nez . Il n'a pas besoin de nous .
D'accord ! Nous garderons désormais nos distances . La groupie se fait un peu plus accrochant et se fera menacer d’être embarquée par les flics . Non pas par Bob qui lui donnera même gentiment des billets mais par la sécurité .
Le soir il nous dit qu'il est terriblement fatigué après un concert et qu'il monte se coucher. Nous bavardons , ma copine et moi , une demi-heure dans le hall de l'hôtel quand soudain dans l'ascenseur apparaît un Bobby en pantalon blanc . Il nous voit et laisse l'ascenseur se refermer sur lui . A-t-il eu peur ? Avait-il oublié quelque chose ? Il redescend et nous le suivons . Des fans sont groupés à la porte de l'hôtel . Personne ne le reconnaît quand il sort ! Nous arrivons dans un club deux " blocs " plus loin . Il rentre gratis . Nous aussi . " Les Fabulous Thunderbirds " sont au programme , un groupe de blues qui fera fureur par la suite . Il reste jusqu'à la fin dans la pénombre et derrière ses lunettes noires . Nous le raccompagnons à l'hôtel . Il plaisante . Il donne l'impression d'être un peu saoul . Il nous dit au -revoir au pied de l'ascenseur . Assez hermétique quand même . Il doit avoir l'habitude d'être intercepté dans la rue et est assez malin pour s'en tirer en nous laissant sur une bonne impression sans n'avoir rien donné . Le lendemain il retourne au club et cette fois sort cinq minutes avant la fin et littéralement disparaît . Pourtant nous cavalons jusqu'à l'hôtel mais pour entendre " Dylan est déjà monté " . Un champion de l'évaporation .
Au total cependant nous avons eu un contact assez plaisant . Il nous donnera " tous les tickets de concert que vous voulez " même si le manager nous fait des difficultés . Il paraît que nous avons de la chance car il n'est pas généreux d'habitude . Nous avons des saluts et des sourires d'un Bobby dans l'ensemble extrêmement sérieux . Pas de mauvais mots, pas de mauvais gestes . Beaucoup de silence qu'il nous faut respecter . Un jour un journaliste lui demande " pourquoi parlez-vous si bas ? "
" Parce que j'ai l'habitude d'être entouré de silence " .
II
Je suis à nouveau fauchée , pourtant il y a des concerts à Los Angeles. Alors je tente le Diable :je fais du stop jusqu'à L.A . En douze heures, avec une chance inouïe, j'ai rejoint la ville et même on m'a offert à manger. Par hasard, j'apprends l'adresse du studio. J'y fonce, je n'ai rien à perdre . J'attendrai sept heures assise sur les marches avant de voir sa Cadillac rouge à toit blanc se parquer devant l'entrée . Entre-temps , pris de pitié , Simo, un gars qui travaille au studio , me refile deux bananes et une boite de soda . Un geste humanitaire . Mais aussi j'aurai eu la visite des flics qui me demandent ce que je fais là - pas le tapin en tout cas c'est plutôt désert - " j'attends l'imprésario de Mr Bob Dylan " , je ne sais pas si je les ai bien trompés mais ils s'en vont sans histoire .
Vers 19 heures , Dylan arrive . Je m'approche de la Cadillac et murmure " Pourrais-je avoir un billet pour ce soir ? " . Il lorgne mon sac à dos et fais " Je vais voir " . Quand il ressort il me sourit " oui , bien sûr je vais t'en trouver un " " est-ce que tu as une place où dormir ? " . C'est la seconde fois qu'il me pose la question . A San Francisco j'avais dit oui , mais là je dis " non, mais ne t'inquiète pas çà ira " . En fait cela n'a pas été du tout . Je suis restée quatre nuits et quatre jours à cailler avec pour tout repas un petit déjeuner offert par l'armée du Salut chaque jour . Le dernier jour ils m'ont dit de ne pas revenir .
A Santa Monica c'est dur , dur . Je ne verrai pas tous les concerts . Meyers ( le grand manager ) joue son rôle de garde - il garde surtout le porte-monnaie - et je ne veux pas mendier à Bob tous les jours . J'apprends que les concerts de L.A sont donnés au profit d'une oeuvre de charité .
Le dernier soir j'attends sans conviction sur le parking de l'hôtel où il est descendu . Vers une heure du matin je vois Monsieur qui sort au volant de sa voiture . Je lui fais au-revoir de la main . Il s'arrête, descend sa vitre, je m'approche et je ne trouve rien d'autre à lui dire que " tu es quelqu'un mec " . Il me demande " Est-ce que tu as de l'argent , un endroit où aller ? " "non " . Il appelle son manager " donne -lui vingt dollars", et disparaît . Je ne prends pas l'argent et le regarde s'éloigner , époustouflée . Depuis je ne sais pas trop quoi penser : vingt dollars pour lui qui est milliardaire c'est comme vingt centimes pour moi . Il aurait pût m'inviter chez lui ; Malibu n'est pas très loin . C'était risqué quand même , je pouvais être une dingue et l'assassiner . Et puis il ne peut tout de même pas ramasser tous les clodos qui traînent . Alors je pense que finalement c'était un geste des plus humanitaires et le mieux qu'il pouvait faire pour moi . Après tout PERSONNE d'autre n'avait songé à m'offrir une chambre , un repas , ou même un dollar .
Le prochain concert à San Diego je me débrouille pour savoir l'hôtel et je téléphone directement au manager . " Pourrais-je avoir un billet ? " . Il a dû être impressionné que je refuse vingt dollars, il me dit illico :" Bien sûr tu l'auras ". Les concerts étaient à peu près les mêmes :Gospel, Jésus , la croix d'argent au cou ; mais pas de journalistes , pas de groupies . Un Dylan qui semble rejeter tout ce qui ne le confirme pas dans sa voie . Il paraît qu'il aurait même viré son manager principal qui refusait une conversion ? !
Alors moi dans tout çà et malgré beaucoup de privations et de moqueries de la part de l'entourage , j'ai eu de la chance , beaucoup de chance .
LE DERNIER REGARD DE LA SUPER-STAR POUR SON PUBLIC , A SAN DIEGO JE L'AI CROISE ! IL ETAIT POUR MOI .
TROISIEME PARTIE 1981 Europe
I
En 81 , la surprise !
Bob à nouveau en tournée .
Et puis comme tout ce qui touche à Bob, pas d'autre renseignement . J'achète les journaux dits " spécialisés " Le PRETRE FAIT LES STADES . merde! Ils l'ont déjà jugé .
Trois villes et trois dates :
Toulouse le 21 Juin , Colombes le 25 Juin et Avignon le 25 Juillet . Peut-être Londres et Birmingham . C'est tout . Quelques annonces sur une radio bien connue et commercial. Je me demande bien ce qu'il va faire entre le 25 Juin et le 25 Juillet, rien en Allemagne?
Je remballe mes chaussettes, je suis sûre de voir les trois concerts français, le reste on verra . Une de mes sœurs m'accompagne à Toulouse . Nous arrivons en gare par un beau dimanche ensoleillé. Pas d'affiche . Peut-être nous sommes-nous trompées ? J'achète le canard local; une photo et un nom :le Stade des Minimes . En chemin deux ou trois photos dans des placards grillagés et une banderole " BOB DYLAN EN CONCERT " . Ils ne se sont pas cassés pour faire de la pub . Il paraît que C.B.S n'a pas voulu financer cette tournée . Mais cela n'a pas d'importance : nous , le public , nous n'avons pas besoin de leur merde . Nous achetons deux billets à 70 F , pas trop cher , çà va . Le manque de pub fait-il chuter les prix d'entrée ? Nous attendons un peu par derrière, des fois ! mais rien ne se passe, juste la sécurité qui nous nargue . Nous faisons la queue à l'entrée avant de foncer au premier rang . Nous nous installons pour croquer un sandwich et nous attendons . Le genre d'attente que je vais connaître plus d'une fois : triste et vide , le sommeil pesant lourd sur mes paupières ! les gens dans l'ensemble sont jeunes , du moins au premier rang . On reconnaît Capdevieille ; il n'a pas le droit aux coulisses. Mr. President y est lui en coulisses . Ils arrivent tard et les choristes entonnent leur gospel . Je ne suis pas surprise, je me souviens de la tournée 79 . " Le grand (?) prêtre " entre, vêtu d'un blouson - non pas en cuir comme certains l'ont prétendu - mais en nylon noir brodé de dragons ; un genre kimono japonais .
Il est un peu trop grand pour lui, je trouve, mais l'esthétique Mr.Dylan ?
Comparé à 79, il rajoute quelques trucs des années 60. Il faut dire qu'aux States son gospel n'avait pas marché des mieux ; alors en 80 il avait fait plaisir à ces hippies vieillissants, qui composent une bonne partie de son public en reprenant Mr Tambourine Man ou " Like A Rolling Stone ". Ce que le public veut c'est le vieux Dylan .
Ca rocke pas mal . Ce n'est pas du tout le prêcheur prêchant mais le rockeur méchant . Le concert sera court . Trop court peut-être et pas des meilleurs . La sonorisation est mauvaise . Les spots mal ajustés et les musiciens semblent chercher le ton et parfois aussi les morceaux qu'ils doivent jouer ? Je me suis aperçue par la suite qu'il n'y a pas vraiment de programmation. Le Boss commence deux ou trois accords et les gars derrière doivent suivre . D'où un cafouillage au départ . Un des musiciens aussi me dira que c'est Dylan qui envoie le rythme et non le batteur comme cela se fait normalement . Dylan a même oublié les paroles des chansons . Nous sortons un peu déçues mais c'est Toulouse et c'est quand même du bon Rock and Roll .
Je rentre et repars presque aussitôt pour Paris . J'ai trouvé le programme de la tournée au dos des T-shirts . Entre Paris et Londres, j'ai deux jours pour réfléchir . Reprendrais-je la route ou non ?
Paris . Ou du moins Colombes, un peu à l'écart . A 14 heures , il y a déjà la queue . J'observe . Les gars sont jeunes et habillés à la Dylan des années 60 : lunettes noires , chemise blanche et boléro, chapeau haut de forme, foulard autour du cou ...un peu de son arrogance .
Ils sont une heure en retard . Il y a 4000 personnes qui ne sont pas encore rentrées , nous explique-t-on . 40 000 personnes se sont entassés , le concert est bien , sans plus .
Je vais pieuter à la gare du Nord , la seule de Paris où il n'y ait pas de flics . Mais des courants d'air à revendre . Le lendemain je fouine un peu les hôtels : Maurice , GeorgesV, pas de trace du groupe . C'est grand Paris et Dylan c'est un fantôme . Je rentre pour finalement préparer le Grand Trip.
II
Je débarque à la gare Victoria , sale et glaciale . J'attends à la porte du London Tourist Board . J'ai beau attendre , çà n'ouvre pas . Zut ! j'ai oublié le décalage horaire . Je décroche une chambre plus petit déjeuner au St Siméon hôtel . Je tremble un peu ; j'y suis déjà passée trois ans auparavant et je suis partie sans payer . Le propriétaire ne me reconnaît pas . Le petit déjeuner : des oeufs pas cuits , du bacon brûlé , deux toasts avec beurre et confiture , ce sera mon seul repas chaque jour pendant une semaine . Alors je m'empiffre de beurre et de confiture et bois la théière entière de thé servie pour quatre . Je vais chipper quelques cacahuètes et biscuits dans les magasins chics ; mais le lait aux portes des pavillons je n'y toucherai pas . J'avais déjà essayé cela m'avait valu un contrôle de flics . Tentant pourtant quand on a faim ! De la joie cependant , l'hôtel n'est pas loin de Earl's Court , je peux y aller à pied .
Le marché noir bat son plein : quinze livres pour un billet qui en vaut huit et demi et encore , pas aux premiers rangs . Quelle magouille ! J'achète le mien pour sept et demi .. le bourdon me prend . Je n'ai pratiquement pas dormi depuis deux jours , j'ai froid , j'ai faim , il pleut . Et à Londres quand il pleut , c'est pas la joie . Je lis une interview du gars . Evasif comme d'habitude . J'ai déjà envie de tout lâcher , pourtant ce n'est que le début , j'en verrai d'autres .
Je suis aux cinq cent diables dans ce bol . Je me remémore l'emploi du temps:
Londres du 26 Juin au 1 Juillet
Birmingham les 3 et 4
Stockholm le 8
Oslo les 9 et 10
Copenhague le 12
Bad Segeberg les 14 et 15
Loreley le 17
Mannheim le 18
Munich les 19 et 20
Vienne le 21
Basel le 23
Avignon le 25
Je suis d'abord persuadée que Bad Segeberg et Loreley sont en Allemagne de l'Est . J'ai donc rayé ces deux villes de mon programme , il faut un visa que je ne possède pas . Ensuite pour passer de Birmingham à Stokholm , quel bazard! Je me persuade que le bateau est la seule solution . J'ai trois jours pour y parvenir , une gageure! Pour le reste j'ai entendu parler d'Inter-Rail , j'aviserai dès demain . Et puis une tuile , je dois me pointer au chômage le 22 , je serai à Vienne .
Revenons au bol . Le gars à côté de moi me salue avec un accent américain . Il est de New-York et n'a jamais vu Dylan! Les lumières s'éteignent , la foule hurle . Les choristes commencent sans problème....MESDAMES ET MESSIEURS .....BOB DYLAN ....Cà démarre à toute allure " gotta serve somebody " , " I believe in you " , " Like a rolling stone " . Les premiers rangs se lèvent , " the animals " , " Maggie's Farm " particulièrement appréciée ici où Maggie est Margaret Tatcher - " girl from the north country " , " dead man , dead man " , " simple twist of fate " , " masters of wars " , à fond la caisse , " ballad of a thin man " , "mr tambourine man " , " slow train " . Un break avec Regina qui chante et çà repart " heart of mine " , " what can I do for you " , " Lenny Bruce " , " Just Like A Woman " , " " when you gonna wake up ", " watered down love " , forever young " , " summertime , " " in the garden " , premier rappel " blowin' in the wind" deuxième encore " don't think twice " à la guitare sèche . Ce soir il y met le paquet, il y en a pour tous les goûts , de la balade acoustique au super rock . Trois heures de magie super Dylan . On dirait qu'il veut battre Springsteen .
La foule s'éloigne tranquillement sans trop de commentaires pourtant comparé au concert français c'était le pied . Mais les Anglais en ont vu d'autres . Et puis le son à Earl's Court , c'est quelque chose ! A quand des salles de concert potables en France ?
Je n'ai pas le courage de me pointer derrière pour la sortie . Je fonce à l'hôtel et je pionce, je pionce , satisfaite .
III
Samedi : je me lève à huit heures pour le petit déjeuner que je ferais bien de ne pas rater . Je déambule dans Londres à la recherche de cette fameuse carte Inter-Rail . C'est fermé . Je ne trouve pas non plus de billet pour ce soir , c'est Sold Out . Je traîne autour de Earl's Court et je m'aperçois que mon billet de la veille n'a pas été déchiré . Je tente le coup . Il y a deux tourniquets à passer . Avec un grand coup de chance , je passe , mais je n'ai pas de siège . Deux Ecossais avec un accent terrible me font une place . Trois pour deux sièges : pas très confortable mais je suis à l'intérieur . Ils disparaissent au beau milieu du concert , je ne les reverrai plus .
Ce n'est pas si bien qu'hier , il se plante un peu et seulement deux heures et demie de concert . Un troisième rappel avec " Knocking on heaven's door " . Je sors et attends derrière , pas de voiture , pas de car , le Roi est parti .
Dimanche : je flâne dans Londres . Des peintres , des musiciens , de l'ambiance . Le mariage du Prince Charles et de Diana est annoncé partout . Je n'en ai rien à foutre . Je me fais accrocher par un Egyptien que j'arrive à semer . Pas de temps pour la bricole . Moi , c'est Bobby qui m'attend ; ou que j'attends plutôt .
De retour au bol ; quelques guignols avec des hauts de forme . Décidément , ils sont tous en retard . Dylan c'est une croix d'argent qu'il porte aujourd'hui . Ils semblent bien tous dans leur peau ces gens-là . Pas trop rebelles , pas trop loqueteux ; mais où est donc passé Rimbaud ?
Un gars m'interpelle " tu veux un billet ? " . Je louche dessus : arène BB , une très bonne place . Je regarde si le billet n'est pas faux et interloquée " pourquoi est-ce que tu me le donnes , cela vaut au moins vingt livres au marché noir " " je n'ai pas besoin d'argent " " ah bon , merci ! " . J'essaie de revendre le mien nettement moins intéressant Je dois paraître étrange, personne n'en veut . Pourtant c'est encore " sold out " . Tant pis je rentre . Je suis à dix rangs de la scène , un miracle . Le mec s'assoit à côté de moi sympa !
Une nouvelle chanson ( ? )" Mary from the wild mirror" avec mandoline et un duo avec une des choristes . On est loin du Dylan-Baez où la Madonne cherche vainement à rattraper un Dylan qui prend le train et qui change parfois les paroles en cours de route- il le ferait exprès le coquin ? - Chouette cette chanson on dirait une vieille ballade de péquenots . Il a plus d'une corde à son arc . Et hop! à nouveau du Rock & Roll " All Along The Watchtower " . Au premier rappel je cours devant . C'est interdit " gare aux gorilles " ! Il a la figure pas rasée et gonflée , un tronc court planté sur des jambes de cow-boy - un Lucky Luke du Rock and Roll - . Des fanas balancent des T-shirts sur la scène . Tim Drummond , le bassiste sourit , quand à Dylan , lui , il reste parfaitement stoïque et les pose sur la console arrière . Un fantastique " It's Alright Ma " seul à la guitare . Un " au-revoir , nous reviendrons l'année prochaine " - ne le croyez jamais - et c'est fini .
Lundi : au petit déjeuner , je récupère quatre toasts , un vrai festin ! Après renseignement , la carte Inter-Rail , je ne peux l'acheter qu'en France . Alors je perds espoir de pouvoir continuer vers Birmingham . Je m'allonge sur l'herbe dans un parc et calcule ...si je suis rentrée une fois avec un billet périmé , pourquoi pas deux ?
Mais cette fois pas de chance , ils décortiquent les billets et dessus je remarque qu'il y a des numéros pour chaque jour : 1,2,3,4,5,6 . Je vais me faire virer gentiment . Alors comme il reste encore des billets à vendre , j'en achète un sagement . Je suis bien placée et observe la foule pendant le spectacle . C'est presque l'église . Pas un faux mouvement . Pas un cri d'hystérie . Je ne voudrais pas chanter du Rock and Roll devant un tel public . Pourtant pour Bob , c'est l'endroit où il cherche à être le meilleur . A-t-il l'idée que seuls les Anglais peuvent comprendre parfaitement son langage? Le langage peut-être , mais pour le " message " , c'est une autre histoire . Comme il doit se sentir seul ! Et moi , pour la première fois, je m'ennuie . Lui , là-bas est de mauvaise humeur , cela se sent . Tim s'approche de lui à plusieurs reprises pour demander la chanson suivante?- résultat? Plusieurs fois le Boss commence tout seul suivi en catastrophe par la bande . Il a ses humeurs le Patron!
Il me semble que les choristes apparaissent de moins en moins , certaines chansons m'en rappellent d'autres. Quand il chante " Lenny Bruce " , je me surprends à poursuivre avec " Is your love in vain " . Les paroles de la chanson me semblent peu recherchées C'est vrai qu'il a avoué l'avoir écrite en deux minutes ? Alors . Il y en a qui n'arrivent même pas à ce niveau en deux mois . Mais l'esprit y est , une voix grave et profonde ; une voix de cimetière .
En regagnant l'hôtel, je suis terriblement lasse . Je me mets dans sa peau et me sent mal . Le public est mou; quelques applaudissements et quelques cris , c'est tout ce qu'il récolte pour se défoncer . Les commentaires de la presse sont vaseux . On ne le juge que d'après la deuxième soirée , celle qui fut la plus catastrophique . Si on veut juger Dylan- mais du jugement des soi-disant spécialistes nous n'en avons que faire - c'est tous les soirs qu’il faut le voir . Ce n'est pas une machine , la qualité de son spectacle dépend beaucoup de son humeur . Il faut croire que Londres l'aime quand même puisque c'est complet tous les soirs . Mais quel Londres? J'ai vu des mecs en smoking et des belles dames en robes du soir . On vient voir Dylan comme on va voir La Joconde . Et puis il est vieux le public : des 30-35 ans bien Pépères . Ils réclament " Like A Rolling Stone " et " Mr.Tambourine Man " , comme çà pour se souvenir du bon vieux temps . Et Bob sympa, leur balance ce qu'ils attendent . Ils en ont pour leur argent . Lui remplit ses caisses pour payer les impôts sur ses propriétés . Alors tout le monde est bien content . Et bien pas moi! J'aurais tellement aimé que çà bouge: "when you gonna wake up ? "
Ce concert il est précipité . Les chansons sont massacrées. A trois titres différents , il oublie les paroles , mélange les couplets et même les reprend deux fois de suite . Il se balade sur scène, fait semblant d'accorder sa guitare , papote avec les musiciens . Il s'ennuie , moi-aussi . Je suis devant lui; pour le rappel. Il n'y voit rien , il est au bout du rouleau, il ne reviendra jamais . Ce sont mes impressions du moment . Mais qui sait ? Cameleon man ? Ce soir pourtant il avait son blouson de cuir noir .
Demain est le jour du dernier concert et je suis bien contente . Je n'aime pas Londres . Trop froid .
Le lendemain: il s'en prend à C.B.S . Le dernier album n'est toujours pas sorti et cela fait un moment qu'il tourne " si le nouveau disque n'est pas sorti il faut vous en prendre à C.B.S "- j'ai appris après que Columbia ne voulait pas sortir le disque; d'où le retard- il s'en prend aussi à son public " vous vivez dans le passé " dit-il à quelqu'un qui réclame une vieille chanson " Voici quelque chose que je faisais il y a bien longtemps " et commence " Barbara Allen " . Une claque! Il n'est jamais content ? En fait peu de gens ont pris son train en marche .
On a dit de Dylan qu'il était paranoid . Mais sa paranoia lui a permis de se garder sain à l'intérieur . En oubliant le contact avec la réalité de chaque jour, il a su garder son cœur pur .
La paranoïa souvent était justifiée, car le domaine du showbiz c'est une eau infestée de requins .
La presse ne l'a pas jamais beaucoup aimé et vice-versa . Il n'a jamais offert de champagne et de petits fours à ces Messieurs . Quand il parlait on lui reprochait de dire n'importe quoi ou bien l'on déformait ses pensées . Quand il ne parlait pas on disait qu'il se renfermait dans sa tour d'ivoire et qu'il se fabriquait une légende d'intouchable . Lui a répondu " Ne suivez pas les leaders et laissez-moi être moi-même " . Récemment il explique " les gens me demandent où en est Bob Dylan parce qu'ils ne savent pas où ils en sont eux-même " . Peut-être que si Lennon avait été aussi parano que Dylan, il serait encore en vie . Le danger en fait est réel au pays des libertés . La liberté , c'est aussi la liberté d'être dingue .
On lui a reproché d'être agressif . OUI , c'est vrai , il n'y a pas si longtemps il a fichu une trempe à un journaliste . Mais mettez-vous à la place d'un home qui ne peut pas marcher tranquillement dans la rue sans qu'il y ait un dingue qui lui tombe dessus avec un flash . Pas des gosses qui voudraient un autographe , non , mais des journalistes qui sont là pour faire une exclusivité .
Il avait pourtant donné sa chance à A.JWeberman- qui en a très mal profité- et aussi à Larry Sloman, journaliste à Rolling Stone Magazine qui a suivi La Rolling Thunder Review " aux frais du Boss . Pas si mal que çà , quand même .
On lui aussi reproché d'être centré sur lui-même . Aux States on a pris ce prétexte pour descendre " Renaldo & Clara " en disant que c'était un film d'égocentrique . Imaginez que vous ayez vingt ans et que soudainement vous vous retrouviez millionnaire avec des foules à vos pieds , suspendues à vos paroles et à vos moindres gestes , à votre façon de vous habiller , de vous coiffer , même à vos mimiques et à vos intonations de voix . Avec autour de vous des gens si prévenant qu'ils ne vous laissent même pas aller aux chiottes tout seul . On rit à vos plaisanteries , on fait silence quand vous faites silence . Chacun approuve vos commentaires sur n'importe quoi...Alors comment ne pas penser que vous êtes Dieu le Père lui-même . Elvis s'y est trompé et aussi John Lennon et aussi Dylan ...c'est humain . Et puis s'il doutait toujours de lui , il n'y aurait rien . Pourtant c'est l'un des seuls qui s'est toujours remis en question en changeant jusqu'à sa " religion " . " La Religion est un mot " a-t-il dit récemment .
Je pense à tout cela en roulant vers Birmingham , la prochaine étape .
IV
Cà commence mal ; je suis obligée de faire demi-tour en train pour rejoindre la salle de concert et aussi je me suis trompée de jours . C'est les 4 et 5 et non les 3 et 4 . Je suis là en pleine campagne , j'ai la dalle . Il n'y a rien à acheter, rien à faire . Je repère un petit bois à trois cent mètres . Je passe les barbelés, monte ma tente de toile et m'allonge en écoutant les oiseaux chanter . Il n'y a qu'à attendre et oublier la faim . Là au moins je pourrai dormir . Je mets mes notes à jour et finis sur un laconique " si je meurs sur la route faite savoir au monde que je sus morte d'amour pour Bob Dylan "
Je me surprends à rêver toute éveillée .
Le lendemain : je traîne un peu en coulisses . On me claque la porte au nez . Ils ont peur que j'embarque le piano dans mon sac à dos ! Imbéciles !
Les " freaks " commencent à arriver . Le marché noir bat son plein . 70 livres pour un billet . Un record . Il faut dire que c'est Sold Out. Pas un ticket de reste d'après les organisateurs - c'est faux on me dira plus tard qu'ils réservent 10% des billets pour le soir du concert- j'ai finalement une place après deux heures de queue . Je rencontre un grand maigre qui partage mon sandwich et m'offre un pot . J'apprendrai à mes dépens que ce n'était pas sans arrière -pensées .
Le gars assis près de moi est des plus enthousiastes ; il chante, il danse , il claque des mains . Enfin un fanatique comme je les aime . Il me dit qu'il est Grec et non pas Anglais. Cà m'étonnait bien aussi! De tout le voyage, les gens les plus " chauds " que je rencontrerai seront d’ailleurs : Egypte, Grèce, Italie , Espagne ...Un peu de soleil dans la grisaille . Ils connaissent les chansons par cœur . On a droit à Barbara Allen . Oh Mom! quelle version! A la fin il retire ses lunettes noires comme pour nous faire plaisir .
PlayBoy Magazine : " Vous portez toujours des lunettes noires , pas vrai ? "
BD : Ouais
PB : Est- ce que c'est pour que les gens ne voient pas vos yeux ?
BD :Actuellement c'est juste une habitude . Je porte encore des lunettes noires , il n'y a pas de raison profonde à cela , je suppose.
Hum!Hum! Quelqu'un très proche de lui me dira que ses lunettes noires ont des verres de correction et qu'il les porte parce qu'il est terriblement myope . Cà je m'en doutais . Un soir , un soi-disant fan est allé le voir à Malibu . Il tournait autour de la propriété avec insistance . Quand Dylan chaussé de lunettes normales s'approche de lui et lui demande ce qu'il veut .
" Je veux voir Dylan "
" Mais Dylan c'est moi "
" Ah non , Dylan ne porte pas de lunettes " .
Je sors d'un concert des plus médiocres . Je sors par derrière , le temps de voir le car s'éloigner . Le lendemain je le verrai arriver et disparaître à l'intérieur du parking . J'avais attendu quatre heures .
Ce soir , c'est franchement mauvais . Il a un rhume ou quelque chose . Une heure et demi de concert pour huit livres cinquante . C'est du vol Mr Dylan - ou Mr le manager - .
V
Je hais l'assassin de Lennon, non parce que j'aime Lennon ; il me laisse indifférente avec ses milliards et son " working class zero " . Mais maintenant il y a une espèce d'hystérie autour des pos-stars . Ils se croient obligés de s'entourer d'une foule de gorilles . Je ne suis même pas sûre que ce soit efficace et cela empêche un peu d'amour de circuler , un peu d'humanité . je ne blâme pas Dylan mais c'est dur de ne pas pouvoir lui offrir des fleurs .
VI
Maintenant j'ai l'impression que mon voyage sera de gares en salles de concert , de salles de concert en gares , et de gares en gares .
La gare de Euston , de retour à Londres . Je suis exténuée mais j'ai peur de m'allonger par terre ; il y a des flics partout . Et zut! j'y vais , je n'ai rien à perdre . S'ils m'embarquent , je serai au chaud . Ils ne me font rien et c'est propre ici . Je pionce un peu jusqu'aux premières lueurs du jour .
VII
Sur le bateau de retour en France avec un ticket demi-tarif Transalpine , je pense à Woody Guthrie qui voyageait dans un train de marchandises avec sa guitare cassée sur le dos . Il sautait de son train et allait chanter pour les travailleurs dans les champs . Maintenant ils achètent un billet d'avion , rassemblent 40 000 personnes pour un concert de deux heures , et le tour est joué . " The Times They're A-Changin' " . Je me demande si je ne vais pas me raccrocher aux punk-rock , mais là-aussi çà sent le " commercial " . Mais que je suis fatiguée de ce public de statues . Les meilleures sont partis : Janis , Jimmy , les Stones qui ne font que se répéter et qui deviennent un peu vieillots pour chanter " mon C. et mes C" . Cà fait démagogue ; Bob Marley qui est mort sans prévenir . Pourtant ce fut le seul concert où j'ai vraiment dansé , quel pied! Et maintenant un Dylan-fantôme que je chasse . Ils en ont fait- mais au fait qui çà ils ? - une statue d'or ou de plomb, d'amour ou de haine . Temps pour lui de s'effacer. Fais gaffe Bobby , il y en a tant qui aimeraient que tu disparaisses, pour pleurer sur la tombe et se souvenir du bon vieux temps .
Samedi : je me lève à huit heures pour le petit déjeuner que je ferais bien de ne pas rater . Je déambule dans Londres à la recherche de cette fameuse carte Inter-Rail . C'est fermé . Je ne trouve pas non plus de billet pour ce soir , c'est Sold Out . Je traîne autour de Earl's Court et je m'aperçois que mon billet de la veille n'a pas été déchiré . Je tente le coup . Il y a deux tourniquets à passer . Avec un grand coup de chance , je passe , mais je n'ai pas de siège . Deux Ecossais avec un accent terrible me font une place . Trois pour deux sièges : pas très confortable mais je suis à l'intérieur . Ils disparaissent au beau milieu du concert , je ne les reverrai plus .
Ce n'est pas si bien qu'hier , il se plante un peu et seulement deux heures et demie de concert . Un troisième rappel avec " Knocking on heaven's door " . Je sors et attends derrière , pas de voiture , pas de car , le Roi est parti .
Dimanche : je flâne dans Londres . Des peintres , des musiciens , de l'ambiance . Le mariage du Prince Charles et de Diana est annoncé partout . Je n'en ai rien à foutre . Je me fais accrocher par un Egyptien que j'arrive à semer . Pas de temps pour la bricole . Moi , c'est Bobby qui m'attend ; ou que j'attends plutôt .
De retour au bol ; quelques guignols avec des hauts de forme . Décidément , ils sont tous en retard . Dylan c'est une croix d'argent qu'il porte aujourd'hui . Ils semblent bien tous dans leur peau ces gens-là . Pas trop rebelles , pas trop loqueteux ; mais où est donc passé Rimbaud ?
Un gars m'interpelle " tu veux un billet ? " . Je louche dessus : arène BB , une très bonne place . Je regarde si le billet n'est pas faux et interloquée " pourquoi est-ce que tu me le donnes , cela vaut au moins vingt livres au marché noir " " je n'ai pas besoin d'argent " " ah bon , merci ! " . J'essaie de revendre le mien nettement moins intéressant Je dois paraître étrange, personne n'en veut . Pourtant c'est encore " sold out " . Tant pis je rentre . Je suis à dix rangs de la scène , un miracle . Le mec s'assoit à côté de moi sympa !
Une nouvelle chanson ( ? )" Mary from the wild mirror" avec mandoline et un duo avec une des choristes . On est loin du Dylan-Baez où la Madonne cherche vainement à rattraper un Dylan qui prend le train et qui change parfois les paroles en cours de route- il le ferait exprès le coquin ? - Chouette cette chanson on dirait une vieille ballade de péquenots . Il a plus d'une corde à son arc . Et hop! à nouveau du Rock & Roll " All Along The Watchtower " . Au premier rappel je cours devant . C'est interdit " gare aux gorilles " ! Il a la figure pas rasée et gonflée , un tronc court planté sur des jambes de cow-boy - un Lucky Luke du Rock and Roll - . Des fanas balancent des T-shirts sur la scène . Tim Drummond , le bassiste sourit , quand à Dylan , lui , il reste parfaitement stoïque et les pose sur la console arrière . Un fantastique " It's Alright Ma " seul à la guitare . Un " au-revoir , nous reviendrons l'année prochaine " - ne le croyez jamais - et c'est fini .
Lundi : au petit déjeuner , je récupère quatre toasts , un vrai festin ! Après renseignement , la carte Inter-Rail , je ne peux l'acheter qu'en France . Alors je perds espoir de pouvoir continuer vers Birmingham . Je m'allonge sur l'herbe dans un parc et calcule ...si je suis rentrée une fois avec un billet périmé , pourquoi pas deux ?
Mais cette fois pas de chance , ils décortiquent les billets et dessus je remarque qu'il y a des numéros pour chaque jour : 1,2,3,4,5,6 . Je vais me faire virer gentiment . Alors comme il reste encore des billets à vendre , j'en achète un sagement . Je suis bien placée et observe la foule pendant le spectacle . C'est presque l'église . Pas un faux mouvement . Pas un cri d'hystérie . Je ne voudrais pas chanter du Rock and Roll devant un tel public . Pourtant pour Bob , c'est l'endroit où il cherche à être le meilleur . A-t-il l'idée que seuls les Anglais peuvent comprendre parfaitement son langage? Le langage peut-être , mais pour le " message " , c'est une autre histoire . Comme il doit se sentir seul ! Et moi , pour la première fois, je m'ennuie . Lui , là-bas est de mauvaise humeur , cela se sent . Tim s'approche de lui à plusieurs reprises pour demander la chanson suivante?- résultat? Plusieurs fois le Boss commence tout seul suivi en catastrophe par la bande . Il a ses humeurs le Patron!
Il me semble que les choristes apparaissent de moins en moins , certaines chansons m'en rappellent d'autres. Quand il chante " Lenny Bruce " , je me surprends à poursuivre avec " Is your love in vain " . Les paroles de la chanson me semblent peu recherchées C'est vrai qu'il a avoué l'avoir écrite en deux minutes ? Alors . Il y en a qui n'arrivent même pas à ce niveau en deux mois . Mais l'esprit y est , une voix grave et profonde ; une voix de cimetière .
En regagnant l'hôtel, je suis terriblement lasse . Je me mets dans sa peau et me sent mal . Le public est mou; quelques applaudissements et quelques cris , c'est tout ce qu'il récolte pour se défoncer . Les commentaires de la presse sont vaseux . On ne le juge que d'après la deuxième soirée , celle qui fut la plus catastrophique . Si on veut juger Dylan- mais du jugement des soi-disant spécialistes nous n'en avons que faire - c'est tous les soirs qu’il faut le voir . Ce n'est pas une machine , la qualité de son spectacle dépend beaucoup de son humeur . Il faut croire que Londres l'aime quand même puisque c'est complet tous les soirs . Mais quel Londres? J'ai vu des mecs en smoking et des belles dames en robes du soir . On vient voir Dylan comme on va voir La Joconde . Et puis il est vieux le public : des 30-35 ans bien Pépères . Ils réclament " Like A Rolling Stone " et " Mr.Tambourine Man " , comme çà pour se souvenir du bon vieux temps . Et Bob sympa, leur balance ce qu'ils attendent . Ils en ont pour leur argent . Lui remplit ses caisses pour payer les impôts sur ses propriétés . Alors tout le monde est bien content . Et bien pas moi! J'aurais tellement aimé que çà bouge: "when you gonna wake up ? "
Ce concert il est précipité . Les chansons sont massacrées. A trois titres différents , il oublie les paroles , mélange les couplets et même les reprend deux fois de suite . Il se balade sur scène, fait semblant d'accorder sa guitare , papote avec les musiciens . Il s'ennuie , moi-aussi . Je suis devant lui; pour le rappel. Il n'y voit rien , il est au bout du rouleau, il ne reviendra jamais . Ce sont mes impressions du moment . Mais qui sait ? Cameleon man ? Ce soir pourtant il avait son blouson de cuir noir .
Demain est le jour du dernier concert et je suis bien contente . Je n'aime pas Londres . Trop froid .
Le lendemain: il s'en prend à C.B.S . Le dernier album n'est toujours pas sorti et cela fait un moment qu'il tourne " si le nouveau disque n'est pas sorti il faut vous en prendre à C.B.S "- j'ai appris après que Columbia ne voulait pas sortir le disque; d'où le retard- il s'en prend aussi à son public " vous vivez dans le passé " dit-il à quelqu'un qui réclame une vieille chanson " Voici quelque chose que je faisais il y a bien longtemps " et commence " Barbara Allen " . Une claque! Il n'est jamais content ? En fait peu de gens ont pris son train en marche .
On a dit de Dylan qu'il était paranoid . Mais sa paranoia lui a permis de se garder sain à l'intérieur . En oubliant le contact avec la réalité de chaque jour, il a su garder son cœur pur .
La paranoïa souvent était justifiée, car le domaine du showbiz c'est une eau infestée de requins .
La presse ne l'a pas jamais beaucoup aimé et vice-versa . Il n'a jamais offert de champagne et de petits fours à ces Messieurs . Quand il parlait on lui reprochait de dire n'importe quoi ou bien l'on déformait ses pensées . Quand il ne parlait pas on disait qu'il se renfermait dans sa tour d'ivoire et qu'il se fabriquait une légende d'intouchable . Lui a répondu " Ne suivez pas les leaders et laissez-moi être moi-même " . Récemment il explique " les gens me demandent où en est Bob Dylan parce qu'ils ne savent pas où ils en sont eux-même " . Peut-être que si Lennon avait été aussi parano que Dylan, il serait encore en vie . Le danger en fait est réel au pays des libertés . La liberté , c'est aussi la liberté d'être dingue .
On lui a reproché d'être agressif . OUI , c'est vrai , il n'y a pas si longtemps il a fichu une trempe à un journaliste . Mais mettez-vous à la place d'un home qui ne peut pas marcher tranquillement dans la rue sans qu'il y ait un dingue qui lui tombe dessus avec un flash . Pas des gosses qui voudraient un autographe , non , mais des journalistes qui sont là pour faire une exclusivité .
Il avait pourtant donné sa chance à A.JWeberman- qui en a très mal profité- et aussi à Larry Sloman, journaliste à Rolling Stone Magazine qui a suivi La Rolling Thunder Review " aux frais du Boss . Pas si mal que çà , quand même .
On lui aussi reproché d'être centré sur lui-même . Aux States on a pris ce prétexte pour descendre " Renaldo & Clara " en disant que c'était un film d'égocentrique . Imaginez que vous ayez vingt ans et que soudainement vous vous retrouviez millionnaire avec des foules à vos pieds , suspendues à vos paroles et à vos moindres gestes , à votre façon de vous habiller , de vous coiffer , même à vos mimiques et à vos intonations de voix . Avec autour de vous des gens si prévenant qu'ils ne vous laissent même pas aller aux chiottes tout seul . On rit à vos plaisanteries , on fait silence quand vous faites silence . Chacun approuve vos commentaires sur n'importe quoi...Alors comment ne pas penser que vous êtes Dieu le Père lui-même . Elvis s'y est trompé et aussi John Lennon et aussi Dylan ...c'est humain . Et puis s'il doutait toujours de lui , il n'y aurait rien . Pourtant c'est l'un des seuls qui s'est toujours remis en question en changeant jusqu'à sa " religion " . " La Religion est un mot " a-t-il dit récemment .
Je pense à tout cela en roulant vers Birmingham , la prochaine étape .
IV
Cà commence mal ; je suis obligée de faire demi-tour en train pour rejoindre la salle de concert et aussi je me suis trompée de jours . C'est les 4 et 5 et non les 3 et 4 . Je suis là en pleine campagne , j'ai la dalle . Il n'y a rien à acheter, rien à faire . Je repère un petit bois à trois cent mètres . Je passe les barbelés, monte ma tente de toile et m'allonge en écoutant les oiseaux chanter . Il n'y a qu'à attendre et oublier la faim . Là au moins je pourrai dormir . Je mets mes notes à jour et finis sur un laconique " si je meurs sur la route faite savoir au monde que je sus morte d'amour pour Bob Dylan "
Je me surprends à rêver toute éveillée .
Le lendemain : je traîne un peu en coulisses . On me claque la porte au nez . Ils ont peur que j'embarque le piano dans mon sac à dos ! Imbéciles !
Les " freaks " commencent à arriver . Le marché noir bat son plein . 70 livres pour un billet . Un record . Il faut dire que c'est Sold Out. Pas un ticket de reste d'après les organisateurs - c'est faux on me dira plus tard qu'ils réservent 10% des billets pour le soir du concert- j'ai finalement une place après deux heures de queue . Je rencontre un grand maigre qui partage mon sandwich et m'offre un pot . J'apprendrai à mes dépens que ce n'était pas sans arrière -pensées .
Le gars assis près de moi est des plus enthousiastes ; il chante, il danse , il claque des mains . Enfin un fanatique comme je les aime . Il me dit qu'il est Grec et non pas Anglais. Cà m'étonnait bien aussi! De tout le voyage, les gens les plus " chauds " que je rencontrerai seront d’ailleurs : Egypte, Grèce, Italie , Espagne ...Un peu de soleil dans la grisaille . Ils connaissent les chansons par cœur . On a droit à Barbara Allen . Oh Mom! quelle version! A la fin il retire ses lunettes noires comme pour nous faire plaisir .
PlayBoy Magazine : " Vous portez toujours des lunettes noires , pas vrai ? "
BD : Ouais
PB : Est- ce que c'est pour que les gens ne voient pas vos yeux ?
BD :Actuellement c'est juste une habitude . Je porte encore des lunettes noires , il n'y a pas de raison profonde à cela , je suppose.
Hum!Hum! Quelqu'un très proche de lui me dira que ses lunettes noires ont des verres de correction et qu'il les porte parce qu'il est terriblement myope . Cà je m'en doutais . Un soir , un soi-disant fan est allé le voir à Malibu . Il tournait autour de la propriété avec insistance . Quand Dylan chaussé de lunettes normales s'approche de lui et lui demande ce qu'il veut .
" Je veux voir Dylan "
" Mais Dylan c'est moi "
" Ah non , Dylan ne porte pas de lunettes " .
Je sors d'un concert des plus médiocres . Je sors par derrière , le temps de voir le car s'éloigner . Le lendemain je le verrai arriver et disparaître à l'intérieur du parking . J'avais attendu quatre heures .
Ce soir , c'est franchement mauvais . Il a un rhume ou quelque chose . Une heure et demi de concert pour huit livres cinquante . C'est du vol Mr Dylan - ou Mr le manager - .
V
Je hais l'assassin de Lennon, non parce que j'aime Lennon ; il me laisse indifférente avec ses milliards et son " working class zero " . Mais maintenant il y a une espèce d'hystérie autour des pos-stars . Ils se croient obligés de s'entourer d'une foule de gorilles . Je ne suis même pas sûre que ce soit efficace et cela empêche un peu d'amour de circuler , un peu d'humanité . je ne blâme pas Dylan mais c'est dur de ne pas pouvoir lui offrir des fleurs .
VI
Maintenant j'ai l'impression que mon voyage sera de gares en salles de concert , de salles de concert en gares , et de gares en gares .
La gare de Euston , de retour à Londres . Je suis exténuée mais j'ai peur de m'allonger par terre ; il y a des flics partout . Et zut! j'y vais , je n'ai rien à perdre . S'ils m'embarquent , je serai au chaud . Ils ne me font rien et c'est propre ici . Je pionce un peu jusqu'aux premières lueurs du jour .
VII
Sur le bateau de retour en France avec un ticket demi-tarif Transalpine , je pense à Woody Guthrie qui voyageait dans un train de marchandises avec sa guitare cassée sur le dos . Il sautait de son train et allait chanter pour les travailleurs dans les champs . Maintenant ils achètent un billet d'avion , rassemblent 40 000 personnes pour un concert de deux heures , et le tour est joué . " The Times They're A-Changin' " . Je me demande si je ne vais pas me raccrocher aux punk-rock , mais là-aussi çà sent le " commercial " . Mais que je suis fatiguée de ce public de statues . Les meilleures sont partis : Janis , Jimmy , les Stones qui ne font que se répéter et qui deviennent un peu vieillots pour chanter " mon C. et mes C" . Cà fait démagogue ; Bob Marley qui est mort sans prévenir . Pourtant ce fut le seul concert où j'ai vraiment dansé , quel pied! Et maintenant un Dylan-fantôme que je chasse . Ils en ont fait- mais au fait qui çà ils ? - une statue d'or ou de plomb, d'amour ou de haine . Temps pour lui de s'effacer. Fais gaffe Bobby , il y en a tant qui aimeraient que tu disparaisses, pour pleurer sur la tombe et se souvenir du bon vieux temps .
VIII
Ils parlent français dans le train qui roule vers Lillle . Je n'aime pas , je perds mon anglais et du coup tout mon rêve s'évanouit . Je dépense le reste de mon argent à m' empiffrer de toutes sortes de cochonneries . Après trois jours de jeune , je vais tout renvoyer . Je me regarde dans un miroir . Oh la la ! quelle tête ! Cela ne m'étonne plus que les gens ne m'adressent pas la parole . Tant pis , j'en profite pour écrire .
J'arrive à Lille à 17h30 et les guichets ferment à 19h30 . Chance . J'achète ma carte Inter-Rail . Le prochain train pour Stokholm est à 20h . J'arriverai le 7 Juillet à 23h . Juste à temps . J'achète du pain et de l'eau pour le voyage qui sera long . Je dois changer en Allemagne et au Danemark . Je ne parle ni l'allemand ni le Danois . J'espère quand même ne pas louper mes trains .
La foule et la solitude .
La solitude dans la foule .
La solitude hors de la foule .
Ils passent comme s'ils étaient d'une autre planète , " la nausée " pour JP Sartre , un mauvais trip pour un junky ....je voudrais tant dormir .
Dans le train , je rêve : on s'arrête à Hambourg . Je vois Bob qui descend et s'assoit sur un banc . Je m'avance . " Bob tu es tout seul , où sont tes gardes du corps ? " . Il a l'air fatigué et perdu . " Viens prendre un verre " . " tu bois ? " " même chose " " deux cafés ". Je pose ma tête sur son épaule et passe ma main dans ses cheveux " tout va bien .T'es un chic type " .
Dans ce train qui m'emporte vers Copenhague , je suis au bout du rouleau et au fond du trou noir ; j'ai envie de me balancer par la fenêtre avec mon billet . Sauter dans l'eau qui passe en bas . Je n'ai pas dormi et n'ai pas pris de bain depuis belle lurette , pour cela je devrais attendre Oslo . Echanger l'argent en passant chaque frontière est aussi un grand problème . je transforme deux bancs en lit et pliée en quatre je m'assoupis avec le bruit des rails .
IX
Stockholm : 23h11 . L'horaire exact . Mais tout est fermé . Pas de change . J'ai entendu dire que la pauvreté n'existe pas en Suède . Je vois deux garçons qui mendient aussitôt arrêtés par les flics . Il n'y a pas de pauvreté parce qu'on la cache . Personne ne dort par terre ici , mais moi je suis si crevée que je m'y allonge .
" Bonjour " . J'entrouvre les paupières . Merde! La poullaille !" Vous ne pouvez pas dormir ici , on ferme à 1h10 . " " Est-ce que je dois dormir dans la rue ? " " Comme vous voulez " . Je grince " comme si j'avais le choix " .Je sors en frissonnant . SHERATON/HOTEL juste à côté . Tiens un truc pour moi ! Je rencontre un Algérien qui parle français . Pas d'endroit où pieuter non plus . Nous serons deux à grelotter. Et Dieu a pitié de nous et nous envoie un ange . Et quel ange ! Complètement bourré . On explique la situation . " J'ai une boutique de fromage " . qu'il dit . " venez " . Avec l'Algérien je me sens un peu en sécurité . Le fromage pue le fromage , bien sûr . Je m'en enfile bien deux kilos avec des biscuits , toutes les sortes mélangées . Nous bavardons jusqu'à quatre heures du matin ; il est né au Nord de la Suède où les aigles et les ours existent encore . Les cheveux blonds , les yeux bleus : c'est un Viking . Il est habitué à manger de la viande d'ours crûe et à boire du sang de chèvre fraîchement tuée . Ensuite nous nous allongeons tous les trois par terre . Je fais des cauchemars épouvantables . Des fromages , des ours , du sang de chèvre mélangés . Quelqu'un me secoue . Ou suis-je ? Je respire à fond . Ah oui les fromages ...Stockholm ...DYLAN. Il est 6h30net il nous faut déguerpir , la boutique va ouvrir . Pas le temps de pisser , nous sommes dehors . Le gars nous salue bien . Merci Homme-fromage .
Je cherche des affiches sur les murs . Je ne sais pas où aura lieu le concert , ni où acheter les billets ..Paumée .
C'est une société qui me semble extrêmement bien organisée , des gens très bien éduqués . Les piétons ne traversent jamais au rouge , comme s'ils étaient programmés . vert tu passes; rouge , t'attends . Très peu pour moi . Pourtant la nuit j'ai rencontré des gens complètement saouls et perdus . Une société trop bien organisée est une société de désespoir et d'agonie . La Suède est le pays où l'on commet le plus de suicides. Il y règne un grand vide intérieur . Je repère une maison de disques . Ce n'est pas complet . J'ai un billet . La place est loin , très loin de la scène . Tant pis .
Je trouve une excursion à faire pour quelques sous . Je reprends vie sur le bateau qui flotte doucement . Le soleil me chauffe le corps et les gens du jour semblent heureux . Puis je vais m'asseoir sur les marches de la place centrale et écoute un violon qui me rappelle " la face de Botticelli " alias David Mansfield , le violonneux de Dylan en 78 et aussi le petit héros du film " les portes du paradis , un film que j'ai bien aimé . Pas les Etats -Unis puisqu'ils l'ont descendu et retiré des affiches sous prétexte qu'il était pro-communiste ! ( ?) . S'il était rouge alors ! En tout cas ce drôle de personnage me rappelle quelqu'un d'autre qui avait nom Alias . Et comme par hasard on y retrouve aussi Chris Christofferson .
Il n'y a rien à faire ici . Je n'ai pas vu beaucoup de cinéma ni beaucoup de magasins de disques : Iggy Pop , Emmilou Harris et Mozart . Ah ! Mozart! Des sabots aux pieds . Là-bas on reconnaît un étranger à ses pompes . On s'ennuie ici , heureusement je ne fais que passer .
Etrange : je me retrouve derrière la scène . Je vois le dos de Bobby . J'espère qu'il aura le blouson avec le dragon . Au moins je verrai une image . ..A 7h15 la salle n'est pas à moitié remplie et ici bizarrement le concert commence à 7h30 . La face de Bob sur les T-shirts a changé et au lieu des programmes on trouve des cravates . C'est vrai qu'ici il fait froid et un programme autour du cou c'est moins pratique qu'une cravate .
Le bus est arrivé à 6h15 dans le parking intérieur . Il n'y a pas de répétition alors ! Je ne m'endors même plus . Je flotte dans une atmosphère et un langage que je ne connais pas . Des T-shirts propres , des jeans propres , des idées propres ...Trop propre pour moi tout çà . Il n'y a même pas de sécurité . Pas de danger qu'ils débordent les barrières. Ils sont leur propre flic .
Je ne suis pas très contente de ma position . J'aurai vu Bob du haut , d'en bas , de près, de loin , de face , de dos ...Il ne me reste plus qu'à être assise sur ses genoux . D'où je suis c'est intéressant de le voir se tourner pour se moucher ou bien à l'entracte retirer sa chemise et son boléro et se faire essuyer par ses trois gars . Un pauvre petit bonhomme secoué comme un prunier .
Les choristes apparaissent de moins en moins ; trois chansons seulement ce soir . Et Dylan qui commence acoustique avec " she belongs to me " et " the times they're a-changin' ". Ennuyeux tout çà Monsieur ! Et le son qui ne parvient pas derrière . Quelle plaie ! Pas de charisme ce soir . Je me précipite vers la sortie à la fin . Tout juste le temps d'attraper le métro et de sauter dans le prochain train pour Oslo à 23h . Est- ce que Dylan est dedans ? Je pense que oui , je reconnais un de ses gardes , bien sûr en première classe et en wagon-lit . J'ai une place en seconde et assise . Je dors plus ou moins jusqu'à Oslo . Là à nouveau tout est fermé . J'ai la dalle . Je trouve un marchand de fruits et avale deux bananes . Je descends l'allée piétonne et miracle ! je vois le bus de la tournée juste garé devant un hôtel . Je tourne autour et je vois Klydie King qui en sort . Alors plus de doute c'est l'hôtel du Boss . Je rentre et je demande le prix d'une chambre : environ 500 F . Le gars n'hésite pas et me dit qu'il n'y a pas de chambre libre . Est-ce une consigne ou bien ai-je l'air vraiment mal en point ? De toute façon même avec l'argent je n'y resterai pas . Ce n'est pas une bonne solution pour faire sortir le tigre de son antre de se planter devant l'entrée . J'avais déjà essayé en 79 . J'étais restée trois nuits dans le même hôtel sans jamais le croiser ( par hasard ?) dans les escaliers . Par contre j'avais récupéré une bible " d'un de ses convertisseurs qui m'avait affirmé qu'il y aurait trois disques " chrétiens " . Un contrat avec le ciel ?
Comme je ne suis pas une Groupie, je m'éloigne gentiment du repère et lui envoie quand même quelques fleurs . J'essaie surtout de me trouver un billet . Ce serait si facile de frapper à sa porte en disant " excusez-moi Mr Dylan je suis seule et un peu perdue et passablement fauchée , pourriez-vous me passer un billet ? " Oui mais voilà , cela ne se fait pas . J'ai bien pensé à Klydie , mais je ne sais pas exactement sa position et elle ne me connaît pas . Je rentre dans un magasin de disques? " Dylan ? connais pas " . Ah bon !merci .
J'avais trouvé l'hôtel quand je ne le cherchais plus .
J'avais trouvé un pain quand la faim s'était estompée
J'avais trouvé un peu de réconfort quand je m'habituais enfin à la solitude
J'espère tellement voir Bob que je ne le verrai certainement pas avant 5 ou 10 ans , quand je ne le chercherai plus . Les choses n'arrivent pas comme je veux ou peut-être j'en demande trop . Encore une fois je dis : Merde! qu'est-ce que je fous ici à suivre cet imbécile partout ? Pour chasser ces mauvaises pensées je lui fais parvenir des roses rouges - la fleur du poète -.
Les a-t-il jamais reçues?
A Oslo un peu de distraction : les musiciens qui jouent ( bien ) dans la rue . Mais ils sont tous Américains . C'est plus facile ici qu'aux Etats -Unis . Il y a moins de concurrence .
X
La salle de concert est complètement à l'extérieur d'Oslo . Fou Bobby !ou folle l'organisation . Pour dormir ce soir l'herbe pas celle que l'on fume quoique l'on puisse faire de beaux rêves aussi - Pas de douche , pas d'eau à boire , et j'ai peur des flics .
Les gens doucement arrivent . Ils ne sont pas pressés là-bas . Beaucoup ne parlent pas Anglais . Mais les deux concerts affichent complets , même si l'espèce de garage qui sert de salle n'est pas plein . Ils sont durs , très durs ." When you gonna wake up ? " ,
" do you have any love to share ? " .
L'amertume dans le cœur et les larmes aux yeux . S'il vous plaît Mon Dieu ne me change pas , ils ne peuvent pas avoir raison .
J'aurai dû croire au miracle et garder la foi . Je rencontre un gars sympa et nous commençons à discuter en anglais . Nous réalisons soudain que nous sommes tous les deux français - ah la France ! son camembert et son vin rouge ! - On a beau ne pas être patriote cela fait plaisir . Il me vend un billet pour le 10 et j'en achète un pour ce soir à la caisse . Il m'apprend que Bad Segeberg et Loreley sont en Allemagne de l'Ouest et non de l'Est . Bien sûr c'était stupide, on ne prêche pas le Christ en pays socialiste . Karl Marx c'est l'antéchrist .
J'attends à la porte de derrière ; il n'y a pas de sécurité mais beaucoup de gens . Je vois un bus blanc qui avance doucement ; je reconnais les musiciens et leur fais bonjour de la main . Les jeunes autour me prennent pour une débile . Est-ce qu'ils espèrent une procession de limousines ? C'est Bob Dylan , imbéciles ! Pas les Rolling Stones . Le bus fait un détour et revient . Le chauffeur ne sait manifestement pas où est l'entrée . Heureusement qu'il n'a pas pris la gare pour la salle de concert ! Ils repassent , je resalue . Meyers est devant , Tim derrière me sourit . Je ne vois pas Bob . Finalement ils entrent .
Le concert commence une demi-heure en retard . Quatre gospels et la bande commence " gotta serve somebody " . Les lumières s'allument . Merde! Dylan n'est pas là . Les musiciens jouent l'intro encore et encore . Et Bobby accourt d'on ne sait où; se précipite pour prendre sa guitare sur scène , s'écrase contre le micro qu'il n'a pas pu voir et commence dans un souffle " you may be an ambassador.."
vêtu d'une chemise à manches courtes , la même qu'il avait à San Francisco en 80 . Vous voyez bien que je sais tout sur l'homme .Bientôt je vous dirai combien de pierres de sucre il met dans son thé . Je peux vous dire qu'il ne s'est pas arrêté de fumer une marque très américaine . Ah Satan est fort ! Et je n'avais pas ( encore ) fouillé dans ses poubelles . Je suis désolée pour les journaux à ( mauvaises) sensations mais je ne sais pas combien il paie ses musiciens . D'après leur tête , ils ne semblent pas heureux de jouer avec le Zim . Qui ce soir est de bonne humeur . Bon spectacle . Le public applaudit en cadence et Dylan sentant l'esprit souffler sur la glaise se met à taper des mains et à sautiller d'un côté sur l'autre de la scène , échange quelques mots avec le choriste et entonne un nouvel hymne " Jesus is the one " , récupérant des baguettes et sonnant la cadence " that's not Rockefeler " ....that's not Rooooosevelt....Jesus is the one ".... Puis se met à son clavier pour un magnifique " Heart of Mine " . Tu sais Bob combien amusant et angélique tu peux être quand tu veux . Combien de chansons ont-ils répété? La création de cet homme est sans limites ! Et sans limite la patience de ses musiciens toujours prêts à accrocher derrière l'étrange humeur du Boss .
Je me fraye un chemin pour sortir , juste à temps pour saluer le bus et la compagnie qui s'éloigne déjà .
Et l'enthousiasme retombe un peu quand je me vois obligée de rechercher une place pour dormir . L'herbe est mouillée . Il fait noir . Oh my God! Am I here all alone ? " Je suis bien contente que les nuits soient courtes . Avez-vous entendu parler du soleil de minuit ? C'est le 24 Juillet, tout en haut de la Scandinavie . La pluie qui tombe me réveille à quatre heures du matin . Je monte ma tente en catastrophe . Le lendemain à moitié endormie je reprends le train pour Oslo et je me plante en face de l'hôtel . Je rencontre un autre " cinglé " qui est là depuis trois heures du matin . Nous restons là toute la journée . Les musiciens et les roadies vont et viennent , mais pas de Bobby à l'horizon . A 18 h nous traversons la rue et nous attendons la sortie du matador . Le bus est là et un par un les musiciens s'y engouffrent . Meyers est là aussi , plus dingue que jamais . C'est une machine ce mec ! tout le monde attend patiemment . Le meilleur ami de Bob attend aussi avec une guitare . 18h30 : soudain Meyers se précipite dehors , agrippe la guitare et le bonhomme au passage . Il disparaît dans le bus qui démarre, en criant à notre attention " il va prendre un hélicoptère " ( ???) . Nous n'en croyons ni nos yeux ni nos oreilles et nous pensons , naïfs , qu'ils vont faire demi-tour . Tout ce cirque pour trois pauvres types qui se trouvaient là , et pas dangereux encore , sans appareils photos . On me dira par la suite que Bob était dans le bus en arrivant à la salle . Quel grand malin ! Et quel grand paranoïaque aussi s'il fait tout cela pour nous éviter - quoique comme je l'ai dit auparavant cela se défende - mais pourquoi tant d'inhumanité ? Pourquoi ne nous a-t-on pas demandé gentiment de nous éloigner ? Sécurité qu'ils disent . Sécurité mon c…. Ils poussent juste les gens à faire des trucs dingues , comme ce cinglé qui s'est mis à tambouriner sur le bus tandis qu'il s'éloignait , au risque de se faire écraser . Prendre un hélicoptère ? Pourquoi pas une fusée ? Meyers ! tu nous prends pour des idiots ? Homme d'affaire constipé !
Nous courons à la gare . Le prochain train est à 19h37 , c'est trop tard . Nous courons à l'autre gare . Juste le temps de sauter dans un wagon . Mon copain se planque dans la soute à bagages pour ne pas payer . Nous arrivons 5 minutes en retard . Les gardes veulent faire du zèle et me font ouvrir mon sac à dos " pas de bouteille ? pas d'appareils photos ? pas de magnéto ? . Non ! seulement ma télé couleur et mon frigidaire! Je leur laisse à regret deux boites de coca . Mais par contre ils me laissent mes piquets de tente . Parce que des tubes en métal balancé sur la scène ce n'est pas dangereux , peut-être ? enfin! Quand on est con , on est con , comme dirait Brassens .
Bob est déjà sur scène . J'ai envie de chialer quand il roucoule " and you break just like a little girl " De là où je suis , il n'a pas l'air très en forme pourtant . Pas très " plein de santé ". Klydie semble l'encourager du regard . Pas de sourire , pas de mot amer . Un Dylan pas agressif , c'est un Dylan pas dans ses pompes . Et je me demande: " pourquoi cette tournée ? pour payer ses impôts ? " .
Après un nuit à moitié en dehors en à moitié dans la tente , je me retrouve devant ce fameux hôtel. Je ne sais pas trop quoi espérer . J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles il irait faire un tour touristique de la ville .
Je prendrai le seul bateau qui part pour Copenhague ce soir à 17 h . Les hôteliers nous disent que la bande est partie à 11H . Je vois Meyers qui s'active dur . A 15h30 les valises sont prêtes pour quelque part . Le bateau de 17h? j'attends jusqu'à 16h . Les chanteuses sont dehors . Meyers regarde sa montre toutes les minutes . Dylan n'est jamais à l'heure .
Je me souviens du jour de 79 où quelqu'un avait laissé une note sur la porte de son studio , " Bob ton avion décolle à 11H , il y aura beaucoup de circulation , pars de bonne heure . " Sans savoir si le Bob en question était Dylan , un copain et moi roulons pied au plancher vers l'aéroport . On repère l'avion qui décolle à 11h et on s'installe dans la salle d'attente . L'avion part sans Dylan . Nous nous disons que le message n'était pas pour lui . Quand en marchant dans le couloir , qui je rencontre ? Mr Dylan en question , habillé à la Lucky Luke . Je lui file le train . Il est tout étonné que l'avion ne l'ait pas attendu et fait demi-tour . Il se renseigne au guichet pour le prochain vol , et en l'espace d'une seconde disparaît de ma vue . Nous le retrouvons au studio avant de lui recoller au derrière jusqu'à l'aéroport où cette fois il s'envole pour Phoenix où a lieu le prochain concert .
Revenons à Oslo : Meyers fait toujours les cent pas . Je dis au revoir à mon copain qui me refile de la bouffe " empruntée " . Il est 16h45 quand je monte dans le bateau et je n'ai vu de bus nulle part . Peu après le départ , je commence l'inspection . Qui je vois ? Non pas Bob , ce serait trop beau , mais son inséparable ami-photographe qui discute avec l'homme aux cheveux gris . Ils retrouvent un troisième comparse et çà complote . M'ont-ils repérée ? Je sens qu'il n'y a rien à tirer de ces truands . Ils feront tout pour m'éloigner du Boss . Howard Alk - le photographe - me dira plus tard qu'il a pris des photos de moi sur ce bateau et m'invite à aller les voir au studio de Bob . Est-ce une plaisanterie ? En tout cas je n'irai pas . Je me sens un peu mieux quand même . Bob est à bord , c'est sûr . Que le voies ou non m'est égal . Son esprit flotte sur les flots . Je remets mes notes à jour et cette nuit là je vais beaucoup pleurer . Bien sûr je ne suis qu'une dingue , bien sur IL se fiche pas mal de moi , mais j'aimerais que ce soit lui qui prenne la décision de me rejeter et non pas ses parasites .
Je me souviens de ce gars Larry Loman , un journaliste de RollingStone magazine , qui en a eu marre de se voir mettre à la porte de partout et de se faire traiter comme un chien. Finalement il s'est adressé directement à Bob , qui gentiment l'a pris sous sa protection , l'a mais dans sa bande en le payant jour par jour , et lui a même donné des interviews . Alors qui est paranoïaque ? Bob ou ses sbires ? Que pensent-ils que je puisse faire ? Lui sauter dessus ? J'aurais pu le faire bien avant . Je n'ai pas l'air d'une groupie non plus : cela fait bien deux semaines que je n'ai pas pris de douche . Alors pourquoi tout ce cirque ? Quels sont leurs rapports avec lui de toute façon ? Ils ne sont que des employés . C'est dommage que les valets se croient plus importants que le roi . C'est arrivé à Elvis Presley , il en est mort .
En faisant le tour du bateau , j'aperçois assis par terre et à l'écart dans l'obscurité , Klydie et un gars minus emmitouflé dans un jogging à capuche et portant des lunettes claires . Je m'éloigne tranquillement . Les sbires ne sont pas loin , mais je n'ai RIEN fait , alors ils me fichent la paix.
XI
Copenhague : Meyers cherche quelque chose . Un bus ? J'attends et repère un groupe de gens qui avance . C'est Bob au milieu : pantalon blanc , veste de nylon noire , lunettes noires , un grand bonnet de laine couvrant tous ses cheveux . Inutile ! des jeunes l'ont repéré . Mais avec beaucoup de respect , vu leur âge ils ne bougeront pas de leur place . C'est vrai qu'avec les gorilles autour , ce n'est pas discret , la descente du Roi . Ils MONTRENT qu'ils le protègent , mais le protègent –ils vraiment ? Il a l'air si petit , si fragile au milieu de ces colosses !C'est çà Dylan ? La super-star ?Il se glisse dans la voiture qui l'attend avec Klydie et le personnel important . Je me dis alors que Klydie doit être quelqu'un de spécial aux yeux de Bob . Je tremble un peu et mon cœur bat la chamade . Toutes ces nuits sans sommeil pour voir un petit bonhomme monter dans une voiture . Je suis vraiment cinglée !
La marche à la recherche d'un billet recommence . J'ai oublié qu'on était Dimanche ; tout est fermé , même le change . Je fais des kilomètres pour arriver à la gare centrale et me fais des sous danois . Les rumeurs courent ; il y aura trois concerts , c'est complet, on ne peut plus avoir de billet. Je l'ai déjà entendue cette chanson là et je ne les crois plus . Je rencontre Fred Tacket , le guitariste et Willy Smith le pianiste , assis à un bar . Je leur donne un truc pour Bob . Je ne crois pas tellement qu'il lui parviendra mais j'aimerai tant rompre la glace . Je croyais que les musiciens étaient des gens d'esprit: Fred est froid comme un iceberg . Quand je dis à ce soir , Willy répond " à ce soir " avec un sourire . Seraient-ils aussi des imbéciles ?
Bien sûr j'ai repéré l'hôtel , il m'a suffit de suivre Meyers de l'embarcadère . Mais cela ne set à rien .
A l'entrée de la salle pour la première fois , je vois des gens avec des croix . Un gars typiquement juif avec un accent américain porte un badge " Jesus saves " . Je lui demande s'il est juif pour Jesus " oui , comme Dylan ! " . A-t-il le pouvoir de convertir ?
" Ne suivez pas les leaders " avait-il dit dans les années 60 . Y croit-il encore ou bien aimerait-il voir son pouvoir réapparaître ?
Les jeunes ici me paraissent tellement égoïstes. Ils ne partagent même pas un joint . Moi ce que je voudrais c'est un morceau de pain . Je suis malade . A boire cette flotte infâme des gares , j'ai attrapé la « courante » et mes paupières pèsent comme du plomb . Mais de moi qui s'en soucie ? C'est de ma faute . Voilà! Bien fait avec tes idées à la gomme .
C'était complet mais je récupère quand même une place à dix rangs de la scène et cours devant pour le encore ; les lunettes noires me font écran ; pas moyen de savoir qui il regarde avec ces foutus machins !
Je monte ma tente au beau milieu d'un champ trempé . Il va mouiller toute la nuit et à sept heures du matin , frigorifiée , je fais du stop .
Je tourne autour de l'hôtel avant de m'éloigner, déçue . Rien , rien .
Je déplie ma tente sur la pelouse d'un parc et lis un bouquin " Steve Mac Qeen , la légende d'une vedette rebelle " . Encore une !
J'achète un programme avec des photos du concert 78 et un journal . Je ne comprends rien à ce qu'ils racontent , mais les journalistes ont confondu Steve Ripley et Fred Tacket . S'ils ne savent même pas le nom des musiciens , je me pose des questions sur la valeur de leurs commentaires .
Je rencontre deux Bretons . Ils me disent que la situation économique s'est terriblement aggravée depuis quelque temps et que les gens sont de plus en plus durs . Ils veulent se tirer . Bonne chance !
Je prends le train de Bad Segeberg avec deux changements . Je loupe mon train à Hambourg . Merde! la galère à nouveau .
XII
Bad Segeberg : pour la première fois je me sens parmi les miens . Les gars avec des sacs de couchage , des guitares et des harmonicas chantent Dylan . Rien de la " classe supérieure " que j'ai rencontrée jusqu'à maintenant . Pour la première fois je mange à ma faim pour presque rien . Pour la première fois des gens me sourient . Ils n'ont pas l'air de parler beaucoup anglais , mais du moins celui de Dylan . C'est incroyable combien de gens ont appris l'anglais avec BOB . professeur d'américain , çà il n'y avait pas pensé .
J'achète deux billets pour deux concerts en plein air . Il pleut . Toujours quelque chose qui ne tourne pas rond . Gonflée , à plat, gonflée , à plat , j'en ai marre de ces sentiments . Qu'est-ce que je fous ici ? Les autres chantent , rient , boivent , je me sens l'envie de pleurer .
Je cours devant , comme à Toulouse , comme à Paris . En les écoutant bien , je ne les aime pas les chansons de ces freaks ; des vieilles rengaines des années 60 . Pas une des nouvelles , pas une de leur propre création . Un hommage à Mr Dylan , quelque chose de neuf ? Ils ont juste l'AIR un peu plus paumés . Je n'ai parlé à personne de toute la journée et ils piétinent mon sac et ils me marchent sur les pieds sans excuses
J'ai l'air morte mais je suis bien éveillée . Je n'aime pas leur langue , elle sonne dure . Et puis sils parlent , ils parlent , ne peuvent-ils penser ? Je hais cette foule . Toute foule ...J'ai tant besoin de ma solitude .
Presque une heure de retard . Pas de choristes ; mais çà démarre sec avec " saved " et à nouveau la veste aux dragons . Je ne rate rien , chantant et dansant . Je demande des chansons " Lenny Bruce " , "Watered Down Love " . Les photographes à côté - mais qu'est-ce qu'ils fichent au premier rang ces cons ?- me regardent d'un sale oeil ; je les dérange . Ils prennent des photos que personne ne voit jamais de toute façon . Alors du balai ! chassez les lapins ou les perdrix . Bob est tellement content du public qu'il lui balance son harmonica à la fin . So long Bob...
Je plante ma tente dans un champ de blé ; il flotte . Je suis trempée et sale . Je n'espère pas d'aide , j'ai même honte de ce que je fais . J'avais fabriqué moi-même un sac de toile de jute où j'avais écrit fièrement BOB DYLAN TOUR 1981 et en rouge « journalist » . Pauvre de moi , pauvre misère, je retourne maintenant le sac à l'envers . Ce n'est pas encore le public que j'espérais . Est-ce que c'est la bonne vedette ?
Des gens bien dans une bonne société de consommation . Mais ce n'est pas MON public , alors ! Peut-être c’ est ce que tu veux , mec! Après tout ils achètent tes billets , ils savent tes vieilles ritournelles , ils savent que tu t'es planté en moto en 66 , t'étais le copain de Baez ( où son fils aux yeux bleus ) ...bla bla bla ; la belle histoire . Pas un n'a vu Renaldo et Clara !
Je m'empiffre de nourriture toute la journée et re-belote pour Bad Segeberg . Je suis juste devant le micro avec à mes côtés un Italien des plus enthousiastes . Il a des badges partout . Le concert est un des meilleurs , deux heures et demie , le public chante et danse . Dylan est de bonne humeur . Quelqu'un du personnel me salue . Sympathie ? Défi ?
J'ai entendu dire que hier le Roi était surpris de la bonne réception du public . Après les Anglais réservés et les froids Scandinaves , un tel accueil était inespéré .
A la fin , j'attends , assommée , que la foule s'éparpille . J'ai mis mon sac à dos à la gare et elle est fermée jusqu'à demain matin . Une nana blonde de New-York est emmenée par un gars en coulisses . Et moi alors ? je me surprends à penser . Mais qui es-tu pour pense ainsi ? En coulisses ? Et puis quoi encore ? Toi , t'es une fan , tu restes derrière la barricade ....
Ma tête raisonne mais mon cœur saigne et je fonds en larmes . Personne ne devrait laisser ses sentiments l'emporter sur sa tête . Quelle connerie l'Amour !
J'essaie de dormir à même le sol, sans sac de couchage . Mais qu'est-ce qu'il fait froid ! Alors je marche jusqu'à 5 Heures du matin . Je rencontre un gars tout à fait ordinaire : cheveux courts , bien sapé , qui va à Hambourg, comme moi . Je lui raconte mon histoire, sans conviction . Il est tellement étonné qu'il décide de prendre un jour sans solde, m'offre un petit déjeuner et m'invite à prendre une douche chez lui . J'y vais . Ce soir il n'y a pas de concert .
C'est une grande maison communautaire avec une huitaine de personnes , des chats , des chiens . Home!sweet home! Je prends un bon bain, lave mes chaussettes , enfin! je mange bien et chaud . Je me repose, nous parlons de ...Dylan . Combien il semble frêle et sans santé , ce que le public attend de lui et ce qu'il veut être . On attend partout le ‘vieux’ Dylan et lui essaie de rester jeune , dans le coup , de faire neuf , de se remettre en question sans arrêt , lui et son art . Maintenant il a besoin de croire à autre chose que la Téquila et les " poules " . Sur les huit gars ici , un seul est allé voir Dylan . Un autre a travaillé pour Santana comme roadie et a vu tant de concerts qu'il en a pris pour sa vie . Le showbiz, tant de gens centrés sur une même personne , c'est trop pour lui . Après tout , il est honnête ; il n'est pas allé voir Dylan juste parce que c'est Dylan . Il ne l'a pas renié à cause de sa conversion . Non . Il s'est trouvé autre chose , c'est tout . L'argent au prix de se faire écraser ?
L'honnêteté , oui, mais sans public ? -ou si peu- Bob fais ton choix !
Je me sens trop bien ici , je veux partir . Si je reste plus longtemps , je n'aurai jamais le courage de repartir sur la route . Je saute vite dans le prochain train . Merci les gars pour ce peu de chaleur , elle m'a chauffé le cœur .
XIII
Manheim ? Merde! J'ai loupé ma station . Je devais arrêter à Frankfurt . Je dormais trop bien . J'arrive quand même au lieu dit en stop . Je suis surprise de voir des centaines de bédouins qui montent déjà leur tente . Des tas de stands , de la saucisse au T-shirt . Quel commerce!Ils avalent de la bière comme du petit lait . Ils me regardent quand je demande un coca. La bière çà me fait dormir , c'est vraiment pas le moment .
Loreley : concert en plein air . Je suis devant . L'homme-aux-cheveux-gris ouvre les boites à guitare du premier rang . Est-ce qu'il cherche une bombe ? Pas besoin d'une bombe pour tuer un homme ; enfermez-le dans sa solitude et il se détruit lui-même . Le gars me demande si je ne suis pas fatiguée de voir Dylan . Est-ce que je n'aimerais pas Bruce Springsteen ? Non , mais pour qui il me prend ce type ? Une groupie de Rock and Roll stars ? J'ai assez à faire à essayer de comprendre celui-là , je n'en veux pas d'autre merci . Est-ce qu'ils le comprennent au moins tous ces parasites ? Même pas . Ce mec a le culot de me refiler un badge périmé , " en souvenir " qu'il me fait . Il me demande mon adresse " on t'enverra une photo dédicacée " . Je vois Rory Gallagher à la sortie . Quelques jeunes lui demandent un autographe . Je ne bronche pas . Je l'aime bien pourtant Rory . Je l'ai vu deux fois . Super , super . Mais le King est déjà parti . Je suis désolée pour Gallagher .
Je suis furieuse ; le public était moche ce soir ; moi je prenais mon pied en chantant . Ils me regardaient comme si j'avais été une bête sauvage .
Je monte ma tente . On se croirait à Woodstock , l'esprit de la fraternité en moins . Une mascarade . J'avais quand même collé ce foutu badge sur mon pantalon et du coup j'ai eu droit à quelques considérations ; on me comprenait quand je parlais anglais ; on me servait gentiment un coca . Faut-il être con!
Je fais du stop pour redescendre la colline . Trente bagnoles passent ; pas une ne s'arrête ; " do you have any love to share ? " quel foutu esprit ! Je crois encore à des choses comme la pureté , l'innocence ou la Tendresse mais où se cachent-elles ? Je pense à mon chouchou . Combien seul doit-il être ! quelle force intérieure doit-il posséder! Je hais la popularité qui le fait inaccessible . mais sans elle je ne l'aurais jamais connu ; cercle vicieux ; on est personne et on se bat pour être quelqu'un ; plus connu on devient , plus de " fans " on a ; plus on a de " fans " plus il faut se cacher d'eux Plus de gens nous entourent moins on a d'amis sur qui compter . Qui faut-il croire quand on est riche et si influent ? Influençable aussi.
XIV
Munich : je prends un grand petit déjeuner après une bonne nuit de sommeil dans le train . La nuit dernière à Manheim , j'étais au premier rang , debout pendant trois heures et çà poussait et çà poussait derrière ! j'avais les jambes comme du coton , mais j'ai tenu le coup . Il y avait pas mal de GI's en civil .
J'emprunte les jumelles de mon voisin et vois Dylan en gros plan . Il me voit aussi et recule de deux pas , les yeux dans le vague, sans grimace . Il regarde les choristes assez souvent et surtout Klydie comme s'il cherchait un réconfort . Le public est bon , réchauffé par les gourdes de bière , de shnaps et de rhum . Quelques mouvements d'humeur aussi ; on s'écrase sur les barrières au premier rang . C'est égal , l'ambiance est bonne , sauf qu'ils sifflent les gospels . Cela se termine sans incident et je sors juste à temps pour voir le bus s'éloigner . Aménagé comme un hôtel avec même la télé . Je me dirige vers la gare et rencontre quatre français de Stasbourg qui ont fait du stop pour venir voir Dylan . Ils me racontent que l'un d'eux s'est fait arrêter à l'entrée par la police et fouillé . Ils ne peuvent pas nous fiche la paix ceux-là . Ce n'est pas en ramassant deux , trois joints lors d'un concert de rock qu'ils stopperont quoi que ce soit . C'est juste histoire de nous casser les pieds . A une heure du matin re-flics à la gare où l'on demande nos billets de train . Les copains n'en ont pas . " ce n'est pas un hôtel sortez !" On s'en est aperçu que ce n'était pas un hôtel ; il fait glacial . Dehors c'est pire , il pleut . Je crois bien qu'ils ne reviendront plus . Dommage pour Bob . Et mort aux vaches!
Munich , c'est une grande ville . Je hais les grandes villes . Il y a des parasites partout , du désespoir plein les rues et des criminels aux aguets , pas du genre Anars idéalistes , non , juste de pauvres cloches qui me tueraient , moi qui n'ai presque rien , pour me piquer mon sac à dos . La honte d'une société soi-disant civilisée .
Il tombe des cordes . Une pluie drue qui vous pénètre jusqu'aux os du premier coup . Le show est à l'Olympia Hallen , l'immense truc moderne qu'ils avaient construit pour les jeux olympiques . Il n'y a pas un chat . Avec un temps pareil !Je vais chercher mon billet à la caisse située complètement à l'opposée . Je suis trempée quand je rentre dans un café pour prendre quelque chose de chaud , c'est moins deux que le serveur ne me mette à la porte .
A 20h30 je me pointe à l'entrée des artistes , et là miracle ! Le gars responsable de la sécurité du Boss me reconnaît et me fait entrer dans les coulisses . Il me conduit directement juste en face de la scène et me recommande de ne plus acheter de billets , il me laissera rester à l’œil . Je suis si contente que j'ai envie de l'embrasser ce colosse Il s'appelle Jim Gallaghan , et jamais je n'aurais pensé qu'un garde du corps puisse être si chouette . Un ange . Les gens autour me regarde avec mépris . Je les emmerde !
Le public est réservé . Peut-être parce que c'est une grande ville et qu'ils en ont vu d'autre . Le concert est de plus en plus tronqué ; plus de gospel en entrée , plus de paroles entre les chansons ; c'est une course de vitesse . Mais Bob est de bonne humeur , il sourit même et sautille sur scène . A la fin soudain , Meyers me reconnaît - il était aussi le road manager en 79 , c'est lui qui devait me donner les vingt dollars que j'avais refusés - de toute façon il n'y a rien à attendre , c'est un manager paranoïaque .
A la sortie je salue le bus et la compagnie sous une pluie battante . Je sais ce qui m'attend , c'est une nuit à la belle étoile . Rien pour planter ma tente . A quatre , avec d'autres paumés ; nous confectionnons un lit de fortune par terre . A quatre heures du matin nous nous réveillons , trempés , non par la pluie mais par un tourniquet d'eau q'un imbécile a branché pour nous fait déguerpir . Arroser par un temps pareil ! Quelle bonne blague ! Mon sac de couchage est imbibé d'eau . Merde, merde, merde!A six heures nous nous retrouvons tous pour un petit déjeuner au buffet de la gare .
Je flâne dans Munich et achète un souvenir pour dear Bobby -qu'il ne recevra probablement pas - . De toute façon on lui fait parvenir tant de trucs qu'il lui faudrait un coffre exprès pour tout ramener au pays . Tant pis, çà me fait plaisir à moi .
Ce soir je vois le concert gratuitement . A ma grande déception , je ne suis pas la seule . Puisqu'ils m'ont repéré depuis longtemps comment se fait-il qu'ils ne m'aient pas aidée avant ? Qu'est-ce que cela leur coûte de m'ouvrir la porte ? Il est vrai aussi que je n'ai rien demandé . Je n'ai pas voulu pousser . Il m'aurait suffit de passer quelques nuits avec quelques gars . Mais je ne voulais pas être comme cette fille durant la " Rolling Thunder Review " qui disait : " Merde!combien faut-il que j'en baise pour arriver à Dylan? " . Probablement tous , et d'arriver à Bob elle n'était même pas sûre . Cà je le savais bien .
Bob présente sur scène une jeune chanteuse de seize ans . Après sa chanson il demande s'il n'y aurait pas un producteur qui serait intéressé. Moi la chanson , je ne la trouve pas terrible .
Il a l'air terriblement concerné par sa sécurité , de la scène entrent deux chansons , il fait signe à un gars de la sécurité de surveiller une fille devant . Est-ce qu'il croît qu'elle braque un revolver? Décidément les caisses de guitare à Lorely , la fouille à Manheim et maintenant Munich . Aurait-il reçu des menaces ? Il est vrai que l'assassin de Lennon n'est pas si vieux .
Dans l'après-midi , question d'éviter la pluie , j'étais rentrée dans la piscine Olympique et j'y ai rencontré un américain en vacances qui , lui , était un fan de Bruce Springsteen . Il avait même fait le voyage New-York-Munich pour le voir outre-atlantique . Je pensais sur le moment « ils sont fous ces américains ! » IL me raconte que Bruce est super chouette , qu'il discute avec ses fans après les concerts , que l'on peut le rencontrer dans les cinémas de quartier et qu'il s'est même fait inviter par la mère d'un de ses fans. Un anti-Dylan quoi! Moi , Springsteen je le prends surtout pour un maniaque des bagnoles américaines , jusqu'où ira-t-il avec ses Cadillac ? En tout cas un nouveau Dylan , certainement pas . Tout juste un Bruce Springsteen .
Je ne serai jamais contente ; je rentre gratuitement maintenant , cela me sauve beaucoup d'argent . Pourtant je m'en fiche , avec le si peu que j'avais jusqu'à maintenant je m'en suis tirée . A passer toutes les nuits dehors et à manger sur le pouce , j'ai du fric pour acheter les billets jusqu'à la fin . C'était devenu tellement une habitude de fouiner un billet . J'aurais préféré que ce soit le patron lui-même qui m'invite , comme à San Francisco où Meyers m'avait dit : " c'est un billet de Bob , personnellement " ou bien à Santa Monica où il m'avait dit " sure , I'll get you one " . Là c'est à Jim que je dois tout , quoi que rien , puisqu'il m'a dit " tu sais moi , de te faire rentrer gratis , cela ne me coûte rien " , bien sûr , mais c'est le ( bon ) geste qui compte . Une porte qui s'ouvre est tellement plus agréable qu'une porte qu'on vous claque au nez .
Bob est d'une humeur massacrante ce soir . Son arrogance est telle qu'il en a l'air horrible . Le diable en personne . Je n'aurais pas voulu être dans les parages.
La gare est fermée . Merde! même à Munich . Je cherche vainement le sommeil sur le siège avant d'un van . IL fait froid . Je suis à bout " you look so fine first , and then just like a ghost " .
Le train démarre à 6h45 après un petit déjeuner sur le pouce . Et c'est reparti . J'ai un compartiment pour moi toute seule et en profite pour étendre mon linge jusqu'à ce que des connards arrivent . On partage ?
XV
Vienne 12h . Je fais une rapide toilette avant de faire un petit tour en ville . Visite touristique commentée . Ils nous expliquent qu'il y a 360 églises , une pour chaque jour . Nous visitons le château de Schönbrunn avec tout l'historique . Je ne me souviens de rien , sauf qu'il était beau ce château . Cela me fait quelque chose de voir tant de richesses pour les Rois et les Reines quand les paysans .. Et ce n'est pas QUE de l'histoire . Pas grand chose n'a changé sinon les cours et les fêtes .
Playboy : " Que pensez-vous de la relation de l'artiste avec l'argent ? "
Bob Dylan : " Le mythe de l'artiste qui meurt de faim est un mythe . Les grands banquiers et les grandes Dames qui achètent l'Art l'ont commencé . Ils veulent tout juste garder les artistes sous leur pouce . Qui a dit qu'un artiste ne doit pas avoir d'argent ? Regardez Picasso . L'artiste qui meurt de faim, meurt de faim pour ceux qui autour de lui le veulent . Vous n'avez pas à mourir de faim pour être un bon artiste . Vous avez juste besoin d'Amour, de vue intérieure , et d'un fort point de vue . Et vous devez combattre la dépravation . Le non-compromis . Regardez Matisse, c'était un banquier . De toute façon il y a d'autres choses qui font la richesse que l'argent ou la pauvreté ."
Aucun artiste n'a décidé de mourir de faim de son bon vouloir . Mais tout le monde sait bien que Dylan est un bon artiste doublé d'un homme d'affaires. Qu'il fasse bon usage de son argent .
Un nouveau stade ? Bob n'aura jamais été aussi sportif , ou bien la location est-elle moins chère ? C'est petit , peut-être 10 000 personnes . Jim , mon copain, m'a laissé passer au premier rang . Je fais si bien que Bob -enfin - me reconnaît et me salue . C'est à dire qu'il me pointe du doigt , façon de dire : " toi , je t'ai déjà vue quelque part " .
A la sortie , le chauffeur du car évite en catastrophe un fan qui se met presque sous le bus . Qu'est-ce que j'ai pût rencontrer de détraqués ! On me demande si je prends des photos . Ah non alors ! je ne suis pas une de ces fans du clic clic , moi c'est la musique que j'aime , les souvenirs sont dans ma tête , que je dépose sur du papier dans mes moments de solitude . Ils doivent me trouver " pas normale " moi c'est eux que je trouve " en dehors " !
Je réalise que ce que je voudrais c'est être de l'autre côté de la barricade , sur scène , pour leur gueuler qu'ils ne sont que des robots englués dans leur train train quotidien .
Ils parlent français dans le train qui roule vers Lillle . Je n'aime pas , je perds mon anglais et du coup tout mon rêve s'évanouit . Je dépense le reste de mon argent à m' empiffrer de toutes sortes de cochonneries . Après trois jours de jeune , je vais tout renvoyer . Je me regarde dans un miroir . Oh la la ! quelle tête ! Cela ne m'étonne plus que les gens ne m'adressent pas la parole . Tant pis , j'en profite pour écrire .
J'arrive à Lille à 17h30 et les guichets ferment à 19h30 . Chance . J'achète ma carte Inter-Rail . Le prochain train pour Stokholm est à 20h . J'arriverai le 7 Juillet à 23h . Juste à temps . J'achète du pain et de l'eau pour le voyage qui sera long . Je dois changer en Allemagne et au Danemark . Je ne parle ni l'allemand ni le Danois . J'espère quand même ne pas louper mes trains .
La foule et la solitude .
La solitude dans la foule .
La solitude hors de la foule .
Ils passent comme s'ils étaient d'une autre planète , " la nausée " pour JP Sartre , un mauvais trip pour un junky ....je voudrais tant dormir .
Dans le train , je rêve : on s'arrête à Hambourg . Je vois Bob qui descend et s'assoit sur un banc . Je m'avance . " Bob tu es tout seul , où sont tes gardes du corps ? " . Il a l'air fatigué et perdu . " Viens prendre un verre " . " tu bois ? " " même chose " " deux cafés ". Je pose ma tête sur son épaule et passe ma main dans ses cheveux " tout va bien .T'es un chic type " .
Dans ce train qui m'emporte vers Copenhague , je suis au bout du rouleau et au fond du trou noir ; j'ai envie de me balancer par la fenêtre avec mon billet . Sauter dans l'eau qui passe en bas . Je n'ai pas dormi et n'ai pas pris de bain depuis belle lurette , pour cela je devrais attendre Oslo . Echanger l'argent en passant chaque frontière est aussi un grand problème . je transforme deux bancs en lit et pliée en quatre je m'assoupis avec le bruit des rails .
IX
Stockholm : 23h11 . L'horaire exact . Mais tout est fermé . Pas de change . J'ai entendu dire que la pauvreté n'existe pas en Suède . Je vois deux garçons qui mendient aussitôt arrêtés par les flics . Il n'y a pas de pauvreté parce qu'on la cache . Personne ne dort par terre ici , mais moi je suis si crevée que je m'y allonge .
" Bonjour " . J'entrouvre les paupières . Merde! La poullaille !" Vous ne pouvez pas dormir ici , on ferme à 1h10 . " " Est-ce que je dois dormir dans la rue ? " " Comme vous voulez " . Je grince " comme si j'avais le choix " .Je sors en frissonnant . SHERATON/HOTEL juste à côté . Tiens un truc pour moi ! Je rencontre un Algérien qui parle français . Pas d'endroit où pieuter non plus . Nous serons deux à grelotter. Et Dieu a pitié de nous et nous envoie un ange . Et quel ange ! Complètement bourré . On explique la situation . " J'ai une boutique de fromage " . qu'il dit . " venez " . Avec l'Algérien je me sens un peu en sécurité . Le fromage pue le fromage , bien sûr . Je m'en enfile bien deux kilos avec des biscuits , toutes les sortes mélangées . Nous bavardons jusqu'à quatre heures du matin ; il est né au Nord de la Suède où les aigles et les ours existent encore . Les cheveux blonds , les yeux bleus : c'est un Viking . Il est habitué à manger de la viande d'ours crûe et à boire du sang de chèvre fraîchement tuée . Ensuite nous nous allongeons tous les trois par terre . Je fais des cauchemars épouvantables . Des fromages , des ours , du sang de chèvre mélangés . Quelqu'un me secoue . Ou suis-je ? Je respire à fond . Ah oui les fromages ...Stockholm ...DYLAN. Il est 6h30net il nous faut déguerpir , la boutique va ouvrir . Pas le temps de pisser , nous sommes dehors . Le gars nous salue bien . Merci Homme-fromage .
Je cherche des affiches sur les murs . Je ne sais pas où aura lieu le concert , ni où acheter les billets ..Paumée .
C'est une société qui me semble extrêmement bien organisée , des gens très bien éduqués . Les piétons ne traversent jamais au rouge , comme s'ils étaient programmés . vert tu passes; rouge , t'attends . Très peu pour moi . Pourtant la nuit j'ai rencontré des gens complètement saouls et perdus . Une société trop bien organisée est une société de désespoir et d'agonie . La Suède est le pays où l'on commet le plus de suicides. Il y règne un grand vide intérieur . Je repère une maison de disques . Ce n'est pas complet . J'ai un billet . La place est loin , très loin de la scène . Tant pis .
Je trouve une excursion à faire pour quelques sous . Je reprends vie sur le bateau qui flotte doucement . Le soleil me chauffe le corps et les gens du jour semblent heureux . Puis je vais m'asseoir sur les marches de la place centrale et écoute un violon qui me rappelle " la face de Botticelli " alias David Mansfield , le violonneux de Dylan en 78 et aussi le petit héros du film " les portes du paradis , un film que j'ai bien aimé . Pas les Etats -Unis puisqu'ils l'ont descendu et retiré des affiches sous prétexte qu'il était pro-communiste ! ( ?) . S'il était rouge alors ! En tout cas ce drôle de personnage me rappelle quelqu'un d'autre qui avait nom Alias . Et comme par hasard on y retrouve aussi Chris Christofferson .
Il n'y a rien à faire ici . Je n'ai pas vu beaucoup de cinéma ni beaucoup de magasins de disques : Iggy Pop , Emmilou Harris et Mozart . Ah ! Mozart! Des sabots aux pieds . Là-bas on reconnaît un étranger à ses pompes . On s'ennuie ici , heureusement je ne fais que passer .
Etrange : je me retrouve derrière la scène . Je vois le dos de Bobby . J'espère qu'il aura le blouson avec le dragon . Au moins je verrai une image . ..A 7h15 la salle n'est pas à moitié remplie et ici bizarrement le concert commence à 7h30 . La face de Bob sur les T-shirts a changé et au lieu des programmes on trouve des cravates . C'est vrai qu'ici il fait froid et un programme autour du cou c'est moins pratique qu'une cravate .
Le bus est arrivé à 6h15 dans le parking intérieur . Il n'y a pas de répétition alors ! Je ne m'endors même plus . Je flotte dans une atmosphère et un langage que je ne connais pas . Des T-shirts propres , des jeans propres , des idées propres ...Trop propre pour moi tout çà . Il n'y a même pas de sécurité . Pas de danger qu'ils débordent les barrières. Ils sont leur propre flic .
Je ne suis pas très contente de ma position . J'aurai vu Bob du haut , d'en bas , de près, de loin , de face , de dos ...Il ne me reste plus qu'à être assise sur ses genoux . D'où je suis c'est intéressant de le voir se tourner pour se moucher ou bien à l'entracte retirer sa chemise et son boléro et se faire essuyer par ses trois gars . Un pauvre petit bonhomme secoué comme un prunier .
Les choristes apparaissent de moins en moins ; trois chansons seulement ce soir . Et Dylan qui commence acoustique avec " she belongs to me " et " the times they're a-changin' ". Ennuyeux tout çà Monsieur ! Et le son qui ne parvient pas derrière . Quelle plaie ! Pas de charisme ce soir . Je me précipite vers la sortie à la fin . Tout juste le temps d'attraper le métro et de sauter dans le prochain train pour Oslo à 23h . Est- ce que Dylan est dedans ? Je pense que oui , je reconnais un de ses gardes , bien sûr en première classe et en wagon-lit . J'ai une place en seconde et assise . Je dors plus ou moins jusqu'à Oslo . Là à nouveau tout est fermé . J'ai la dalle . Je trouve un marchand de fruits et avale deux bananes . Je descends l'allée piétonne et miracle ! je vois le bus de la tournée juste garé devant un hôtel . Je tourne autour et je vois Klydie King qui en sort . Alors plus de doute c'est l'hôtel du Boss . Je rentre et je demande le prix d'une chambre : environ 500 F . Le gars n'hésite pas et me dit qu'il n'y a pas de chambre libre . Est-ce une consigne ou bien ai-je l'air vraiment mal en point ? De toute façon même avec l'argent je n'y resterai pas . Ce n'est pas une bonne solution pour faire sortir le tigre de son antre de se planter devant l'entrée . J'avais déjà essayé en 79 . J'étais restée trois nuits dans le même hôtel sans jamais le croiser ( par hasard ?) dans les escaliers . Par contre j'avais récupéré une bible " d'un de ses convertisseurs qui m'avait affirmé qu'il y aurait trois disques " chrétiens " . Un contrat avec le ciel ?
Comme je ne suis pas une Groupie, je m'éloigne gentiment du repère et lui envoie quand même quelques fleurs . J'essaie surtout de me trouver un billet . Ce serait si facile de frapper à sa porte en disant " excusez-moi Mr Dylan je suis seule et un peu perdue et passablement fauchée , pourriez-vous me passer un billet ? " Oui mais voilà , cela ne se fait pas . J'ai bien pensé à Klydie , mais je ne sais pas exactement sa position et elle ne me connaît pas . Je rentre dans un magasin de disques? " Dylan ? connais pas " . Ah bon !merci .
J'avais trouvé l'hôtel quand je ne le cherchais plus .
J'avais trouvé un pain quand la faim s'était estompée
J'avais trouvé un peu de réconfort quand je m'habituais enfin à la solitude
J'espère tellement voir Bob que je ne le verrai certainement pas avant 5 ou 10 ans , quand je ne le chercherai plus . Les choses n'arrivent pas comme je veux ou peut-être j'en demande trop . Encore une fois je dis : Merde! qu'est-ce que je fous ici à suivre cet imbécile partout ? Pour chasser ces mauvaises pensées je lui fais parvenir des roses rouges - la fleur du poète -.
Les a-t-il jamais reçues?
A Oslo un peu de distraction : les musiciens qui jouent ( bien ) dans la rue . Mais ils sont tous Américains . C'est plus facile ici qu'aux Etats -Unis . Il y a moins de concurrence .
X
La salle de concert est complètement à l'extérieur d'Oslo . Fou Bobby !ou folle l'organisation . Pour dormir ce soir l'herbe pas celle que l'on fume quoique l'on puisse faire de beaux rêves aussi - Pas de douche , pas d'eau à boire , et j'ai peur des flics .
Les gens doucement arrivent . Ils ne sont pas pressés là-bas . Beaucoup ne parlent pas Anglais . Mais les deux concerts affichent complets , même si l'espèce de garage qui sert de salle n'est pas plein . Ils sont durs , très durs ." When you gonna wake up ? " ,
" do you have any love to share ? " .
L'amertume dans le cœur et les larmes aux yeux . S'il vous plaît Mon Dieu ne me change pas , ils ne peuvent pas avoir raison .
J'aurai dû croire au miracle et garder la foi . Je rencontre un gars sympa et nous commençons à discuter en anglais . Nous réalisons soudain que nous sommes tous les deux français - ah la France ! son camembert et son vin rouge ! - On a beau ne pas être patriote cela fait plaisir . Il me vend un billet pour le 10 et j'en achète un pour ce soir à la caisse . Il m'apprend que Bad Segeberg et Loreley sont en Allemagne de l'Ouest et non de l'Est . Bien sûr c'était stupide, on ne prêche pas le Christ en pays socialiste . Karl Marx c'est l'antéchrist .
J'attends à la porte de derrière ; il n'y a pas de sécurité mais beaucoup de gens . Je vois un bus blanc qui avance doucement ; je reconnais les musiciens et leur fais bonjour de la main . Les jeunes autour me prennent pour une débile . Est-ce qu'ils espèrent une procession de limousines ? C'est Bob Dylan , imbéciles ! Pas les Rolling Stones . Le bus fait un détour et revient . Le chauffeur ne sait manifestement pas où est l'entrée . Heureusement qu'il n'a pas pris la gare pour la salle de concert ! Ils repassent , je resalue . Meyers est devant , Tim derrière me sourit . Je ne vois pas Bob . Finalement ils entrent .
Le concert commence une demi-heure en retard . Quatre gospels et la bande commence " gotta serve somebody " . Les lumières s'allument . Merde! Dylan n'est pas là . Les musiciens jouent l'intro encore et encore . Et Bobby accourt d'on ne sait où; se précipite pour prendre sa guitare sur scène , s'écrase contre le micro qu'il n'a pas pu voir et commence dans un souffle " you may be an ambassador.."
vêtu d'une chemise à manches courtes , la même qu'il avait à San Francisco en 80 . Vous voyez bien que je sais tout sur l'homme .Bientôt je vous dirai combien de pierres de sucre il met dans son thé . Je peux vous dire qu'il ne s'est pas arrêté de fumer une marque très américaine . Ah Satan est fort ! Et je n'avais pas ( encore ) fouillé dans ses poubelles . Je suis désolée pour les journaux à ( mauvaises) sensations mais je ne sais pas combien il paie ses musiciens . D'après leur tête , ils ne semblent pas heureux de jouer avec le Zim . Qui ce soir est de bonne humeur . Bon spectacle . Le public applaudit en cadence et Dylan sentant l'esprit souffler sur la glaise se met à taper des mains et à sautiller d'un côté sur l'autre de la scène , échange quelques mots avec le choriste et entonne un nouvel hymne " Jesus is the one " , récupérant des baguettes et sonnant la cadence " that's not Rockefeler " ....that's not Rooooosevelt....Jesus is the one ".... Puis se met à son clavier pour un magnifique " Heart of Mine " . Tu sais Bob combien amusant et angélique tu peux être quand tu veux . Combien de chansons ont-ils répété? La création de cet homme est sans limites ! Et sans limite la patience de ses musiciens toujours prêts à accrocher derrière l'étrange humeur du Boss .
Je me fraye un chemin pour sortir , juste à temps pour saluer le bus et la compagnie qui s'éloigne déjà .
Et l'enthousiasme retombe un peu quand je me vois obligée de rechercher une place pour dormir . L'herbe est mouillée . Il fait noir . Oh my God! Am I here all alone ? " Je suis bien contente que les nuits soient courtes . Avez-vous entendu parler du soleil de minuit ? C'est le 24 Juillet, tout en haut de la Scandinavie . La pluie qui tombe me réveille à quatre heures du matin . Je monte ma tente en catastrophe . Le lendemain à moitié endormie je reprends le train pour Oslo et je me plante en face de l'hôtel . Je rencontre un autre " cinglé " qui est là depuis trois heures du matin . Nous restons là toute la journée . Les musiciens et les roadies vont et viennent , mais pas de Bobby à l'horizon . A 18 h nous traversons la rue et nous attendons la sortie du matador . Le bus est là et un par un les musiciens s'y engouffrent . Meyers est là aussi , plus dingue que jamais . C'est une machine ce mec ! tout le monde attend patiemment . Le meilleur ami de Bob attend aussi avec une guitare . 18h30 : soudain Meyers se précipite dehors , agrippe la guitare et le bonhomme au passage . Il disparaît dans le bus qui démarre, en criant à notre attention " il va prendre un hélicoptère " ( ???) . Nous n'en croyons ni nos yeux ni nos oreilles et nous pensons , naïfs , qu'ils vont faire demi-tour . Tout ce cirque pour trois pauvres types qui se trouvaient là , et pas dangereux encore , sans appareils photos . On me dira par la suite que Bob était dans le bus en arrivant à la salle . Quel grand malin ! Et quel grand paranoïaque aussi s'il fait tout cela pour nous éviter - quoique comme je l'ai dit auparavant cela se défende - mais pourquoi tant d'inhumanité ? Pourquoi ne nous a-t-on pas demandé gentiment de nous éloigner ? Sécurité qu'ils disent . Sécurité mon c…. Ils poussent juste les gens à faire des trucs dingues , comme ce cinglé qui s'est mis à tambouriner sur le bus tandis qu'il s'éloignait , au risque de se faire écraser . Prendre un hélicoptère ? Pourquoi pas une fusée ? Meyers ! tu nous prends pour des idiots ? Homme d'affaire constipé !
Nous courons à la gare . Le prochain train est à 19h37 , c'est trop tard . Nous courons à l'autre gare . Juste le temps de sauter dans un wagon . Mon copain se planque dans la soute à bagages pour ne pas payer . Nous arrivons 5 minutes en retard . Les gardes veulent faire du zèle et me font ouvrir mon sac à dos " pas de bouteille ? pas d'appareils photos ? pas de magnéto ? . Non ! seulement ma télé couleur et mon frigidaire! Je leur laisse à regret deux boites de coca . Mais par contre ils me laissent mes piquets de tente . Parce que des tubes en métal balancé sur la scène ce n'est pas dangereux , peut-être ? enfin! Quand on est con , on est con , comme dirait Brassens .
Bob est déjà sur scène . J'ai envie de chialer quand il roucoule " and you break just like a little girl " De là où je suis , il n'a pas l'air très en forme pourtant . Pas très " plein de santé ". Klydie semble l'encourager du regard . Pas de sourire , pas de mot amer . Un Dylan pas agressif , c'est un Dylan pas dans ses pompes . Et je me demande: " pourquoi cette tournée ? pour payer ses impôts ? " .
Après un nuit à moitié en dehors en à moitié dans la tente , je me retrouve devant ce fameux hôtel. Je ne sais pas trop quoi espérer . J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles il irait faire un tour touristique de la ville .
Je prendrai le seul bateau qui part pour Copenhague ce soir à 17 h . Les hôteliers nous disent que la bande est partie à 11H . Je vois Meyers qui s'active dur . A 15h30 les valises sont prêtes pour quelque part . Le bateau de 17h? j'attends jusqu'à 16h . Les chanteuses sont dehors . Meyers regarde sa montre toutes les minutes . Dylan n'est jamais à l'heure .
Je me souviens du jour de 79 où quelqu'un avait laissé une note sur la porte de son studio , " Bob ton avion décolle à 11H , il y aura beaucoup de circulation , pars de bonne heure . " Sans savoir si le Bob en question était Dylan , un copain et moi roulons pied au plancher vers l'aéroport . On repère l'avion qui décolle à 11h et on s'installe dans la salle d'attente . L'avion part sans Dylan . Nous nous disons que le message n'était pas pour lui . Quand en marchant dans le couloir , qui je rencontre ? Mr Dylan en question , habillé à la Lucky Luke . Je lui file le train . Il est tout étonné que l'avion ne l'ait pas attendu et fait demi-tour . Il se renseigne au guichet pour le prochain vol , et en l'espace d'une seconde disparaît de ma vue . Nous le retrouvons au studio avant de lui recoller au derrière jusqu'à l'aéroport où cette fois il s'envole pour Phoenix où a lieu le prochain concert .
Revenons à Oslo : Meyers fait toujours les cent pas . Je dis au revoir à mon copain qui me refile de la bouffe " empruntée " . Il est 16h45 quand je monte dans le bateau et je n'ai vu de bus nulle part . Peu après le départ , je commence l'inspection . Qui je vois ? Non pas Bob , ce serait trop beau , mais son inséparable ami-photographe qui discute avec l'homme aux cheveux gris . Ils retrouvent un troisième comparse et çà complote . M'ont-ils repérée ? Je sens qu'il n'y a rien à tirer de ces truands . Ils feront tout pour m'éloigner du Boss . Howard Alk - le photographe - me dira plus tard qu'il a pris des photos de moi sur ce bateau et m'invite à aller les voir au studio de Bob . Est-ce une plaisanterie ? En tout cas je n'irai pas . Je me sens un peu mieux quand même . Bob est à bord , c'est sûr . Que le voies ou non m'est égal . Son esprit flotte sur les flots . Je remets mes notes à jour et cette nuit là je vais beaucoup pleurer . Bien sûr je ne suis qu'une dingue , bien sur IL se fiche pas mal de moi , mais j'aimerais que ce soit lui qui prenne la décision de me rejeter et non pas ses parasites .
Je me souviens de ce gars Larry Loman , un journaliste de RollingStone magazine , qui en a eu marre de se voir mettre à la porte de partout et de se faire traiter comme un chien. Finalement il s'est adressé directement à Bob , qui gentiment l'a pris sous sa protection , l'a mais dans sa bande en le payant jour par jour , et lui a même donné des interviews . Alors qui est paranoïaque ? Bob ou ses sbires ? Que pensent-ils que je puisse faire ? Lui sauter dessus ? J'aurais pu le faire bien avant . Je n'ai pas l'air d'une groupie non plus : cela fait bien deux semaines que je n'ai pas pris de douche . Alors pourquoi tout ce cirque ? Quels sont leurs rapports avec lui de toute façon ? Ils ne sont que des employés . C'est dommage que les valets se croient plus importants que le roi . C'est arrivé à Elvis Presley , il en est mort .
En faisant le tour du bateau , j'aperçois assis par terre et à l'écart dans l'obscurité , Klydie et un gars minus emmitouflé dans un jogging à capuche et portant des lunettes claires . Je m'éloigne tranquillement . Les sbires ne sont pas loin , mais je n'ai RIEN fait , alors ils me fichent la paix.
XI
Copenhague : Meyers cherche quelque chose . Un bus ? J'attends et repère un groupe de gens qui avance . C'est Bob au milieu : pantalon blanc , veste de nylon noire , lunettes noires , un grand bonnet de laine couvrant tous ses cheveux . Inutile ! des jeunes l'ont repéré . Mais avec beaucoup de respect , vu leur âge ils ne bougeront pas de leur place . C'est vrai qu'avec les gorilles autour , ce n'est pas discret , la descente du Roi . Ils MONTRENT qu'ils le protègent , mais le protègent –ils vraiment ? Il a l'air si petit , si fragile au milieu de ces colosses !C'est çà Dylan ? La super-star ?Il se glisse dans la voiture qui l'attend avec Klydie et le personnel important . Je me dis alors que Klydie doit être quelqu'un de spécial aux yeux de Bob . Je tremble un peu et mon cœur bat la chamade . Toutes ces nuits sans sommeil pour voir un petit bonhomme monter dans une voiture . Je suis vraiment cinglée !
La marche à la recherche d'un billet recommence . J'ai oublié qu'on était Dimanche ; tout est fermé , même le change . Je fais des kilomètres pour arriver à la gare centrale et me fais des sous danois . Les rumeurs courent ; il y aura trois concerts , c'est complet, on ne peut plus avoir de billet. Je l'ai déjà entendue cette chanson là et je ne les crois plus . Je rencontre Fred Tacket , le guitariste et Willy Smith le pianiste , assis à un bar . Je leur donne un truc pour Bob . Je ne crois pas tellement qu'il lui parviendra mais j'aimerai tant rompre la glace . Je croyais que les musiciens étaient des gens d'esprit: Fred est froid comme un iceberg . Quand je dis à ce soir , Willy répond " à ce soir " avec un sourire . Seraient-ils aussi des imbéciles ?
Bien sûr j'ai repéré l'hôtel , il m'a suffit de suivre Meyers de l'embarcadère . Mais cela ne set à rien .
A l'entrée de la salle pour la première fois , je vois des gens avec des croix . Un gars typiquement juif avec un accent américain porte un badge " Jesus saves " . Je lui demande s'il est juif pour Jesus " oui , comme Dylan ! " . A-t-il le pouvoir de convertir ?
" Ne suivez pas les leaders " avait-il dit dans les années 60 . Y croit-il encore ou bien aimerait-il voir son pouvoir réapparaître ?
Les jeunes ici me paraissent tellement égoïstes. Ils ne partagent même pas un joint . Moi ce que je voudrais c'est un morceau de pain . Je suis malade . A boire cette flotte infâme des gares , j'ai attrapé la « courante » et mes paupières pèsent comme du plomb . Mais de moi qui s'en soucie ? C'est de ma faute . Voilà! Bien fait avec tes idées à la gomme .
C'était complet mais je récupère quand même une place à dix rangs de la scène et cours devant pour le encore ; les lunettes noires me font écran ; pas moyen de savoir qui il regarde avec ces foutus machins !
Je monte ma tente au beau milieu d'un champ trempé . Il va mouiller toute la nuit et à sept heures du matin , frigorifiée , je fais du stop .
Je tourne autour de l'hôtel avant de m'éloigner, déçue . Rien , rien .
Je déplie ma tente sur la pelouse d'un parc et lis un bouquin " Steve Mac Qeen , la légende d'une vedette rebelle " . Encore une !
J'achète un programme avec des photos du concert 78 et un journal . Je ne comprends rien à ce qu'ils racontent , mais les journalistes ont confondu Steve Ripley et Fred Tacket . S'ils ne savent même pas le nom des musiciens , je me pose des questions sur la valeur de leurs commentaires .
Je rencontre deux Bretons . Ils me disent que la situation économique s'est terriblement aggravée depuis quelque temps et que les gens sont de plus en plus durs . Ils veulent se tirer . Bonne chance !
Je prends le train de Bad Segeberg avec deux changements . Je loupe mon train à Hambourg . Merde! la galère à nouveau .
XII
Bad Segeberg : pour la première fois je me sens parmi les miens . Les gars avec des sacs de couchage , des guitares et des harmonicas chantent Dylan . Rien de la " classe supérieure " que j'ai rencontrée jusqu'à maintenant . Pour la première fois je mange à ma faim pour presque rien . Pour la première fois des gens me sourient . Ils n'ont pas l'air de parler beaucoup anglais , mais du moins celui de Dylan . C'est incroyable combien de gens ont appris l'anglais avec BOB . professeur d'américain , çà il n'y avait pas pensé .
J'achète deux billets pour deux concerts en plein air . Il pleut . Toujours quelque chose qui ne tourne pas rond . Gonflée , à plat, gonflée , à plat , j'en ai marre de ces sentiments . Qu'est-ce que je fous ici ? Les autres chantent , rient , boivent , je me sens l'envie de pleurer .
Je cours devant , comme à Toulouse , comme à Paris . En les écoutant bien , je ne les aime pas les chansons de ces freaks ; des vieilles rengaines des années 60 . Pas une des nouvelles , pas une de leur propre création . Un hommage à Mr Dylan , quelque chose de neuf ? Ils ont juste l'AIR un peu plus paumés . Je n'ai parlé à personne de toute la journée et ils piétinent mon sac et ils me marchent sur les pieds sans excuses
J'ai l'air morte mais je suis bien éveillée . Je n'aime pas leur langue , elle sonne dure . Et puis sils parlent , ils parlent , ne peuvent-ils penser ? Je hais cette foule . Toute foule ...J'ai tant besoin de ma solitude .
Presque une heure de retard . Pas de choristes ; mais çà démarre sec avec " saved " et à nouveau la veste aux dragons . Je ne rate rien , chantant et dansant . Je demande des chansons " Lenny Bruce " , "Watered Down Love " . Les photographes à côté - mais qu'est-ce qu'ils fichent au premier rang ces cons ?- me regardent d'un sale oeil ; je les dérange . Ils prennent des photos que personne ne voit jamais de toute façon . Alors du balai ! chassez les lapins ou les perdrix . Bob est tellement content du public qu'il lui balance son harmonica à la fin . So long Bob...
Je plante ma tente dans un champ de blé ; il flotte . Je suis trempée et sale . Je n'espère pas d'aide , j'ai même honte de ce que je fais . J'avais fabriqué moi-même un sac de toile de jute où j'avais écrit fièrement BOB DYLAN TOUR 1981 et en rouge « journalist » . Pauvre de moi , pauvre misère, je retourne maintenant le sac à l'envers . Ce n'est pas encore le public que j'espérais . Est-ce que c'est la bonne vedette ?
Des gens bien dans une bonne société de consommation . Mais ce n'est pas MON public , alors ! Peut-être c’ est ce que tu veux , mec! Après tout ils achètent tes billets , ils savent tes vieilles ritournelles , ils savent que tu t'es planté en moto en 66 , t'étais le copain de Baez ( où son fils aux yeux bleus ) ...bla bla bla ; la belle histoire . Pas un n'a vu Renaldo et Clara !
Je m'empiffre de nourriture toute la journée et re-belote pour Bad Segeberg . Je suis juste devant le micro avec à mes côtés un Italien des plus enthousiastes . Il a des badges partout . Le concert est un des meilleurs , deux heures et demie , le public chante et danse . Dylan est de bonne humeur . Quelqu'un du personnel me salue . Sympathie ? Défi ?
J'ai entendu dire que hier le Roi était surpris de la bonne réception du public . Après les Anglais réservés et les froids Scandinaves , un tel accueil était inespéré .
A la fin , j'attends , assommée , que la foule s'éparpille . J'ai mis mon sac à dos à la gare et elle est fermée jusqu'à demain matin . Une nana blonde de New-York est emmenée par un gars en coulisses . Et moi alors ? je me surprends à penser . Mais qui es-tu pour pense ainsi ? En coulisses ? Et puis quoi encore ? Toi , t'es une fan , tu restes derrière la barricade ....
Ma tête raisonne mais mon cœur saigne et je fonds en larmes . Personne ne devrait laisser ses sentiments l'emporter sur sa tête . Quelle connerie l'Amour !
J'essaie de dormir à même le sol, sans sac de couchage . Mais qu'est-ce qu'il fait froid ! Alors je marche jusqu'à 5 Heures du matin . Je rencontre un gars tout à fait ordinaire : cheveux courts , bien sapé , qui va à Hambourg, comme moi . Je lui raconte mon histoire, sans conviction . Il est tellement étonné qu'il décide de prendre un jour sans solde, m'offre un petit déjeuner et m'invite à prendre une douche chez lui . J'y vais . Ce soir il n'y a pas de concert .
C'est une grande maison communautaire avec une huitaine de personnes , des chats , des chiens . Home!sweet home! Je prends un bon bain, lave mes chaussettes , enfin! je mange bien et chaud . Je me repose, nous parlons de ...Dylan . Combien il semble frêle et sans santé , ce que le public attend de lui et ce qu'il veut être . On attend partout le ‘vieux’ Dylan et lui essaie de rester jeune , dans le coup , de faire neuf , de se remettre en question sans arrêt , lui et son art . Maintenant il a besoin de croire à autre chose que la Téquila et les " poules " . Sur les huit gars ici , un seul est allé voir Dylan . Un autre a travaillé pour Santana comme roadie et a vu tant de concerts qu'il en a pris pour sa vie . Le showbiz, tant de gens centrés sur une même personne , c'est trop pour lui . Après tout , il est honnête ; il n'est pas allé voir Dylan juste parce que c'est Dylan . Il ne l'a pas renié à cause de sa conversion . Non . Il s'est trouvé autre chose , c'est tout . L'argent au prix de se faire écraser ?
L'honnêteté , oui, mais sans public ? -ou si peu- Bob fais ton choix !
Je me sens trop bien ici , je veux partir . Si je reste plus longtemps , je n'aurai jamais le courage de repartir sur la route . Je saute vite dans le prochain train . Merci les gars pour ce peu de chaleur , elle m'a chauffé le cœur .
XIII
Manheim ? Merde! J'ai loupé ma station . Je devais arrêter à Frankfurt . Je dormais trop bien . J'arrive quand même au lieu dit en stop . Je suis surprise de voir des centaines de bédouins qui montent déjà leur tente . Des tas de stands , de la saucisse au T-shirt . Quel commerce!Ils avalent de la bière comme du petit lait . Ils me regardent quand je demande un coca. La bière çà me fait dormir , c'est vraiment pas le moment .
Loreley : concert en plein air . Je suis devant . L'homme-aux-cheveux-gris ouvre les boites à guitare du premier rang . Est-ce qu'il cherche une bombe ? Pas besoin d'une bombe pour tuer un homme ; enfermez-le dans sa solitude et il se détruit lui-même . Le gars me demande si je ne suis pas fatiguée de voir Dylan . Est-ce que je n'aimerais pas Bruce Springsteen ? Non , mais pour qui il me prend ce type ? Une groupie de Rock and Roll stars ? J'ai assez à faire à essayer de comprendre celui-là , je n'en veux pas d'autre merci . Est-ce qu'ils le comprennent au moins tous ces parasites ? Même pas . Ce mec a le culot de me refiler un badge périmé , " en souvenir " qu'il me fait . Il me demande mon adresse " on t'enverra une photo dédicacée " . Je vois Rory Gallagher à la sortie . Quelques jeunes lui demandent un autographe . Je ne bronche pas . Je l'aime bien pourtant Rory . Je l'ai vu deux fois . Super , super . Mais le King est déjà parti . Je suis désolée pour Gallagher .
Je suis furieuse ; le public était moche ce soir ; moi je prenais mon pied en chantant . Ils me regardaient comme si j'avais été une bête sauvage .
Je monte ma tente . On se croirait à Woodstock , l'esprit de la fraternité en moins . Une mascarade . J'avais quand même collé ce foutu badge sur mon pantalon et du coup j'ai eu droit à quelques considérations ; on me comprenait quand je parlais anglais ; on me servait gentiment un coca . Faut-il être con!
Je fais du stop pour redescendre la colline . Trente bagnoles passent ; pas une ne s'arrête ; " do you have any love to share ? " quel foutu esprit ! Je crois encore à des choses comme la pureté , l'innocence ou la Tendresse mais où se cachent-elles ? Je pense à mon chouchou . Combien seul doit-il être ! quelle force intérieure doit-il posséder! Je hais la popularité qui le fait inaccessible . mais sans elle je ne l'aurais jamais connu ; cercle vicieux ; on est personne et on se bat pour être quelqu'un ; plus connu on devient , plus de " fans " on a ; plus on a de " fans " plus il faut se cacher d'eux Plus de gens nous entourent moins on a d'amis sur qui compter . Qui faut-il croire quand on est riche et si influent ? Influençable aussi.
XIV
Munich : je prends un grand petit déjeuner après une bonne nuit de sommeil dans le train . La nuit dernière à Manheim , j'étais au premier rang , debout pendant trois heures et çà poussait et çà poussait derrière ! j'avais les jambes comme du coton , mais j'ai tenu le coup . Il y avait pas mal de GI's en civil .
J'emprunte les jumelles de mon voisin et vois Dylan en gros plan . Il me voit aussi et recule de deux pas , les yeux dans le vague, sans grimace . Il regarde les choristes assez souvent et surtout Klydie comme s'il cherchait un réconfort . Le public est bon , réchauffé par les gourdes de bière , de shnaps et de rhum . Quelques mouvements d'humeur aussi ; on s'écrase sur les barrières au premier rang . C'est égal , l'ambiance est bonne , sauf qu'ils sifflent les gospels . Cela se termine sans incident et je sors juste à temps pour voir le bus s'éloigner . Aménagé comme un hôtel avec même la télé . Je me dirige vers la gare et rencontre quatre français de Stasbourg qui ont fait du stop pour venir voir Dylan . Ils me racontent que l'un d'eux s'est fait arrêter à l'entrée par la police et fouillé . Ils ne peuvent pas nous fiche la paix ceux-là . Ce n'est pas en ramassant deux , trois joints lors d'un concert de rock qu'ils stopperont quoi que ce soit . C'est juste histoire de nous casser les pieds . A une heure du matin re-flics à la gare où l'on demande nos billets de train . Les copains n'en ont pas . " ce n'est pas un hôtel sortez !" On s'en est aperçu que ce n'était pas un hôtel ; il fait glacial . Dehors c'est pire , il pleut . Je crois bien qu'ils ne reviendront plus . Dommage pour Bob . Et mort aux vaches!
Munich , c'est une grande ville . Je hais les grandes villes . Il y a des parasites partout , du désespoir plein les rues et des criminels aux aguets , pas du genre Anars idéalistes , non , juste de pauvres cloches qui me tueraient , moi qui n'ai presque rien , pour me piquer mon sac à dos . La honte d'une société soi-disant civilisée .
Il tombe des cordes . Une pluie drue qui vous pénètre jusqu'aux os du premier coup . Le show est à l'Olympia Hallen , l'immense truc moderne qu'ils avaient construit pour les jeux olympiques . Il n'y a pas un chat . Avec un temps pareil !Je vais chercher mon billet à la caisse située complètement à l'opposée . Je suis trempée quand je rentre dans un café pour prendre quelque chose de chaud , c'est moins deux que le serveur ne me mette à la porte .
A 20h30 je me pointe à l'entrée des artistes , et là miracle ! Le gars responsable de la sécurité du Boss me reconnaît et me fait entrer dans les coulisses . Il me conduit directement juste en face de la scène et me recommande de ne plus acheter de billets , il me laissera rester à l’œil . Je suis si contente que j'ai envie de l'embrasser ce colosse Il s'appelle Jim Gallaghan , et jamais je n'aurais pensé qu'un garde du corps puisse être si chouette . Un ange . Les gens autour me regarde avec mépris . Je les emmerde !
Le public est réservé . Peut-être parce que c'est une grande ville et qu'ils en ont vu d'autre . Le concert est de plus en plus tronqué ; plus de gospel en entrée , plus de paroles entre les chansons ; c'est une course de vitesse . Mais Bob est de bonne humeur , il sourit même et sautille sur scène . A la fin soudain , Meyers me reconnaît - il était aussi le road manager en 79 , c'est lui qui devait me donner les vingt dollars que j'avais refusés - de toute façon il n'y a rien à attendre , c'est un manager paranoïaque .
A la sortie je salue le bus et la compagnie sous une pluie battante . Je sais ce qui m'attend , c'est une nuit à la belle étoile . Rien pour planter ma tente . A quatre , avec d'autres paumés ; nous confectionnons un lit de fortune par terre . A quatre heures du matin nous nous réveillons , trempés , non par la pluie mais par un tourniquet d'eau q'un imbécile a branché pour nous fait déguerpir . Arroser par un temps pareil ! Quelle bonne blague ! Mon sac de couchage est imbibé d'eau . Merde, merde, merde!A six heures nous nous retrouvons tous pour un petit déjeuner au buffet de la gare .
Je flâne dans Munich et achète un souvenir pour dear Bobby -qu'il ne recevra probablement pas - . De toute façon on lui fait parvenir tant de trucs qu'il lui faudrait un coffre exprès pour tout ramener au pays . Tant pis, çà me fait plaisir à moi .
Ce soir je vois le concert gratuitement . A ma grande déception , je ne suis pas la seule . Puisqu'ils m'ont repéré depuis longtemps comment se fait-il qu'ils ne m'aient pas aidée avant ? Qu'est-ce que cela leur coûte de m'ouvrir la porte ? Il est vrai aussi que je n'ai rien demandé . Je n'ai pas voulu pousser . Il m'aurait suffit de passer quelques nuits avec quelques gars . Mais je ne voulais pas être comme cette fille durant la " Rolling Thunder Review " qui disait : " Merde!combien faut-il que j'en baise pour arriver à Dylan? " . Probablement tous , et d'arriver à Bob elle n'était même pas sûre . Cà je le savais bien .
Bob présente sur scène une jeune chanteuse de seize ans . Après sa chanson il demande s'il n'y aurait pas un producteur qui serait intéressé. Moi la chanson , je ne la trouve pas terrible .
Il a l'air terriblement concerné par sa sécurité , de la scène entrent deux chansons , il fait signe à un gars de la sécurité de surveiller une fille devant . Est-ce qu'il croît qu'elle braque un revolver? Décidément les caisses de guitare à Lorely , la fouille à Manheim et maintenant Munich . Aurait-il reçu des menaces ? Il est vrai que l'assassin de Lennon n'est pas si vieux .
Dans l'après-midi , question d'éviter la pluie , j'étais rentrée dans la piscine Olympique et j'y ai rencontré un américain en vacances qui , lui , était un fan de Bruce Springsteen . Il avait même fait le voyage New-York-Munich pour le voir outre-atlantique . Je pensais sur le moment « ils sont fous ces américains ! » IL me raconte que Bruce est super chouette , qu'il discute avec ses fans après les concerts , que l'on peut le rencontrer dans les cinémas de quartier et qu'il s'est même fait inviter par la mère d'un de ses fans. Un anti-Dylan quoi! Moi , Springsteen je le prends surtout pour un maniaque des bagnoles américaines , jusqu'où ira-t-il avec ses Cadillac ? En tout cas un nouveau Dylan , certainement pas . Tout juste un Bruce Springsteen .
Je ne serai jamais contente ; je rentre gratuitement maintenant , cela me sauve beaucoup d'argent . Pourtant je m'en fiche , avec le si peu que j'avais jusqu'à maintenant je m'en suis tirée . A passer toutes les nuits dehors et à manger sur le pouce , j'ai du fric pour acheter les billets jusqu'à la fin . C'était devenu tellement une habitude de fouiner un billet . J'aurais préféré que ce soit le patron lui-même qui m'invite , comme à San Francisco où Meyers m'avait dit : " c'est un billet de Bob , personnellement " ou bien à Santa Monica où il m'avait dit " sure , I'll get you one " . Là c'est à Jim que je dois tout , quoi que rien , puisqu'il m'a dit " tu sais moi , de te faire rentrer gratis , cela ne me coûte rien " , bien sûr , mais c'est le ( bon ) geste qui compte . Une porte qui s'ouvre est tellement plus agréable qu'une porte qu'on vous claque au nez .
Bob est d'une humeur massacrante ce soir . Son arrogance est telle qu'il en a l'air horrible . Le diable en personne . Je n'aurais pas voulu être dans les parages.
La gare est fermée . Merde! même à Munich . Je cherche vainement le sommeil sur le siège avant d'un van . IL fait froid . Je suis à bout " you look so fine first , and then just like a ghost " .
Le train démarre à 6h45 après un petit déjeuner sur le pouce . Et c'est reparti . J'ai un compartiment pour moi toute seule et en profite pour étendre mon linge jusqu'à ce que des connards arrivent . On partage ?
XV
Vienne 12h . Je fais une rapide toilette avant de faire un petit tour en ville . Visite touristique commentée . Ils nous expliquent qu'il y a 360 églises , une pour chaque jour . Nous visitons le château de Schönbrunn avec tout l'historique . Je ne me souviens de rien , sauf qu'il était beau ce château . Cela me fait quelque chose de voir tant de richesses pour les Rois et les Reines quand les paysans .. Et ce n'est pas QUE de l'histoire . Pas grand chose n'a changé sinon les cours et les fêtes .
Playboy : " Que pensez-vous de la relation de l'artiste avec l'argent ? "
Bob Dylan : " Le mythe de l'artiste qui meurt de faim est un mythe . Les grands banquiers et les grandes Dames qui achètent l'Art l'ont commencé . Ils veulent tout juste garder les artistes sous leur pouce . Qui a dit qu'un artiste ne doit pas avoir d'argent ? Regardez Picasso . L'artiste qui meurt de faim, meurt de faim pour ceux qui autour de lui le veulent . Vous n'avez pas à mourir de faim pour être un bon artiste . Vous avez juste besoin d'Amour, de vue intérieure , et d'un fort point de vue . Et vous devez combattre la dépravation . Le non-compromis . Regardez Matisse, c'était un banquier . De toute façon il y a d'autres choses qui font la richesse que l'argent ou la pauvreté ."
Aucun artiste n'a décidé de mourir de faim de son bon vouloir . Mais tout le monde sait bien que Dylan est un bon artiste doublé d'un homme d'affaires. Qu'il fasse bon usage de son argent .
Un nouveau stade ? Bob n'aura jamais été aussi sportif , ou bien la location est-elle moins chère ? C'est petit , peut-être 10 000 personnes . Jim , mon copain, m'a laissé passer au premier rang . Je fais si bien que Bob -enfin - me reconnaît et me salue . C'est à dire qu'il me pointe du doigt , façon de dire : " toi , je t'ai déjà vue quelque part " .
A la sortie , le chauffeur du car évite en catastrophe un fan qui se met presque sous le bus . Qu'est-ce que j'ai pût rencontrer de détraqués ! On me demande si je prends des photos . Ah non alors ! je ne suis pas une de ces fans du clic clic , moi c'est la musique que j'aime , les souvenirs sont dans ma tête , que je dépose sur du papier dans mes moments de solitude . Ils doivent me trouver " pas normale " moi c'est eux que je trouve " en dehors " !
Je réalise que ce que je voudrais c'est être de l'autre côté de la barricade , sur scène , pour leur gueuler qu'ils ne sont que des robots englués dans leur train train quotidien .
Je traîne dans Vienne , mon train n'est qu'à 20h10 ? Je rentre dans l'église St Stephan . Pourquoi celle-là plutôt qu'une autre ? je brûle un cierge à Bobby . D'habitude, " j'emprunte " les cierges pour m'éclairer . Mais là soudain , " l'esprit " me tombe dessus , et je prie quelqu'un , quel qu'il soit , de protéger cet homme qui en a tant besoin . De lui donner santé et énergie et aussi un peu de bonheur qu'il mérite bien . Cela aurait été une synagogue ou un temple bouddhiste, j'aurais fait la même prière , je l'ai faite tant de fois juste en regardant les étoiles .
" May God bless and keep you always and may you stay forever young " .
Je m'allonge un moment dans un parc avant de me frayer une place dans un train bondé . Mon voisin se propose pour un mariage et il m'emmènera au Maroc , le plus beau pays du monde . Il n'y a pas de " plus beau pays du monde " . Des gens " beaux " et des gens " laids " . Un bon cœur n'a ni patrie , ni couleur , ni sexe , ni religion . Et puis pourquoi pas sur la lune ? Je décline l'invitation mais ne m'endors pas moins sur son épaule .
XVI
9h45 Basel , Suisse . Il pleut , il pleut . Mon dieu ! le déluge!-déjà- Je n'ai pas d'imperméable . Je rentre dans un magasin, en choisis un et ressort avec , ni vue ni connue . J'achète du chocolat , c'est la Suisse et c'est cher . Je m'assois à la terrasse d'un café et aperçois entre les gouttes Steve Ripley , le guitariste . Je le suis jusqu'à l'entrée d'un grand hôtel; c'est l'antre du tigre . Je lui achète des roses rouges - fleur du poète, symbole du sexe féminin - et les donne à l'un des gars pour Bob . Le gars est TRES content de me voir ressortir , il a si peur que je tombe sur le Boss lui-même. Je n'aime pas ce mec : glacial , avec des lunettes noires - pour cacher son hypocrisie ? –
Je file le long de l'hôtel et emprunte un grand pont . Je m'arrête là et regarde les flots ; vide . Quand je me retourne je vois l'homme aux-cheveux-gris-, le photographe et Bob au milieu qui me sourit ; bonnet de laine, blouson de nylon noir et vieux jeans effrangés , un parapluie de bois au bras . Il me demande si je suis contente de mon voyage et si je comprend l'anglais . (? ) . Je m'étouffe à moitié en lui répondant " oui , bien sûr " - quelle question .A-t-il jamais reçu mes notes , mon courrier au studio, ne se rappelle-t-il pas que je lui ai parlé à Paris , à San Francisco , à Santa Monica ? Ou bien est-ce seulement une façon de dire quelque chose comme à San Francisco où regardant mes basquettes il m'avait étrangement fait cette remarque " j'ai les même depuis cinq ans" .
En tout cas il ne semble pas ennuyé du tout de me voir , et j'en suis contente . Est-ce que ma patience paierait un peu ? Forcément j'essaie de le suivre à distance . L'imbécile de gars à lunettes noires me menace " arrêtes ou tu vas le faire repérer " . Personne ne fait attention à nous , j'aurais pu ameuter toute la rue , mais sagement - pour Bob - je me retire et retourne à la porte de l'hôtel . Il finira bien par revenir . J'avale ma colère . Ce mec, je lui aurais foncé dans le lard . Quelle merde ! J'avais la chance de faire un petit bout de route avec Dylan de loin , oui, mais pour moi quelle extase ! S'arrêter où il s'arrête , regarder ce qu'il regarde, etc. J'en sui là , perdue dans mes pensées , quand je vois ce C. revenir suivi du Roi . Il me touche de son parapluie et siffle doucement pour me faire relever la tête . Il me sourit encore . Je fonds ; je me sens comme une toute petite fille à qui un Prince charmant a donné un bonbon . IL rentre, je reste assise . Peut-être ai-je loupé ma chance , si je lui avais dit " Bob , puis-je te parler un moment ? " . M'aurait-il invité au bal ? Il aurait probablement montré sa face d'homme d'affaires et m'aurait répondu " j'ai beaucoup à faire " .
Je retrouve Jim le soir et Willy qui rigole de penser que je suis à tous les concerts , et Steve qui me demande mon badge , Patrick le manager de la tournée me salue . Je suis repérée , ils sont soudain devenus humains . Touchez le Roi et la cour est à vos pieds .
Je suis devant et je danse et je chante . Le public , je l'emmerde! Je me sens de l'autre côté . Mon dieu qu'il fait bon .
Bob met ses lunettes à la fin et me reconnaît . Jim en toute confiance me donne le nom et le numéro de téléphone de l'hôtel d'Avignon . Je dois le contacter là-bas . Il me recommande cependant de me taire , tant du côté du public que du côté de la sécurité . C'est juste entre lui et moi , il risque gros . Je sors le cœur léger et l'esprit satisfait et je fais au revoir au bus qui s'éloigne ?. Ce geste je le fais depuis le début , sans arrière pensée . La foule est si dense que je dépasse le bus en marchant . Soudain quelqu'un m'appelle par mon nom , la porte avant du car est ouverte et l'on m'invite à monter . Je n'y crois pas mais je grimpe quand même . Bob est assis trois rangs en arrière sur la droite côté aile . Lunettes noires , stoïque , il me dit : " nous te conduirons où tu veux , ton hôtel " , je fais " oh non ! seulement la gare " . Apparemment il ne sait rien de ma galère . Je m'assoie à gauche , deux rangs devant lui . Je lui tourne le dos . Les gars qui ont peut-être peur que je me retourne pour discuter commencent à bafouiller n'importe quoi . Je leur dis que Jim est un Ange , que je suis Gitane ... Et Bob qui est si près et si loin . Ils me descendent finalement à l'hôtel " des trois rois " . Je dis au revoir à Bob . " Au revoir " me répond-il sèchement . Il m'avait déjà oubliée ? Je rejoins à pieds la gare qui est ...fermée . A six heures je récupère mon sac de couchage et m'allonge par terre . les flics me secouent . Ah oui! Je connais . Comment se fait-il qu'il y ait autant de flics dans les gares pour secouer les paumés du petit matin ? M'étonne pas qu'il y ait un trou dans le budget national !
" May God bless and keep you always and may you stay forever young " .
Je m'allonge un moment dans un parc avant de me frayer une place dans un train bondé . Mon voisin se propose pour un mariage et il m'emmènera au Maroc , le plus beau pays du monde . Il n'y a pas de " plus beau pays du monde " . Des gens " beaux " et des gens " laids " . Un bon cœur n'a ni patrie , ni couleur , ni sexe , ni religion . Et puis pourquoi pas sur la lune ? Je décline l'invitation mais ne m'endors pas moins sur son épaule .
XVI
9h45 Basel , Suisse . Il pleut , il pleut . Mon dieu ! le déluge!-déjà- Je n'ai pas d'imperméable . Je rentre dans un magasin, en choisis un et ressort avec , ni vue ni connue . J'achète du chocolat , c'est la Suisse et c'est cher . Je m'assois à la terrasse d'un café et aperçois entre les gouttes Steve Ripley , le guitariste . Je le suis jusqu'à l'entrée d'un grand hôtel; c'est l'antre du tigre . Je lui achète des roses rouges - fleur du poète, symbole du sexe féminin - et les donne à l'un des gars pour Bob . Le gars est TRES content de me voir ressortir , il a si peur que je tombe sur le Boss lui-même. Je n'aime pas ce mec : glacial , avec des lunettes noires - pour cacher son hypocrisie ? –
Je file le long de l'hôtel et emprunte un grand pont . Je m'arrête là et regarde les flots ; vide . Quand je me retourne je vois l'homme aux-cheveux-gris-, le photographe et Bob au milieu qui me sourit ; bonnet de laine, blouson de nylon noir et vieux jeans effrangés , un parapluie de bois au bras . Il me demande si je suis contente de mon voyage et si je comprend l'anglais . (? ) . Je m'étouffe à moitié en lui répondant " oui , bien sûr " - quelle question .A-t-il jamais reçu mes notes , mon courrier au studio, ne se rappelle-t-il pas que je lui ai parlé à Paris , à San Francisco , à Santa Monica ? Ou bien est-ce seulement une façon de dire quelque chose comme à San Francisco où regardant mes basquettes il m'avait étrangement fait cette remarque " j'ai les même depuis cinq ans" .
En tout cas il ne semble pas ennuyé du tout de me voir , et j'en suis contente . Est-ce que ma patience paierait un peu ? Forcément j'essaie de le suivre à distance . L'imbécile de gars à lunettes noires me menace " arrêtes ou tu vas le faire repérer " . Personne ne fait attention à nous , j'aurais pu ameuter toute la rue , mais sagement - pour Bob - je me retire et retourne à la porte de l'hôtel . Il finira bien par revenir . J'avale ma colère . Ce mec, je lui aurais foncé dans le lard . Quelle merde ! J'avais la chance de faire un petit bout de route avec Dylan de loin , oui, mais pour moi quelle extase ! S'arrêter où il s'arrête , regarder ce qu'il regarde, etc. J'en sui là , perdue dans mes pensées , quand je vois ce C. revenir suivi du Roi . Il me touche de son parapluie et siffle doucement pour me faire relever la tête . Il me sourit encore . Je fonds ; je me sens comme une toute petite fille à qui un Prince charmant a donné un bonbon . IL rentre, je reste assise . Peut-être ai-je loupé ma chance , si je lui avais dit " Bob , puis-je te parler un moment ? " . M'aurait-il invité au bal ? Il aurait probablement montré sa face d'homme d'affaires et m'aurait répondu " j'ai beaucoup à faire " .
Je retrouve Jim le soir et Willy qui rigole de penser que je suis à tous les concerts , et Steve qui me demande mon badge , Patrick le manager de la tournée me salue . Je suis repérée , ils sont soudain devenus humains . Touchez le Roi et la cour est à vos pieds .
Je suis devant et je danse et je chante . Le public , je l'emmerde! Je me sens de l'autre côté . Mon dieu qu'il fait bon .
Bob met ses lunettes à la fin et me reconnaît . Jim en toute confiance me donne le nom et le numéro de téléphone de l'hôtel d'Avignon . Je dois le contacter là-bas . Il me recommande cependant de me taire , tant du côté du public que du côté de la sécurité . C'est juste entre lui et moi , il risque gros . Je sors le cœur léger et l'esprit satisfait et je fais au revoir au bus qui s'éloigne ?. Ce geste je le fais depuis le début , sans arrière pensée . La foule est si dense que je dépasse le bus en marchant . Soudain quelqu'un m'appelle par mon nom , la porte avant du car est ouverte et l'on m'invite à monter . Je n'y crois pas mais je grimpe quand même . Bob est assis trois rangs en arrière sur la droite côté aile . Lunettes noires , stoïque , il me dit : " nous te conduirons où tu veux , ton hôtel " , je fais " oh non ! seulement la gare " . Apparemment il ne sait rien de ma galère . Je m'assoie à gauche , deux rangs devant lui . Je lui tourne le dos . Les gars qui ont peut-être peur que je me retourne pour discuter commencent à bafouiller n'importe quoi . Je leur dis que Jim est un Ange , que je suis Gitane ... Et Bob qui est si près et si loin . Ils me descendent finalement à l'hôtel " des trois rois " . Je dis au revoir à Bob . " Au revoir " me répond-il sèchement . Il m'avait déjà oubliée ? Je rejoins à pieds la gare qui est ...fermée . A six heures je récupère mon sac de couchage et m'allonge par terre . les flics me secouent . Ah oui! Je connais . Comment se fait-il qu'il y ait autant de flics dans les gares pour secouer les paumés du petit matin ? M'étonne pas qu'il y ait un trou dans le budget national !
XVII
Huit heures de train jusqu'à Avignon . C'est la foule . Des milliers de gens . Pour Bob ? Je téléphone à Jim . Il sera là à 23h me répond-on spontanément . Ils ne sont pas à cheval sur la sécurité . Cela aurait pu être un imbécile de journaliste . En plus le bus des roadies est parqué juste devant . Quelle discrétion !Des freaks qui passent à côté flippent ; " c'est l'hôtel de Dylan " . Je trouve un camping et "oublie " de passer à la caisse . Je reviens à l'hôtel vers 22h30 . Le photographe est là . Il essaie d'abord de me faire marcher en me disant de ne pas traîner par là car le concert n'a pas lieu là . Et puis il se ravise et vient me parler gentiment . Il me dit que Bob est bloqué à la gare et qu'avec tout ce cirque , les musiciens , les valises , il a peur de se faire repérer . Moi je pense que s'il porte un bonnet de laine , c'est plutôt sûr , il fait bien 40 ici . Il continue
« Bob apprécie ce que tu fais, tu suis la tournée et vois tous les concert sans chercher à contacter l'homme lui-même , sans demander de billet , ni de place dans le bus , depuis 19 ans , c'est la première fois que l'on voit cela . ». Et puis tu sais avant de te laisser approcher , nous t'avons bien étudiée - à bon!parce qu'ils m'ont laissé approcher? - Bob apprécie . ( Bob ou l'entourage ) . « Il apprécie quand sur le pont du bateau tu ne l'as pas dérangé , il avait besoin d'un peu d'intimité . ». Si j'avais fait quoi que ce soit de toute façon ils étaient trois à me sauter dessus . Mais je ne suis pas con . J'avais compris pour l'intimité . Je n'ai rien fait par respect pour l'homme . Il me répète à quatre reprises " Bob apprécie " . Bob ou l'entourage ? Parce que Bob un ticket de plus ou de moins qui part en douce sans rentrer dans la caisse , il s'en fiche . Il m'en a bien filé des tickets avant , alors ? Un petit tour dans le bus ? Oui cela m'aurait sauvée beaucoup de temps et de peine . Mais en réfléchissant : voyager avec des abrutis pareils ? non merci ! je préfère encore ma solitude et mes pensées vagabondes . Une tasse de thé mon chou , çà je n'aurais pas refusé . Un jour peut-être ? Mais je pense fermement que le meilleur de Dylan c'est quand il est sur scène , nu comme un ver et si méchamment pur !
Il arrive enfin , me salue avec son pépin et un sourire que l'on ne peut oublier : franc et chaleureux , qui vous chavire le cœur . Je retrouve mon Prince Gallaghan qui me demande de faire des courses pour ses deux filles . Il me refile une poignée de billets de 100F pour acheter des T-shirts . Est-il naïf ou a-t-il entièrement confiance en moi? Un Ange ce gars ! " What's a sweet heart like you doin' in a dump like this ? " .
C'est le festival d'Avignon . Ces milliers de touristes ne sont pas tous pour Bob . Je parcours les stands , rencontre Fred , Steve , Jim Keltner - le batteur- mais de Bob , point ! Est-il super-déguisé ou a-t-il peur de se faire repérer par tous ces '" hippies " . Je n'ai jamais vu autant de routards , de mendiants , clodos , passeurs , fumeurs ...Dylanics Avignon est une jolie ville . Dommage qu'il doive être séquestré . Le temps est super mais un " vent idiot " souffle .
A trois en direction du stade , on se partage un casse-croûte . Jim me cherche partout en vélo et me fait entrer au premier rang . On me regarde d'un sale oeil . Le stade est déjà archi comble . Je mens en disant qu'on va me filer " un passe ". Deux accords de la bande et paf ! plus d'électricité . Sans paniquer les musiciens récupèrent des percussions et commencent à faire patienter la foule . Dylan ne semble pas en colère . Pourtant il quitte la scène après une demie-heure . Mr Président déclare qu'il y a eu un court-circuit ( quelqu'un s'est fait électrocuter ) . Par la presse j'apprendrai que c'est un dingue qui a grimpé le long du grillage pour entrer sans payer et qu'il a touché le câble à haute tension . Cette nuit là aussi une jeune fille se tuera en faisant une chute mortelle ! A qui la responsabilité ? N'aurait-on pas besoin ici des flics qui vous dérangent dans les gares ? Non que je sois contre les passages gratuits , mais pas au risque de sa vie quand même . Une heure après c'est reparti .0n pousse derrière , des gens s'évanouissent et le son est pourri . Les Français ne sont décidément pas gâtés . Je fonce dehors avec un cadeau d'adieux pour Bob . Ils sont déjà partis . Merde! J'ai bien peur qu'ils ne soient allés directement à l'aéroport et j'ai loupé l'adieu . Je téléphone à Jim . Il n'est pas là , demain , il veut être réveillé à 7h . Je n'ai rien demandé mais cette précision tombe bien . Je me réveille , ai-je dormi ? Il est six heures . Je pars à l'hôtel et retrouve Jim dans l'entrée . " Est-t-ce que je pourrai dire au revoir à Bob ? " " je ne pense pas , il part dans cinq minutes " . Quand Bob apparaît, il offre une veste en cuir à Jim , qui lui, me donne son " passe " de coulisses en souvenir . Je demande à Bob s'il accepte de prendre mon cadeau " oui , merci " . Timidement il tourne la tête , on dirait qu'il ne sait pas trop où se fourrer , il me fait face à nouveau: " qu'est- ce que tu vas faire maintenant ? " dit-il doucement , " je ne sais pas " . L'atmosphère est étrange . On dirait un fantôme prêt à s'évanouir , un homme vaporeux , irréel , inaccessible , imprévisible , incompréhensible .
Huit heures de train jusqu'à Avignon . C'est la foule . Des milliers de gens . Pour Bob ? Je téléphone à Jim . Il sera là à 23h me répond-on spontanément . Ils ne sont pas à cheval sur la sécurité . Cela aurait pu être un imbécile de journaliste . En plus le bus des roadies est parqué juste devant . Quelle discrétion !Des freaks qui passent à côté flippent ; " c'est l'hôtel de Dylan " . Je trouve un camping et "oublie " de passer à la caisse . Je reviens à l'hôtel vers 22h30 . Le photographe est là . Il essaie d'abord de me faire marcher en me disant de ne pas traîner par là car le concert n'a pas lieu là . Et puis il se ravise et vient me parler gentiment . Il me dit que Bob est bloqué à la gare et qu'avec tout ce cirque , les musiciens , les valises , il a peur de se faire repérer . Moi je pense que s'il porte un bonnet de laine , c'est plutôt sûr , il fait bien 40 ici . Il continue
« Bob apprécie ce que tu fais, tu suis la tournée et vois tous les concert sans chercher à contacter l'homme lui-même , sans demander de billet , ni de place dans le bus , depuis 19 ans , c'est la première fois que l'on voit cela . ». Et puis tu sais avant de te laisser approcher , nous t'avons bien étudiée - à bon!parce qu'ils m'ont laissé approcher? - Bob apprécie . ( Bob ou l'entourage ) . « Il apprécie quand sur le pont du bateau tu ne l'as pas dérangé , il avait besoin d'un peu d'intimité . ». Si j'avais fait quoi que ce soit de toute façon ils étaient trois à me sauter dessus . Mais je ne suis pas con . J'avais compris pour l'intimité . Je n'ai rien fait par respect pour l'homme . Il me répète à quatre reprises " Bob apprécie " . Bob ou l'entourage ? Parce que Bob un ticket de plus ou de moins qui part en douce sans rentrer dans la caisse , il s'en fiche . Il m'en a bien filé des tickets avant , alors ? Un petit tour dans le bus ? Oui cela m'aurait sauvée beaucoup de temps et de peine . Mais en réfléchissant : voyager avec des abrutis pareils ? non merci ! je préfère encore ma solitude et mes pensées vagabondes . Une tasse de thé mon chou , çà je n'aurais pas refusé . Un jour peut-être ? Mais je pense fermement que le meilleur de Dylan c'est quand il est sur scène , nu comme un ver et si méchamment pur !
Il arrive enfin , me salue avec son pépin et un sourire que l'on ne peut oublier : franc et chaleureux , qui vous chavire le cœur . Je retrouve mon Prince Gallaghan qui me demande de faire des courses pour ses deux filles . Il me refile une poignée de billets de 100F pour acheter des T-shirts . Est-il naïf ou a-t-il entièrement confiance en moi? Un Ange ce gars ! " What's a sweet heart like you doin' in a dump like this ? " .
C'est le festival d'Avignon . Ces milliers de touristes ne sont pas tous pour Bob . Je parcours les stands , rencontre Fred , Steve , Jim Keltner - le batteur- mais de Bob , point ! Est-il super-déguisé ou a-t-il peur de se faire repérer par tous ces '" hippies " . Je n'ai jamais vu autant de routards , de mendiants , clodos , passeurs , fumeurs ...Dylanics Avignon est une jolie ville . Dommage qu'il doive être séquestré . Le temps est super mais un " vent idiot " souffle .
A trois en direction du stade , on se partage un casse-croûte . Jim me cherche partout en vélo et me fait entrer au premier rang . On me regarde d'un sale oeil . Le stade est déjà archi comble . Je mens en disant qu'on va me filer " un passe ". Deux accords de la bande et paf ! plus d'électricité . Sans paniquer les musiciens récupèrent des percussions et commencent à faire patienter la foule . Dylan ne semble pas en colère . Pourtant il quitte la scène après une demie-heure . Mr Président déclare qu'il y a eu un court-circuit ( quelqu'un s'est fait électrocuter ) . Par la presse j'apprendrai que c'est un dingue qui a grimpé le long du grillage pour entrer sans payer et qu'il a touché le câble à haute tension . Cette nuit là aussi une jeune fille se tuera en faisant une chute mortelle ! A qui la responsabilité ? N'aurait-on pas besoin ici des flics qui vous dérangent dans les gares ? Non que je sois contre les passages gratuits , mais pas au risque de sa vie quand même . Une heure après c'est reparti .0n pousse derrière , des gens s'évanouissent et le son est pourri . Les Français ne sont décidément pas gâtés . Je fonce dehors avec un cadeau d'adieux pour Bob . Ils sont déjà partis . Merde! J'ai bien peur qu'ils ne soient allés directement à l'aéroport et j'ai loupé l'adieu . Je téléphone à Jim . Il n'est pas là , demain , il veut être réveillé à 7h . Je n'ai rien demandé mais cette précision tombe bien . Je me réveille , ai-je dormi ? Il est six heures . Je pars à l'hôtel et retrouve Jim dans l'entrée . " Est-t-ce que je pourrai dire au revoir à Bob ? " " je ne pense pas , il part dans cinq minutes " . Quand Bob apparaît, il offre une veste en cuir à Jim , qui lui, me donne son " passe " de coulisses en souvenir . Je demande à Bob s'il accepte de prendre mon cadeau " oui , merci " . Timidement il tourne la tête , on dirait qu'il ne sait pas trop où se fourrer , il me fait face à nouveau: " qu'est- ce que tu vas faire maintenant ? " dit-il doucement , " je ne sais pas " . L'atmosphère est étrange . On dirait un fantôme prêt à s'évanouir , un homme vaporeux , irréel , inaccessible , imprévisible , incompréhensible .
On te suit dans tes rêves brumeux pour se retrouver dans un monde de nuages rien n'est réel . Tu nous fais prendre la route à la recherche de valeurs qui n'existent pas , des sentiments avec lesquels on ne peut pas se battre . Tu nous montres un chemin puis tu nous fais douter , tu nous entraînes dans le labyrinthe de tes pensées . Ont-ils raison ceux qui te prennent pour un imposteur ? Je ne pense pas . Mais cela leur donne une bonne excuse pour garder un pied dans la réalité , leur réalité , la réalité de tous les jours avec laquelle il nous faut vivre parce que nous ne sommes pas Bob Dylan .
Pour comprendre quelqu'un il faut se mettre dans ses pompes . Ou tu meurs pare qu'il est impossible d'être quelqu'un d'autre que toi-même ou si tu en reviens tu es définitivement touché . Tu n'as pas atteint ton but et tu ne peux pas revenir à ton point de départ . Tu flottes entre le génie et la médiocrité , entre un monde qui n'appartient qu'aux " grands " et un monde de réalités quotidiennes . Ceux qui se retrouvent en asile sont ceux qui n'ont jamais réalisé leur rêve tout en refusant la réalité .
Bob ( ou son fantôme ) sautille de l'hôtel au bus qui l'attend à la porte ; silhouette fragile et nerveuse . Klydie rentre dans le bus , me salue de la main . Merci , c'est un geste très amical . Bob est debout près de Klydie et semble discuter . Quand le car démarre il me fait un salut de la main ? Adieu Bobby , ou au-revoir.
JE T'AIME ET J'AVAIS RAISON DE CROIRE EN TOI . CONTRE LA LEGENDE , CONTRE LE MYTHE, CONTRE LES SARCASMES ET LES RIRES , CONTRE LA VIOLENCE PHYSIQUE ET MORALE , CONTRE LE FROID , CONTRE LA FAIM , CONTRE LA PEUR , CONTRE LA FATIGUE , CONTRE LES LARMES , CONTRE L'INCOMPREHENSION ET L'INDIFFERENCE . DYLAN TU ES ET DYLAN TU RESTERAS .Pour comprendre quelqu'un il faut se mettre dans ses pompes . Ou tu meurs pare qu'il est impossible d'être quelqu'un d'autre que toi-même ou si tu en reviens tu es définitivement touché . Tu n'as pas atteint ton but et tu ne peux pas revenir à ton point de départ . Tu flottes entre le génie et la médiocrité , entre un monde qui n'appartient qu'aux " grands " et un monde de réalités quotidiennes . Ceux qui se retrouvent en asile sont ceux qui n'ont jamais réalisé leur rêve tout en refusant la réalité .
Bob ( ou son fantôme ) sautille de l'hôtel au bus qui l'attend à la porte ; silhouette fragile et nerveuse . Klydie rentre dans le bus , me salue de la main . Merci , c'est un geste très amical . Bob est debout près de Klydie et semble discuter . Quand le car démarre il me fait un salut de la main ? Adieu Bobby , ou au-revoir.
QUATRIEME PARTIE 1981 AMERIQUE NORD
I
Dans le train pour Paris , de nouveau sur la route pour Bob Dylan ? J'ai reçu une lettre de Carole , mon amie américaine , me disant que le Prince faisait une tournée au Canada et au Nord des Etas-Unis . Sans Hésiter , ne sachant même pas les dates des concerts, j'envoie un télégramme à la fois à Bob et à Carole , les informant que je les retrouverai au Canada . Je remballe mes chaussettes et saute dans le premier charter disponible pour Montréal , espérant y arriver à temps . Cette fois j'ai un peu d'argent avec moi et espère dormir et manger mieux que durant la tournée européenne . Je suis si heureuse qu'il soit à nouveau sur la route, je pourrai enfin le revoir . Mais je me demande pourquoi celle-ci . J'ai lu qu'il serait désespéré . Sur la route pour oublier
Paris : difficile de trouver une chambre . Je rencontre une fille qui accepte d'en partager une avec moi . Ce Mercredi 21 Octobre je me réveille en retard et avale un petit déjeuner en catastrophe . J'arrive à Roissy et attends . Une heure d'avion jusqu'à Londres , on change ; sept heures d'avion jusqu'à Montréal .
Montréal : je prends le bus jusqu'au centre et trouve l'auberge de jeunesse . J'achète Rolling Stone magazine pour savoir les dates de concert s. Rien sur Dylan . Me suis fait avoir ?
Jeudi: je rentre avec un attaché-case et à l'intérieur quelques " pirates" , quelques livres et un billet pour le 30 Octobre . Je suis heureuse , pourtant la journée avait mal commencé : Je m'étais retrouvée dans un quartier perdu , cela ressemblait aux bas quartiers de Chicago , noirs et sales . En regagnant l'avenue principale , je cherchais des affiches , mais , rien . Je commençais à me demander si Carole n'avait pas fait une erreur . Je rentrai dans une maison de disques et demandai si Dylan passait bien à Montréal . On me demanda si Dylan était un chanteur français! Quelques maisons plus loin , il y avait enfin quelqu'un qui me dirigea vers le Forum ou devait avoir lieu le spectacle . Comme il n'avait pas d'information sur Toronto , je décidais de m'y rendre .
Toronto : le 24 . Je suis arrivée hier à 17h , après six heures de traversée d'une campagne d'automne . Je trouve une chambre au Y.M.C.A. pour dix sept dollars , un peu chère mais confortable . Je réalise alors que l'on est vendredi soir et que tous les changes sont fermés jusqu'à lundi . Cà recommence ! Autour du théâtre, ils vendent des billets pour " Nazareth " . Je me fais informer que Dylan est probablement pour le 29 . Je suis confuse : Carole m'avait dit : Toronto, Kitchener , Ottawa et Montréal . Comme il sera à Montréal le 30 , il y a quelque chose qui ne va pas . Je ne me sentirai jamais tranquille ?
Toronto est une grande ville . Plus américaine qu'européenne d'aspect . Mais la mentalité serait plutôt européenne : ils courent , ils courent . Des cinémas avec des films bidons , ils parlent anglais et semblent bourgeois dans l'ensemble . Cela ne me plaît pas trop et je me confine dans ma chambre la plupart du temps .
Dimanche : je me lève tard et entre dans un cinéma où ils passent " quadrophénia " , " ladies and gentlemen " , " the Rolling Stone " et " Images devant mes yeux " documentaire sur la vie des Juifs polonais entre les deux guerres . En sortant je rencontre un Fan de Dylan qui m'invite chez lui . Je n'ai rien à faire , j'accepte . Il possède une collection incroyable de " pirates " que nous écoutons toute la nuit . Je rentre au matin pour trouver ma chambre fermée à clef car je n'avais pas payé la nuit dernière . Ils ne font pas d'histoire et ouvrent la porte . Ouf!;Je feuillette le livre " Bob Dylan , approximatively " de Stephen Pickering , ce chrétien qui s'est converti au judaïsme par amour pour son idole . Maintenant que Bob chante Jésus , je me demande ce que Stephen va devenir . Aussi " Bob Dylan : what happened " à propos de sa conversion- Bob a dit qu'il aimait ce livre ; qu'il disait la vérité - " Bob Dylan : the illustrated record " incroyable par ses photos . Egalement " le Talmud " " the passover haggada " et " Jew , God and history " sur l'histoire des Juifs à travers les temps . Je n'ai jamais tant étudié le Judaïsme depuis que Bob est ....Chrétien ! Je sus bien contente de lire que Jésus était un Juif du nom de Yeshu Ben Miriam ; que Frantz Kafka était juif ainsi que Karl Marx , Sigmund Freud , Spinoza , Albert Einstein , Trotsky , Marc Chagall Pour un peuple de douze millions d'individus , pas si mal !
Mercredi : Bob arrive demain , et ce jour me paraît interminable . Je gribouille quelques dessins mais je n'ai pas l'esprit ..
Jeudi : Il y a quelque affiches sur les murs et le programme est dingue : Toronto le 29 , Montréal le 30 ; Kitchener le 1- Kitchener se trouve au sud-est de Toronto - et Ottawa le 2 Novembre . J'espère que je ne louperai aucun bus car les distances sont longues et les dates rapprochées . Mon plan est de quitter le concert juste à la fin et d'attraper le bus-express de minuit et demi en direction de Montréal . Je me demande comment Bob et sa bande vont voyager . J'espère qu'ils ont un bus aménagé pour dormir dedans . Si vous saviez comme c'est pénible et fatiguant de voyager dans ces conditions ! et pour un gras de 40 balais qui doit se défoncer chaque soir , vous lui tireriez un grand coup de chapeau . Il est vrai aussi que cette atmosphère enfiévrée est propice à l'inspiration nécessaire à la création . C'est probablement à ce moment là qu'il écrit le mieux . Ce pourrait être aussi la fuite devant une vie de famille qui n'existe plus et c'est tellement habituel pour Bob . C'est dommage pour sa femme et ses enfants mais n'appartient-il pas aussi à son public ? Celui qui l'a fait ce qu'il est . Pourtant un public n'est ni caresses ni baisers et il faut être terriblement spirituel pour voir l'amour se cacher derrière les hourras et les bravos et quelques roses rouges . Tant de peine pour un moment de gloire !
Montréal : Vendredi . J'ai un mal d'estomac et n'ai pas dormi dans le bus . Sinon çà va !
Hier je tournais autour du " Maple Leaf " où le concert devrait avoir lieu . Qui vois-je descendre la rue ? Dylan lui-même flanqué d'un costaud que je prends pour un garde . Bob , bonnet de laine blanc , jacket en daim, jeans , lunettes noires, une barbe de deux jours . Je me retourne et le file . En se détournant subrepticement , il m'aperçoit . En l'espace d'un éclair il s'est planqué dans la porte d'une pizzeria. Je l'y suis . Lui et son gars sont planqués entre deux portes . Il tire sur une cigarette . Je suis un peu embarrassée de l'avoir coincé mais je ne peux plus reculer . Je dis : " puis-je te poser une question ? " Combien y aura-t-il de concerts au Canada ? " pas de réponse , il est de glace . Le gras répond : " pour ce que je sais , deux : Toronto et Kitchener " , " Montréal ? " " Oui " et " Ottawa " alors çà fera quatre concerts , je te verrai à tous , au revoir , merci " . je sors . Bob me suit du regard sans une grimace . Je m'éloigne vers la gauche , et fais demi-tour cinq minutes après , puis entre dans une pizzeria où je suis sûre que Bob a dîné . Je demande une pizza et fouille du regard autour . Personne . En sortant je retrouve mon copain d'hier qui me dit avoir filé Dylan jusqu'au Mac Donald et que Bob s'est fait apporter un hamburger et un coca-cola . Je commence à me poser des questions . Comment se fait-il qu'une star aussi riche que Dylan atterrisse dans un Mc Donald après être passé juste devant le théâtre où des gars vendent des billets pour Dylan , des badges de Dylan ...Pour voir si on le reconnaît ? - moi et mon copain fument les seuls à le voir - . Pour son propre ego ? Pour voir la foire que l'on fait autour de lui . Mais pourquoi s'est-il caché ? Ne se doutait-il pas que l'on puisse le reconnaître ? C'était sûrement le meilleur endroit pour cela . Quelle provocation!
Je piétine à la porte des coulisses et je vois un bus noir aux vitre fumées arriver . Je rencontre Meyers, le salue et lui demande combien de concerts il y aura au Canada . Il me réponds spontanément " Toronto , Montréal , Kitchener et Ottawa " . Alors quatre , j'avais raison . Je le remercie et m'éloigne .
Le spectacle est mauvais probablement parce que j'ai un mauvaise place à gauche de la scène , je n'entends même pas les paroles . Il n'y a plus de gospel . Il commence avec " gotta serve somebody " . Veste noire - il semble - pantalon noir , bottes noires; un Dylan si loin de l'adolescent fragile qu'il semble dans la rue . Je ne peux pas voir sa face ; il porte des lunettes noires de toute façon . " I believe in you " puis une série de vieilles chansons : " like a rolling stone " , " I want you " - sur un nouveau rythme -"girl from the north country " "a hard rain- a-gonna fall ""mister tambourine man " " maggie's farm ," a simple twist of fate" " masters of wars " " I'll be your baby tonight " -révisée -. Une coupure où Bob se recule en jouant de la guitare tandis que trois choristes chantent " where's the gambling man " . Et çà reprend avec des nouvelles " dead man dead man " " solid rock " - une version ralentie que je n'aime pas - " watered down love " " let it be me " avec Klydie " forever young " . Pas de " lenny Bruce "pas de " Precious Angel " . Il semble fatigué , ennuyé , même pas en colère, sans conviction . Il semble qu'il lui manque une raison de vivre , une raison d'être ici ce soir sauf celle de remplir un contrat. Mon copain me fait remarquer qu'il est extrêmement maigre . Manger des hamburgers ne lui fera certes pas prendre de l'énergie . " When you gonna wake up " " in thegarden " Je sais que c'est la fin . Un rappel avec " Blowin' in the wind " seconde acoustique avec " It ain't me babe " et le final avec " Knockin' in heaven's door" avec un tempo reggae . Je ne me sens pas l'envie de danser . J'ai même l'impression que les musiciens ne jouent pas en parfaite harmonie ; ce sont Tim Drummond à la basse- un ancien puisqu'on le retrouve déjà pour le S.SNACK concert derrière Dylan et Neil Young et qu'il accompagne Neil sur " harvest " - Steve Ripley , guitariste , genre punk (? ) , Fred Tacket, guitariste , plutôt " hippie " et glacial , Jim Keltner qui malheureusement disparaît derrière sa ribambelle de tambours et cymbales , un autre batteur qui ne fera qu'une courte apparition , Al Cooper aux claviers - un vieux copain qui était déjà sur les albums des années 60 et à propos duquel Bob , sur scène , fera cette remarque " on keyboards Al Cooper, I can't believe it " . Les choristes sont Regina Mc Crary , Madeleine Quebec , qui joue aussi des claviers , et Klydie King de loin la plus inspirée , la plus mignonne aussi .
J'aperçois le photographe et l’homme-aux-cheveux-gris, je ne peux pas leur parler, ils sont trop loin . Le public est bon, très bon . IL est vrai que ceux qui sont là sont motivés . Ils sont venus malgré les mauvaises critiques et malgré un certain " boycott " qui sévit ici à cause de sa conversion . Est-ce que Bob le sait ? Ou le sent-il avec son instinct habituel ? Il paraît gêné de chanter les nouvelles chansons et les garde toutes pour la fin . Je croyais même qu'il n'en ferait pas une . Est-ce qu'il a eu des ennuis aux Etats-Unis ? J'ai entendu dire que non pourtant . Je sors et tourne en rond . Deux bus noirs aux vitres fumées sont parqués tout moteur tournant . Peuvent-ils être déjà là ? Ils démarrent , deux bus hôtels supers , pas de camping-van spéciaux . Ils sont en route pour Montréal . Je cours au Y.M.C.A , ramasse mon sac et me précipite dans le car de minuit et demi .
Je me sens confuse , contente d'avoir vu Bob dans la rue , et je pense qu'il n'est pas l'une de ces vedettes pimpantes d'Hollywood ou du show-biz , mais un simple être humain avec des besoins humains , et aussi déçue de voir qu'il est si seul , à la scène comme à la ville , il n'a pas l'air de prendre son pied . Aussi il me semble a posteriori que si j'ai reconnu Bob si vite en " civil " c'est que je le cherche partout , dans chaque être qui passe .
Samedi : quelque part dans une chambre d'hôtel sur la route qui mène à Kitchener. Hier j'ai traîné toute la journée autour du forum , et par hasard j'ai trouvé le bus devant un hôtel . Je rencontre le photographe qui prend mon adresse et promet de m'envoyer des photos - que je n'ai jamais reçues bien sûr - et là qui je rencontre ? ...Carole , mon amie américaine . Nous parlons de suivre toute la tournée aux Etats-Unis . Nous retrouvons l'homme-aux-cheveux-gris qui sourit de me voir ici et me propose de partager sa chambre - avec un clin d’œil . Je décline l'invitation . Nous saluons les musiciens qui un à un se rendent au forum . On nous prévient que Bob est déjà parti . Vrai ou pas nous disparaissons, car c'est cela le " message " .
A l'intérieur , je suis loin de la scène , mais mieux qu'hier . Le spectacle est parfait . C'est à peu près les même chansons .Plein d'énergie mais sans colère cependant . Bob est de bonne humeur, il sautille d'un côté à l'autre . Il ajoute un troisième rappel, un fantastique " it's alright ma , " et également " heart of mine " . Nous lui disons au revoir à la porte des artistes et nous nous éloignons de la ville . Carole , un ami , Bill , et moi nous prenons une chambre dans un hôtel grand et confortable . Je ne sais que penser . Si je passe aux Etats-Unis , je vais à coup sûr manquer d'argent , mais j'aimerais tant y aller . Après quatre heures de route nous parvenons à Kitchener . Nous attendons deux heures à la porte du fond . Le responsable de la sécurité, Don - qui faisait partie de la tournée européenne sans avoir un rôle particulier , il semble - nous bouscule un peu . Nous devons nous cacher derrière le mur de droite , et le bus arrive sur la gauche , fatalement . Nous nous déplaçons juste le temps de voir Bob disparaître . Merde! Je n'ai pas de billet et tente de rentrer avec un passe " V.I.P . - very important people - que l'homme-aux-cheveux-gris m'a donné et çà marche . Je reprends confiance en moi-même et quand je vois Stan - l'homme-aux-cheveux-gris-je lui demande de me mettre une chaise supplémentaire comme Jim l'avait fait en Europe . IL me dit " ni oui ni non ". Je suis vraiment nerveuse , j'aimerais tant rester là , juste en face du micro . On me rajoute une chaise vers le cinquième rang , parfait ; Merci Stanley . Le concert est super fantastique . Un cinquième rappel " are you ready " pour la première fois . Au premier rang quelques personnes portent des masques . Bob commente : " C’est Halloween aujourd’hui , mais vous savez il y a des gens qui portent des masques tout le temps . Je porte un masque - et il touche ses lunettes - . Il ramasse un papier que quelqu'un a jeté et commente méchamment " il y en a qui croient me connaître juste en me regardant , et ils veulent me parler " . Que veulent-ils bien lui dire ? Je sors retrouver Bill et Carole . Les deux bus-hôtels sont stationnés juste devant , nous décidons de les suivre . Nous roulons , roulons . IL y a une autre voiture devant qui suit aussi . Ils s'arrêtent finalement à un restaurant de route . Il y a une petite scène , les fans de la voiture sont un peu "poussant " et après maints dialogues , Howard - le photographe -prend une photo des gars devant le bus et ils s'en vont . Nous , cachés , nous suivons la scène , puis Carole et moi précédons tout le monde et entrons dans le restaurant , Bill reste dans la voiture . Nous nous servons un café . C'est une espèce de cafétéria sans âme comme il en existe aux Etats-Unis . Bob ,Klydie Stanley , Howard et Don rentrent à leur tour . Bob et Klydie après s'être servis se dirigent avec leur plateau vers une table isolée à l'écart . En passant près de nous , il nous fait " salut les filles " - je dois signaler que j'ai alors 26 ans et ma copine 35 - . Nous bavardons avec les membres de son personnel . En fait ils essaient de faire écran entre nous et le Boss , exactement comme dans le bus où j'avais été invitée par Bob . Nous sortons et attendons dehors . Carole s'approche de Bob pour lui donner une écharpe qu'elle a tricotée . Don l'arrête et il s'ensuit une petite altercation qui sans être trop violente apporte la confusion . Bob s'approche gentiment d'elle et lui dit : " je te remercie , mais je ne ferais pas usage de cette écharpe maintenant " . C'est un refus assez froid tout de même . Il se dirige alors vers moi qui suis un peu à l'écart et me demande " comment es-tu arrivée ici ? " " j'ai volé " " est-ce que tu es toujours une gitane ? " " oui " " si brave gitane ! " Ah ! je tombe de haut car je ne lui ai jamais dit personnellement que j'étais manouche , j'avais juste fait cette remarque à Stanley dans le bus le soir de cette fameuse invitation . Avait-il entendu ? Je ne pense pas . Alors il a demandé à Stan ce que je lui avais dit ? Que des imbécillités car je m'adressais alors à des gens que je n'aimais guère . Enfin ! il m'a reconnu . Il a une bonne mémoire quand il veut . Il part et nous aussi , sans le suivre cette fois . Carole n'est vraiment pas contente qu’il ait refusé son écharpe . Avec Dylan tout est symbolique , dans ses chansons comme dans ses attitudes de la vie privée et refuser quelque chose veut dire qu'il n'y a pas entière confiance entre les deux protagonistes , en tout cas c'est comme cela que nous l'interprétons , et bien sûr c'est blessant pour Carole . L’écharpe n'était qu'un prétexte , cela aurait pût être n'importe quoi . Un jour à San Francisco, je lui ai proposé un petit clown en tissu qu'il a tout d'abord refusé , puis le lendemain , alors que j'avais la poupée dans les mains , il est venu me voir et me l'a demandée . J'ai appris plus tard qu'il en avait fait don à une oeuvre de charité (?) . Preuve que ce n'était qu'une façon de dire " toi je t'aime bien , tu peux rester par là " .
Je dormirai bien cette nuit et je rêverai à mon idole . Je l'ai vu de près sur scène , il portait une veste bleu-marine , un pantalon noir serré, des boots noires de rockeur, un T-shirt noir . Ce n'est pas l'extravagance d'un Mick Jagger . Je crois bien que sa tenue il s'en fiche . Mais il bougeait les jambes avec un certain quelque chose d'Elvis Presley
- quand il était "mince " et sexy - une certaine provocation , moins vulgaire que Jagger et c'est tant mieux . Il possède une certaine " classe" que les Stones n'ont certainement pas .
II
Dimanche : aujourd'hui c'est un jour sans concert . Qu'allons-nous faire ? Nous retournons à Toronto . Bill qui est le plus grand collectionneur sur Dylan a une foule de contacts . Il nous emmène chez un ami qui possède des cassettes-vidéo de concerts de Dylan . Il nous projette une cassette du concert de Toronto puis une de France-Toulouse . Je crois- c'est incroyable combien il circule de video-cassettes , disques-pirates , photos , livres... Heureusement que cela est interdit ! Nous nous rendons alors à l'appartement d'un autre collectionneur qui a ses murs tapissés de Dylan et qui possède une pièce spéciale pour y ranger sa collection . Nous écoutons quelques trucs . Je demande naïvement si je pourrais avoir des copies . On me répond avec un sourire " jaune " . J'apprendrai par la suite que les collectionneurs sont de vrais hommes d'affaire et qu'ils ne donnent rien pour rien . Moi qui ne possède que des souvenirs dans ma tête je ne suis pas une valeur intéressante . Et bien les mecs , je vous emmerde ! vous pouvez vous les garder tous vos machins . D'ailleurs les livres ils ne les lisent jamais , ni écoutent toutes les chansons . C'est juste pour la " gloire " de posséder . Quelle mentalité !
Lundi : nous nous dirigeons sur Ottawa que nous atteignons à 6h30 du soir . Les cars sont à l'intérieur d'un parking fermé . Nous entrons à huit heures et demandons Carole et moi - car Bill , lui , s'occupe de trouver une place assez bonne pour filmer - à Stan de nous rajouter des chaises . Il nous plante près de la table de mixage . Le preneur de son n'est pas joyeux , joyeux . Tant pis . Je dis au revoir à Stan , car c'est le dernier concert au Canada et je ne suis pas sûre de pouvoir passer aux Etats-Unis .
Le concert est très bon , il est dans une forme éclatante . Il parle beaucoup , quand il commence c'est un vrai moulin . A la fin nous courons devant , le public tape dans ses mains en cadence "allez-y , ne vous arrêtez-pas " il chuchote quelque chose aux choristes , Klydie déplace le micro et ils entonnent " Jesus is the one " repris en cadence par la foule . De ces moments-là , si intenses , avec une parfaite harmonie entre le musicien et son public , il y en aura peu finalement et c'est dommage . Ce sont certainement les meilleurs moments pour Bob , où il ne se sent pas complètement seul .
Nous dînons au restaurant et essayons de trouver un moyen pour que je passe la frontière sans problèmes et sans visa .
Mardi : nous retournons à Toronto où j'achète une carte de bus mensuelle que je devrai utiliser comme carte d'identité . J'apprends par cœur une fausse adresse canadienne et je dois déclarer que je ne vais à Cincinnati que pour un jour , le temps de voir le concert de Dylan . Je ne suis pas fière dans la voiture qui roule et roule vers la frontière . Je crois que je suis malade d'anxiété . Bill conduit , Carole est devant avec lui et je suis sur le siège arrière droit cachée par une pile de bagages à ma gauche .Le douanier , à gauche de la voiture , de mande à Bill et Carole s'ils sont américains " yes " et de plus la voiture a une plaque minéralogique américaine . Moi , il ne m'a pas vue . Ouf ! Nous roulons jusqu'à minuit avant de nous prendre une chambre dans un motel AMERICAIN .
Mercerdi : Bill nous dit soudain qu'il a quelques courses à faire et qu'il doit faire réparer sa voiture ? Alors ce soir pas de concert . Zut! et re-zut!
Jeudi : soir du deuxième concert à Cincinnati . Nous apprenons qu'hier Bob est arrivé à ....bicyclette à la salle de spectacle . Nous avons raté un coup splendide .
La tension va monter entre nous trois . Nous sommes fatigués , à bout de nerfs et Carole n'est pas patiente . Bill et elle vont se disputer violemment et elle prend la décision de rentrer à New-York. Que vais-je faire moi qu n'ai plus d'argent . Ce fût le moment le plus difficile de tout mon voyage . Même en Europe où j'avais certainement moins de confort matériel ,je ne me suis jamais sentie dans une position où je dépendais entièrement de l'humeur de quelqu'un d’autre . Toutes les décisions je les avais prises de mon propre chef et en toutes conscience . Là il faut partager avec un gars qui certes nous prête son concours - c'est sa voiture et nous partageons les frais à trois-mais qui moralement est froid comme la glace et spirituellement ne plane pas plus haut que ses pompes ; et Carole qui n'est ni stupide ni avare -elle me prêtera beaucoup d'argent -mais dont les sautes d'humeur et la violence verbale me font peur . Je sais aussi que son approche de Bob n'est pas sans arrière-pensées sexuelles . Oh oui , j'en rêve aussi mais j'aimerai bien placer l'amitié pure bien au-dessus , et avec quelqu'un comme Dylan , qui en a vu et revu des " poules " , c'est délicat, cela demande énormément de tact et de patience ce qui n'est pas la meilleure qualité de Carole . Mais des qualités elle en a beaucoup d'autres . Il faut dire aussi qu'elle est beaucoup plus sexy que moi et que Bob n'est pas indifférent à ce genre de charme .
La salle est petite mais splendide . Carole et moi , nous nous installons près de la table de mixage . Dylan porte le chapeau de cow-boy blanc de la Rolling Thunder Review, et pour la première fois fait un savoureux " shot of love " . Il y a une grande banderole pendue au balcon avec en lettres énormes " SHOT OF LOVE " . A-t-il répondu à la demande ? Cela ne bouge pas tellement dans le public cependant . Nous nous nous ruons vers la sortie et vers la gare Greyhound où nous récupérons en catastrophe les bagages de Carole qui a finalement décidé de continuer jusqu'à La Fayette où aura lieu le prochain concert . Nous revenons juste à temps pour voir les bus-hôtels démarrer et nous les filons . Une course folle s'ensuit ; le bus de Dylan avec Bob ,Klydie et les "hautes personnalités " s'arrête près d'un restaurant . Nous faisons le plein d'essence plus loin , quand nous repassons le bus a disparu . Pied au plancher nous reprenons l'autoroute et nous rattrapons l'autre bus , celui des musiciens , que nous suivons avant de retrouver le "bon " . Quelle panique ; ils font bien du 120 km/h , c'est fou .
Après quatre heures d'anxiété , tout ce beau monde s'arrête au Sheraton isolé . Nous y prenons aussi une chambre . Nous nous endormons , exténués , à cinq heures du matin sachant que Bob est quelque part très près .
Vendredi : nous nous réveillons à midi et Carole descend à la piscine intérieure espérant y retrouver Bob . La piscine est au milieu entourée des chambres disposées sur trois étages en fer à cheval . Si l'on regarde par la fenêtre on y voit tous ceux qui s'y baignent. Bill et moi allons au restaurant où nous retrouvons Stan , Howard et quelques uns des musiciens . Carole nous y rejoins et discute quelque temps avec Howard , qui , dit-il , veut faire un film avec moi et Mr President qui se trouve être de la tournée . Je m'en fiche si ce n'est pas Bob lui-même qui le demande . Il ne semble pas beaucoup l'aimer Bob , tous ces gens autour , à nous dire toujours que c'est un mufle .Et qu'est-ce que cela peut bien me faire ? Rimbaud était un mufle , est-ce que l'histoire doit s'en souvenir ? Tous les génies sont des "mufles " , ce n'est pas écrit sur leur tombe ! Je suis en colère contre ces gras , contre la stupidité qu'ils propagent autour , contre des sentiments et des intentions qu'ils nous prêtent et que nous n'avons pas . Ils nous jugent d'après leurs propres valeurs , qui ne valent pas un clou .
Le son n'était pas bon ce soir , ni les musiciens , mais le public était correct , se levant pour une ovation . Bob marche vers le bus après le concert suivi d'une bande de fans . Il doit être protégé pour ne pas être écrasé -J'ai peur un moment qu'un fan ne lui fasse du mal et je pense qu'il doit être en colère - j'avais tort , Howard nous dira qu'en fait il aime bien çà -
III
Samedi : Ann Arbor , près de Détroit , à nouveau au nord! Nous sommes au même hôtel que Bob . Carole est quelque part avec Howard et Bill dehors . C'est un hôtel de luxe . Bobby n'est pas loin mais cependant aussi loin que s'il était au Japon . Je sens que le bourdon me prend .Est-ce que je chasse un fantôme ? Dieu seul le sait .
Le concert est très bon ce soir . C'est une petite salle . Nous avons eu des billets par Howard . Je ne sais pas à quel jeu ils jouent ; Stan n'est plus amical et Howard tourne autour de Carole . Ils pensent que nous pouvons être des groupies mais nous gardent néanmoins éloignés de Bob . Il est bien ce soir . Sait-il que nous sommes ici ? J'utilise mon " passe" pour me retrouver juste en face de la scène et voir mon chou de très près. You look good , honey !
Nous retournons à l'hôtel, l'hôtel de Dylan . Carole et moi nous tournons autour du restaurant. Stan et Howard y sont aussi , pas tellement amicaux . Meyers est là puis Tim nous dit bonsoir, saoul ou drogué ? Ils semblent tous planer" . Nous sommes comme un meuble ancien dans un décor moderne, complètement déplacées . Bob n'est pas dans le coin , ni les filles . Est-il paranoïaque à ce point ? Le premier rang était proche de lui ce soir , quand les personnes se sont levées pour une ovation , Bob s'est reculé . Avait-il peur qu'on le blesse?
Je suis de plus en plus persuadée que personne autour de lui ne le connaît vraiment . Certaines de ses attitudes peut-être . Qui le connaît d'ailleurs ? Certainement pas moi , j'en sais trop ou pas assez . Se connaît-il lui-même ? Je ne peux supporter cette atmosphère : hypocrisie , mensonges , tracasseries ...Je sens comme une certaine jalousie autour . C'est trop pour Bob et pas assez pour eux .Mais que m'offrent-ils ? Peu d'eux-mêmes . C'est le concert de Dylan , le " passe " de Dylan , le ticket de Dylan ...que sont-ils sans lui ? Je pensais d'abord que tous les problèmes venaient des journalistes: les potins et les ragots . Maintenant je sais aussi que cela peut venir du proche entourage et c'est une honte . Combien seul Bob doit-il se sentir ! sous prétexte de le protéger . Mais sans doute a-t-il besoin de cette solitude . C'est un solitaire . SON MONDE est si terrible : Il y fait noir Bobby , n’est-ce pas ? On papote autour , il envoie toujours ses enfants à l'école hébraïque et ne veut pas être appelé chrétien . Alors Juif pour Jésus ? Juif messianique ? Cela m'est égal , pour moi il est Bobby .
Je ne sais plus trop quoi penser du public ; ils dansaient et tapaient des mains . L'ambiance était chaude . Quelques collectionneurs se sont pointés pour plus de matériel . Ma sœur collectionne les timbres poste , cela revient moins cher . Que vont-ils faire de tout cela : des cassettes, des badges , des T-shirts , des posters ...Ouvrir un musée quand il sera mort ? Je ne veux pas communiquer à ce niveau . Si Bob mourrait maintenant c'est mon but dans ma vie que je perdrais , peu importe combien de cassettes je pourrais entendre et combien de photos je pourrais voir alors . Je suis probablement la pire des fans car je m'accroche à l'homme et non pas à l'Art . Il me reste à grandir . Le détachement est un si grand idéal!
Mardi : un jour est derrière . C'est le second concert à Ann Arbor , le meilleur de tous musicalement , il était en grande forme quoi qu'il n'ait pas décroché un sourire . Mr Président me donne son adresse à Paris, mais Stan n'est plus très amical , préoccupé qu'il est à se trouver des nanas . Nous fonçons à l'hôtel juste après le spectacle espérant lui dire " bonne nuit " , mais il est déjà à l'intérieur , il est entré par la porte de derrière ; un petit tour de plus . Nous allons au restaurant puis au bar où nous retrouvons Fred, Howard , Mr President , Meyers . Je parle en français avec Roland- Mr President -il me dit qu'il a aidé à l'organisation de la tournée française et c'est pourquoi il voyage maintenant aux frais du Boss. Je sens qu'il n'est pas aussi près de Bob que je le pensais d'abord . Il n'a même pas vu Renaldo & Clara ! et doit partir après la Nouvelle-Orleans . Un grand gosse qui est fier d'être avec Papa Bobby . Il jouera les gros bras contre des fans , à l'occasion . Howard semble le plus intéressant . Il me raconte une visite aux Indes -où Bob n'est jamais allé - où il a rencontré des Gitans musiciens -les Gitans ne sont pas venus d'Egypte , contrairement à l'idée reçue , mais des Indes – et aussi des films qu'il a tourné " Eat The Document - le titre serait tiré d'un passage de la Bible - " Renaldo & Clara " et aussi " Janis " sur Janis Joplin . Il me parle des fans fous qui vont à Malibu en prétendant être, qui des sœurs de Dylan , qui ses femmes , des Dieux messagers . Il faut savoir que les Etats-Unis en renferment un paquet de ces illuminés! Le gouverneur de la Californie a décidé que cela reviendrait moins cher de les laisser en liberté que de les faire enfermer . Mais certains sont dangereux . Alors liberté oui , mais pas celle qui consiste à protéger son porte-monnaie au détriment de la sécurité . Ces " laisser pour comptes " sont pourtant inévitables dans une société où il faut être de fer pour parvenir à la Gloire et où la valeur d'un homme-blanc est calculé d'après son compte en banque . Chaque homme est livrée à Dieu et au Diable . Contre ces cinglés Bob doit se protéger et contre nous aussi bien sûr , allez donc savoir qui est fou furieux et qui ne l'est pas . Mais si Bob lui, a le don de distinguer les mauvais esprits des bons esprits , les sbires ne le possèdent certainement pas et pour eux tout est danger et doit être repoussé . D'où les nombreux conflits entre nous et la sécurité mais aussi les accrochages entre Bob lui-même et ses propres gardes . Après tout il n'est pas complètement paranoïaque et il ne veut blesser personne .
Cela nous l'avons bien compris, c'était une bonne partie du message .
Il me semble que moi aussi je doive faire fausse route quelque part , puisque je n'ai pas vu Bob depuis le début . Il vit en totale réclusion -seulement a-t-il corrigé un jour- jeu de mot entre exclusion et réclusion - et j'espère que ce n'est pas à cause de nous . Sans doute pas , car Howard nous dira qu'il aimerait même être dans un autre hôtel que ses musiciens , et qu'il aurait fait une mauvaise remarque à Stan qui le regardait trop fixement un jour . Klydie n'est pas là non plus , ni aucune des choristes d'ailleurs . Peut-être qu'il se fiche complètement de nous et que nous sommes un effet et non une cause. Si nous avions sympathisé dès le début nous ne l'aurions peut-être jamais suivi si loin . Tout l'attrait d'un homme comme Dylan c'est son mystère .
IV
Mercredi : Nous arrivons à la Nouvelle Orléans , dans l'après -midi , prenons une chambre juste au-dessus du théâtre dans le quartier français qui me paraît d'un style espagnol . Nous allons vers l’hôtel de Bob , repéré grâce au bus devant l'entrée et prenons un verre - d'eau minérale - avec Howard , Don , Meyers , et Roland . Nous ne parlons pas de Bob . Ils papotent , d'eux surtout . Meyers compte consciencieusement les billets que la serveuse lui rend -un homme d'affaire à cent pour cent - le chauffeur du car qui doit annoncer à Bob que c'est l'heure de partir , respire cinq fois profondément avant de frapper à la porte du Boss. A-t-il peur de se faire mordre ? C'est en tout cas cette impression que tout le monde donne .
A 18h nous sommes à la porte des artistes, seules . Nous lui disons " bonjour Bob " à sa descente du car . Il tourne la têt et disparaît à l'intérieur . Pas très amical ce soir . Nous attendons les billets promis par Howard et nous voyons entrer une fille avec un grand tableau qui représente une bonne sœur , la Vierge Marie ? Un autre gars arrive avec un splendide portrait de Dylan . Le mec se fait rejeter mais la fille est toujours dedans . Quand elle sort elle nous dit que Bob a pris le tableau et qu'elle a eu droit à une bise . Elle revient de loin . Nous commençons à nous impatienter à propos des billets et forçons la porte , aussitôt arrêtées par Don qui commence une longue diatribe sur son boulot . Même lui , dit-il , ne peut franchir certaines barrières, son espace est limité . Ce qui prouve que son zèle à faire reculer les curieux possède un fond de jalousie, une revanche contre des personnes qui n'y sont pour rien , et aussi qu'il n'est pas très proche du Boss . Nous ne voulons pas déranger Bob , mais simplement obtenir ce que l'on nous promet . Finalement nous récupérons ces foutus billets . Merci, Bobby .
A l'intérieur nous sommes loin mais tout de même au sol . Le son est horrible et Bob joue sur un rythme accéléré , comme s'il avait peur de rater son avion . Il ne sourit pas ni ne regarde les choristes . Quelque chose l'a définitivement contrarié aujourd'hui . Pourtant il essaie une nouvelle chanson " there's a thief on the cross" . Est- ce une de ses chansons ? " Let's begin " n'était pas de lui . Nous courons au premier rang pour les rappels , Bob nous regarde ? Nous allons à l'hôtel pour lui souhaiter " bonsoir" . Il fonce à l'intérieur comme un taureau . L'entourage est spécialement inamical ce soir . Qui croient-ils être ces pantins qui nous bousculent sans cesse ? Ce sont tous des " super-egos " . Ils disent nous aimer parce que l'on ne pousse pas , que nous ne sommes pas des groupies , mais en même temps ils aimeraient bien que nous soyons leur groupies . Mais pourquoi ? Pour quelques informations ? Nous sommes assez intelligentes pour trouver les hôtels où Bob descend, de toute façon ils ne le connaissent pas leur Boss . L'aiment-ils seulement ? J'en doute . Meyers nous dira qu'il n'aime pas la musique , celle de Bob ou des autres d'ailleurs . Mais pourtant ce doit être Bob qui choisit son personnel . Il essaie tant de ne pas être compris , de cacher profondément ses sentiments . Avec ce genre de personne peu de chance que ses secrets soient mis à nus . Il est lui-même si personnel qu'ils ne sont peut-être que sa propre réflexion , et c'est moi qui me trompe . Mais je ne peux pas m'empêcher de penser au jour où à San Francisco il m'a demandé si gentiment si j'avais une place où rester , à Santa Monica où il m'a offert de l'argent , à Basel où il m'a fait monter dans son bus , à Montréal où il est venu vers moi et m'a souri si chaleureusement . Est-ce beaucoup ? Est-ce normal? Est-ce à la hauteur du prix que j'ai payé? Je ne sais pas , je perds mon sens du jugement . Je ne sais pas qui croire , que croire , je ne sais pas ce que je fais ici . Je pense à Elvis Presley qui est mort dans une solitude si complète parce que ses gardes du corps se croyaient plus importants que ses fans , et surtout parce que le Colonel pensait qu'un contact avec la réalité lui ferait perdre son poulain -la poule aux oeufs d'or- Le Roi n'a pas perdu sa couronne mais il a perdu sa tête . Parfois il faut choisir .
Mercredi : La Nouvelle Orléans . Je bronze au soleil . Je prends un café et des Leigasts au très célèbre " café du monde " . Quelques musiciens dans les rues , quelques peintres . Mr Président ne m'a pas rejointe ce matin pour faire un tour de la ville ensemble . Alors j'irai seule . Je brûle un cierge pour Bob dans une église . C'est le même Dieu pour tous n'est-ce pas?
Un autre concert ici et nous partons à Houston , Texas . Je rencontre Steve Ripley , avec femme et enfant : si pépère avec un look si punk ! Fred Tacket est plus que " droit " aussi . Il ne comprend pas que Carole - qui lui dit qu'elle était mariée - puisses courir ainsi librement après une star du rock . Moi qui pensais qu'être rocker c'était avoir une façon de vivre pas orthodoxe . Je réalise qu'aux Etats-Unis , être musicien est un boulot comme un autre . Nous sommes assises à un café, Carole et moi quand Howard , qui nous a aperçues, nous rejoint et nous sermonne avec véhémence : " vous pouvez avoir tous les billets que vous voulez mais ne venez pas près de l'hôtel " . Carole demande
" est-ce quelqu'un s'est plaint? " . Nous sommes survoltées . Qu'avons-nous fais de si déplorable? Nous nous demandons simplement si ces instructions viennent de Bob ou non .
A 18h . Nous attendons à la porte des artistes . Bill nous dit qu'il a vu Bob faire du jogging avec Stan dans les rues de la Nouvelle Orléans , puis a fait une ballade dans les bars , discutant avec les musiciens locaux ; " the ballad of a jogging man " . Je suis heureuse qu'il prenne soin de lui-même . Nous attendons une demi-heure et voyons Bob , Stan et quelqu'un d'autre descendre la rue . Bob court un peu et ...tombe devant nous . Stan l'aide à se relever et il entre en souriant quand même . Nous avons eu peur qu'il se soit fait mal , mais non . Meyers arrive et nous signale que nos billets nous attendent à la caisse . Un par un nous disons bonsoir aux musiciens . Seule Klydie répond " heureuse de vous voir " , enfin un être humain décent . Nous levons la tête pour apercevoir une fenêtre ouverte , Klydie s'y montre et Carole lui demande 'est-ce que " thief on the cross" est une chanson de Bob ? " Klydie disparaît une minute et revient en disant " oui " . Elle ne le savait pas avant ? Puis Don arrive et sourit simplement . Il n'a pas l'air en colère . Même Mr Président dit bonsoir . Alors qu'est-ce que c'est que cette " histoire " ?
Nous entrons dans un théâtre splendide : colonnes de marbre, sculptures , statues ... Nous sommes à neuf rangs de la scène . Howard tient une caméra , prêt à filmer . Mr Président arrive en costume " Mesdames et Messieurs , bien venue à la Nouvelle Orléans , je suis heureux de vous présenter le spectacle de ce soir : Bob Dylan " - en français - . Howard filme " gotta serve somebody " . Est-ce pour la télé française ? Le concert est bon , Bob est de bonne humeur . Il ramasse un papier qu'une fille lui a lancé, sourit et déclare " je vais recopier cette note dès que je rentre à l'hôtel " . Il parle de prendre l'avion demain , alors nous sommes sûres qu'il volera vers Houston ; puis présente une nouvelle chanson . Carole me dit que c'est une vieille chanson des années 60 . Nous avançons péniblement devant pour le rappel , la sécurité est horrible, ils nous repoussent violemment en arrière , ce qui crée plus de désordre que de nous laisser approcher .
Nous arrivons à Houston tard dans l'après-midi , juste le temps de trouver une chambre à l'hôtel et de se rendre à la salle .Nous attendons derrière , une heure , deux heures ...Il est 19h 45 et Bob n'est toujours pas là . Nous rencontrons Don qui nous " passe" un savon , nous ne devrions pas être là , et nous n'aurons pas de billets - oh les vilaines filles elles n'auront pas de sucettes !- . IL m'énerve et je lui réponds que ces billets on s'en fiche . Puis Meyers y met du sien " vous n'aurez pas de billets , vous ne devez pas rester là " , c'est une conspiration ! La mafia ? Le FBI ? La guerre est déclarée , sortez vos armes . Deux autres personnes attendent . Sont-elles supposées être là ou ailleurs? Quel grand danger représentons-nous ? Nous attendons Bobby de toute façon . Nous n'avons rien à perdre . " when you really get nothing , you got nothing to lose " . Nous sommes libres à présent . Nous savons que nous n'avons pas à dépendre de qui que ce soit pour quoi que ce soit . Nous sommes même prêtes à leur montrer combien mauvaises nous pouvons être , suivant le bus partout et nous montrant à chaque porte d'hôtel . Bien sûr nous ne voulons pas incommoder Bob lui-même , dans quel but le ferions-nous ? Pourquoi nous chercherions à le blesser délibérément ? Nous attendons jusqu'à 20h . Il est très très en retard . Meyers panique ; nous ne sommes pas très rassurées . Soudain le bus arrive . IL y a un garage intérieur mais pour y parvenir le car devrait descendre une rampe -nous attendons au bas de celle-ci -. Avec surprise le bus s'arrêt en haut et Bob descend à pieds avec un sac de voyage sur l'épaule . Il nous regarde sans expression . Carole dit " Bienvenu à Houston " . Il fait juste une grimace et disparaît . Howard arrive et demande si nous avons nos billets . Bien sûr que non . Il se sauve . Après un moment nous décidons de rentrer avec nos passes, nous nous retrouvons à gauche de la scène .
Le concert commence comme les autres et puis soudain "the lonesome death of Hattie Carol " seul à la guitare . Ce soir c'est bien, sans plus . Au premier rappel, nous nous déplaçons à l'extrême gauche pour voir Bob au piano . Le micro tombe , Bob le pousse, se lève , va à sa guitare , qui ne marche pas , prend son harmonica qui flanche . Il sort quand même " It's alright ma "" it ain't ma babe " " knockin' on heaven's door " puis la star s'éloigne . Nous sortons et attendons près du bus . Un jeune gars nous explique qu'il va mourir d'un cancer et qu'il aimerait un autographe de Bob . Je lui prête mon passe . Quand il revient , il a au dos d'une affiche une cotation de la Bible de la main de Bob . Je suis contente pour le gras et heureuse de voir que Bob possède un grand cœur . Ce dont personnellement je n'ai jamais douté .
Dimanche 15 : nous arrivons dans l'après-midi . Nous nous dirigeons vers le théâtre vers 18h pour nous apercevoir que les musiciens sont déjà là à l'intérieur . Nous attendons cependant . Le second bus se range ; en sortent Regina et Clydie . Pas de Bob . Nous pensons qu'il a pu rentrer par une autre porte , mais Don et Howard attendent toujours alors nous-aussi . Une demie-heure et nous voyons cet original descendre la rue du théâtre à pieds . Quelques jeunes demandent un autographe . Il y en a un qui prend une photo avec un flash " je n'aime pas çà " lui dit Bob . Nous entrons avec les passes . Ces " passes " ils sont drôles : parfois ils nous permettent d'entrer , parfois on nous les refuse sous prétexte que ce sont des " passes" de coulisses , on nous les refuse aussi en coulisses .
Ce soir encore " the lonesome death of Hatie Carol " . Et encore le micro tombe pour "blowin' in the wind " .
Nous sommes en coulisses avec le " passe" . Quelle pagaille ! Il y a des nanas partout . Des mannequins sans âme . Qui sont-elles ? Clydie nous donne une grosse bise . Merci! Nous attendons Bob , qui se précipite dans son bus avec la capuche du jogging sur la tête . " Bye bye Bobby " . Carole et moi prenons un dîner dans un restaurant très tard dans la nuit quand Howard nous rejoint . Il commence à papoter puis nous dévoile la grande histoire " : quand nous sommes allés dire bonsoir à Bob après le concert de la Nouvelel Orléans , Bob a murmuré " ah ces filles encore ! " et immédiatement Meyers a pris cette remarque très au sérieux et en a profité pour nous éloigner complètement et définitivement . D'où le chantage : si vous êtes invisibles nous vous donnons des billets Ce qui voulait dire : Dylan ne doit plus vous voir . Ridicule ! Puis quand j'ai dit à Don " nous n'avons pas besoin de vos billets " , ce salaud a compris " elles ne veulent pas voir les concerts mais seulement Bob en coulisses " . Comment-a-t-il pu penser une chose pareille? quand nous nous battons chaque soir pour rentrer à l'intérieur . Mais a-t-il la capacité de penser seulement ? Si nous avions plus de considération de la part de l'entourage nous ne tenterions pas tant d'approcher Bob . Mais il est le seul à nous traiter humainement . C'est pour cette raison que nous l'aimons lui et non les autres ; cercle vicieux . Et Howard commence à nous parler du piège à fans : il ne faut pas trop être attaché à une idole - il y a un relent de judaïsme dans cette idée - il faut s'accrocher à l'Art et non à l'homme -comme nous avait dit Meyers :" allez voir tous les concerts que vous voulez , mais ne tentez pas de vous approcher de BOb , vous seriez déçues " . - nous en faisons un peu trop à ses yeux, nous sommes excessives, il ne faut pas trop être romantiques car cela peut mener à une issue fatale , et là il me regarde en face- il me prend pour Juliette et Bob pour Roméo ? - Je crois qu'il ne me connaissait pas. J'apprendrai plus tard que c'est lui qui s'est conduit à l'issue fatale ; comme quoi mon raisonnement n'était pas faux ; les autres vous jugent d'après leurs propres valeurs et avec quelqu'un d'aussi égocentrique qu'Howard, d'après leurs propres sentiments . Il nous parle de milliers de lettres de fans que Bob reçoit et nous apprenons par là que c'est Howard qui trie le courrier , il ne donne à Bob que ce qu'il considère digne de valeur . Il nous " apprend " que Bob est de plus lunatique . Dylan a fait construire une maison pour Howard, puis ils se sont brouillés pendant cinq ans, se sont réconciliés et quand Howard a divorcé il est allé vivre au studio de Bob . Il nous précise - et insiste - que les amis de Bob ne sont pas ses fans -une façon de dire que nous n'avons aucune chance - Quand Howard lui a demandé de faire une chanson pour les enfants , Dylan aurait sorti " the animals " - Quelqu'un de ses plus proches amis, il ne sait pas les relations qu'il entretient avec Sara . Je lui demande comment il se fait qu'il se promène autour des allées de concert quand tous ses fans sont là . Il nous réplique avec un brin d'ironie : " il se croit invisible " .Il pousse encore un peu plus en disant que ce tour est exceptionnel et très éprouvant pour Bob , qu'il a besoin d'espace et de solitude . En somme il ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà , en tout cas rien de vraiment essentiel . J'ai l'impression après coup qu'il a essayé d'une manière intelligente de nous éloigner de Bob . Puisque la force ne marchait pas et puisqu'il savait qu'avant tout nous tenions à respecter Bob il nous à entraînés à penser que la meilleure façon de l'aimer c'était de le laisser tranquille , de ne jamais le voir, ni être vues en dehors des concerts . Cela n'a pas marché pour la seule raison que Bob lui-même ne semblait pas ennuyé de notre présence . La remarque faite à la Nouvelle Orléans , nous ne l'avons pas prise personnellement . Il est aussi possible que ce soir là il était de mauvaise humeur et qu'il en voulait au monde entier , pas à nous en particulier . Nous lui avons demandé de nombreuses fois à San Francisco en 79 si notre présence à l'hôtel le dérangeait et il nous a répondu , clairement et sans ambiguïté , " pas du tout " .Carole et moi nous sommes assez perspicaces quand et où il ne faut pas lui marcher sur les pieds , et dans de tels moments nous nous éclipsons . Combien de fois aurais-je pu me trouver sur son chemin " par hasard " ? Combien de fois aurais-je pu frapper à sa porte par inadvertance? Combien de fois aurais-je pu l'ennuyer pour demander un billet ? Et Dieu sait combien j'aurais eu besoin de ces fichus billets ! Pour rien au monde je n'aurais raté un concert car je les adore et ce sont eux qui me déplacent dans un autre monde , un monde où nous avons le droit de penser que tout peut être Amour , Paix et Liberté . Même si en passant la porte de sortie tout s'effondre , il reste toujours un petit quelque chose dans sa tête , quelques idées qui se bousculent , quelques notes que l'on siffle , quelques vers que l'on tourne en slogans , quelques idées que l'on transforme en idéaux .
V
Le 15 à Atlanta . Après une nuit de complète confusion -Howard n'a réussi qu'à me faire sentir très mal dans ma peau - . Bill conduit tout le chemin jusqu'à Atlanta sans un mot . Carole dort derrière . A 17h , Mr Président me dit bonjour puis nous attendons pendant plus d'une heure . Les musiciens sont déjà arrivés . Don est dehors et ne dit rien . Nous avons maintenant l'habitude et nous ne sommes pas surprises de voir Bob descendre la rue en compagnie de son chauffeur . Il nous observe attentivement à travers ses lunettes mais il ne dit rien et n'exprime rien . Quelques badauds lui serrent la main . Howard nous aide - malgré le sermon d'hier - à entrer en coulisses . S'est-il aperçu que son discours moralisateur ne servirait à rien ? nous sommes à gauche de la scène et rien ne semble fonctionner ; à la troisième chanson la guitare ne marche plus, Bob s'empare de l'acoustique puis revient à l'électrique . Il s'approche du bord de la scène et jette un oeil ahuri vers le vide - la fosse de l'orchestre- il bredouille dans le micro et se déplace avec force coups de bras dans les airs, se passe la main dans les cheveux , se plie sur ses genoux , balance sa guitare . Il paraît bizarre comme s'il était saoul . Il est terriblement sexy . Les chansons sont de mieux en mieux , les mots sortent aisément , mais le rythme n'est jamais le même et les musiciens semblent toujours avoir du mal à suivre .
Nous apprenons soudainement que Bill n'ira pas à Miami avec sa voiture , Carole et moi décidons malgré tout de finir la tournée . Nous ne savons pas trop comment . Nous demandons pour la première fois au conducteur du bus des musiciens s'il pourrait nous emmener dans son car . Il nous dit que c'est d'accord si aucun des musiciens ne s'y trouve . Il explique qu'il y a une grande discussion entre Meyers et les employés : s'ils prennent l'avion Atlanta-Miami c'est à leurs frais , sinon ils prennent le bus . Est- ce une directive du grand Boss ? Est- ce que Meyers est payé au pourcentage de bénéfices réalisés sur la tournée ? Cela ne nous convient pas beaucoup . Si le bus est plein nous sommes obligées de prendre l'avion jusqu'à Miami . Nous resterons chez les parents de Carole pendant quatre jours . Puis nous louerons une voiture pour finir le tour . Si tout tourne bien çà va . Au point où nous en sommes ce serait dommage de rater la fin , même si de Bob je n'attends pas plus d'un sourire . Le voir sur scène chaque jour nous le rend de plus en plus familier et de plus en plus sympathique . Nous trouvons par accident ou par un simple coup du sort, l'hôtel ou il est descendu . Mais Carole se contente de prendre quelques photos . Que faire d'autre ? Même si nous voyons Bob , il nous connaît trop pour que nous soyons invisibles et pas assez pour l'approcher . Nous gardons donc les distances .
VI
Le 16 Novembre 1981 : nous sommes dans notre position habituelle ; à la porte des artistes . Il est 18h . Nous ne nous sentons pas coupables d'être là car nous ne sommes pas les seules .Fans parmi les fans . Par précaution nous avons acheté deux billets d'avion pour Miami , mais nous espérons un petit tour dans le bus . –‘silver light express’ - celui des musiciens - . Nous reposons la question à Mickey le chauffeur . Il nous informe que malheureusement cela ne sera pas possible; il y a un seul gars qui sera du voyage et ce sera ...Meyers ! Toujours dans nos pieds celui-là! quel radin ! Nous pensons bien lui offrir cinquante dollars pour nous emmener. Je pense sincèrement qu'il n'aurait pas refusé , mais quelle "poisse " ! Alors nous volerons . Le vent est glacial . Les musiciens entrent, pas très heureux de nous revoir . Ils doivent nous prendre pour des cinglées eux qui en ont assez de voir la face de Dylan , assez de ses sautes d'humeur. En 79 Carole s'était trouvée en présence de l'une de ses choristes et lui avait proposé une photo qui avait été prise lors d'un concert . La choriste heureuse " est-ce une photo du groupe ? " Carole " non , seulement de Bob " , la choriste dédaigneuse " non merci , je l'ai assez vu " .
Le bus arrive . Personne n'en sort . Carole me pince et me demande de regarder de l'autre côté de la rue . Stan , Howard , Don et Bobby descendent la rue . Bob lit quelque chose et titube comme un homme saoul . Il traverse la rue et passe près de nous . Il nous murmure " bonjour " avant de signer un autographe à quelqu'un . Jusqu'à ce qu'il se dirige vers la porte des coulisses personne sauf nous ne l'a reconnu , bien que tous autour n'attendent que lui . Serait-il réellement invisible ? Il n'est pas du tout en colère contre nous. Que nous ont dit Howard et Meyers ? Il y a un jour bon et un jour mauvais , nous n'attendons que le bon , nous voulons être là quand il arrive . C'est notre vie , c'est notre patience, notre argent que nous mettons en jeu , notre santé mentale aussi . Personne n'a le droit de nous dire ce qu nous avons à faire tant que nous ne blessons pas Bob physiquement et moralement , et nous n'avons pas l'intention de le blesser . Il faut dire que ces individus doivent être désemparés devant notre attitude . Ils n'ont l'habitude de voir que des groupies et s'imaginent que des nanas qui suivent une bande de rockers - quoi que de rockeur dans la bande il n'y ait que Bob qui le soit réellement - ne sont là que pour baiser . Nous sommes l'exception qui contredit la règle .
Le concert est bon ce soir . La fosse d'orchestre a été bouchée avec une planche . Sans doute sur les ordres de Bob . Il semblait très préoccupé la nuit d'avant par ce trou béant devant lui . Il commence très bien jusqu'à ce qu'une fille saute sur la scène , essaie de lui arracher ses lunettes et probablement tente de l'embrasser . Il se recule , poursuivi par la fille jusqu'au fond . Cela prend quelques minutes avant qu'un costaud s’empare de la fille et l'emmène ailleurs . Je suis très abasourdie . Mike Jagger , Elvis Presley peut-être mais Dylan ? Aussi sexy qu'il puisse être il n'a pas la réputation de faire évanouir les nanas . Pendant un moment j'ai eu peur . Et si elle avait eu un couteau ? personne n'aurait réagi suffisamment tôt pour le sauver . Alors la sécurité ? Don , Stan, et les autres? C'est là qu'il fallait intervenir avec zèle !Mais non celle-là était moins dangereuse que nous sans doute !J'ai bien peur qu'il soit maintenant d'une humeur massacrante . Non, il plaisante au micro : " elle m'a pris au mot - il chantait ‘I'll be your baby tonight ‘ -elle aurait dû faire çà il y a dix ans " Se sent-il donc si vieux ? Il termine bien et à la fin s'avance jusqu'au bord de la scène. Pour prouver qu'il ne craint rien ? Pour faire croire au public qu'il n'est pas paranoïaque ? Je me demande encore pourquoi il avait fait recouvrir la fosse ? Nous attendons à la sortie comme d'habitude . Les deux bus sont parqués juste devant la porte ; mais la foule est si dense que nous savons bien Carole et moi qu'il ne sortira pas par là . Nous observons attentivement quand nous voyons Don au volant d'une voiture se diriger vers le côté du théâtre . Clydie monte dans le bus et la voiture passe sur le côté . Bob est assis devant avec sa capuche de jogging sur la tête . Il nous a encore joué un bon tour . C'est à n'y rien comprendre : il arrive à pieds aux alentours des allées et se cache pour sortir . A-t-il peur d'une foule si importante?
Carole et moi prenons une chambre d'hôtel. C'est ici que nous nous séparons de Bill. Notre avion est à 8h25 demain matin . Une heure et demie de vol et nous sommes à Miami , à la maison de ses parents . La première chose que sa mère nous demande est si nous avons faim et prépare un repas . Puis selle fait notre lessive . Anou avons deux jours de relâche avant le premier concert à Miami . Bien que tout le monde soit extrêmement gentil, je ne me sens pas à l'aise . Je perds la vision de ce que je suis venue faire dans ce pays . On parle beaucoup mariage et enfants dans cette famille juive, beaucoup aussi des nazis . Deux personnes présentes sont des rescapées des camps de la mort; ils en portent encore des marques physiques et morales . Je lis le manuscrit d'un livre écrit par l'homme ; la réalité dépasse la fiction en horreur et je dis PLUS JAMAIS , que ce soit contre les Juifs ou n'importe quelle ethnie - un demi-million de Gitans y sont morts aussi dans ces camps - . Combien d'Indiens ont été massacrés au pays des libertés, combien de Vietnamiens et Cambodgiens ont disparu , combien d'Argentins , de Chiliens , de Boliviens ...? Bref, que cessent ces massacres au nom de religions , de politique , de couleur de peau ...
Le père de Carole a tout de suite mis la situation au clair à propos de Dylan . " il est sous beaucoup de pression et a tant de gens qui dépendent de lui- c'est une industrie - il est si brillant et si " grand" qu'il doit s'accrocher à quelque chose de plus important que lui-même, de plus " haut " . Pas les " poules " ni même mes amis- qui ne sont même pas à son niveau - même pas à sa famille . Mais il doit s'accrocher à " Dieu " et cela ne l'étonne pas , lui qui est Juif , que Bob se soit tourné vers Jésus .
Même Howard n'était pas si perspicace ; il espère bien que Bob ne continuera pas à prêcher Jésus . Il nous a avoué que le tour l'ennuyait , il reste cependant . Ou bien est-il trop près de l'homme pour en avoir une vue objective ? - ce qu'il me reprochait à moi - .
Ce soir la famille brûle une bougie pour un défunt . Il y a l'étoile de David sur le mur , des photos de famille . Mais le père ne mange pas " kasher " . Je ne comprends pas trop quels rituels ils suivent . Cela veut dire quoi être Juif ? Etre circoncis , avoir fait sa Bar Mitzva , parler Hébreux ? Est- ce une religion , une race , une culture , quelques traditions ? Je crois qu'ils ne se sont jamais senti aussi Juifs depuis l'Holocauste , cette souffrance les a remis ensemble . Mais ils devraient faire attention de ne pas tomber dans l'excès inverse ; le fanatisme et la rancœur ouvrent la porte à tous les crimes . C'est ce à quoi j'ai pensé pendant ces deux jours . Il y a un concert ce soir et nous nous demandons comment nous allons être accueillies . Je suppose que rien n'aura changé . Nous nous rendons au théâtre en début d'après -midi .Il est placé très loin, à l'écart de tout . Il n'y a pas d’hôtel proche et Carole pense que la bande doit résider près de la plage . Nous faisons un tour dans cette direction et repérons les deux bus sur un parking . L'hôtel fait face à la mer . Si nous étions deux groupies débiles nous nous précipiterions dans l'entrée , nous dirions avoir rendez-vous avec Mr Dylan . Avec un peu de chance , nous décrocherions le numéro de sa chambre . Puis nous frapperions à sa porte en déclarant combien nous l'aimons et combien il a besoin de nous . Mais comme nous sommes des filles bien sages , ainsi que tout le monde le sait , et sait l'apprécier ( ?) , nous nous contentons de faire un tour sur la plage aussi loin que possible des fenêtres qui font face à la mer . Nous nous sentons même si mal que nous retournons à la salle . Une de ces salles petite et luxueuse . Nous rentrons avec notre " passe " et nous nous informons auprès de Stan s'il pourrait nous aider à trouver des chaises. " Non " -dit-il - vous avez causé assez de désordre, je ne peux plus vous aider " . Mais quel désordre ? Cet incident à la Nouvelle Orléans ? Mais c'est du passé, mec! Je suis sûre que Bob lui-même a oublié . Enfin tant pis pour Stan s'il est stupide . Nous trouvons un gars de la sécurité qui nous aide . Nous sommes à l'extrême droite de la scène , nous ne voyons que le dos de Bob , et les choristes nous le cachent à moitié . Il semble plus reposé mais il est toujours pâle comme un fantôme . Il ne doit pas supporter le soleil . Nous remarquons avec surprise que depuis le début de la tournée il y a à peu près un mois , il porte la même tenue de scène . Nous espérons qu'il possède une série de T-shirts noirs ou qu'au moins il les fait laver . Howard nous disait qu'à chaque fois que la bande faisait halte pour au moins deux jours , il y a avait la queue à la laverie . Et il précise avec délice que même Bob devait laver ses chaussettes dans le lavabo . Il ajoute que de toute la bande Bob était celui qui avait le moins de valises - deux - mais attention s'il perdait un pantalon ou une chemise ! Cela doit être pour cette raison qu'un jour en Europe il s'est pointé sur scène avec un pantalon qui était deux fois trop long pour lui et trois fois trop large . Il devait l'avoir emprunté à ses gardes du corps. En tout cas cela ne l'a pas gêné pour chanter! L'entourage est des moins amical . Mickey est le seul à nous faire savoir que le concert de Talahasse est annulé , faute de vente assez importante de billets . Sans lui nous nous serions déplacées pour rien . Nous décidons malgré tout de nous rendre à l'hôtel après le concert . Carole a la frousse et nous restons cachées près des poubelles à deux cent mètres de la porte . Stan arrive portant la guitare du Boss , puis Bob : pantalon blanc et veste , enfin Clydie un bouquet de fleurs à la main . Pas de Don , pas de Meyers ...Nous ne bougeons pas . Terriblement en colère contre nous –mêmes, nous retournons à la voiture . Nous décidons après délibération de faire une promenade sur la plage . Carole voit Howard partout et nous nous cachons dans l'ombre . Quelqu'un sort de l'eau, c'est Clydie qui a pris un bain de minuit . Carole marche vers la mer et revient soudainement à quatre pattes en murmurant avec hystérie : "il sort , il sort " comme si c'était Dieu le père lui-même . Je regarde vers l'hôtel ; il y a une chaise dehors et j'aperçois des jambes entre les arbustes . Mais oui c'est bien Dieu-pardon- Bob lui-même .. Nous voyons là une chance d'approcher l'inapprochable . Avec une montagne de courage nous nous avançons vers le trône . Bob n'est pas seul ; Clydie l'a rejoint . Je sens tout de suite que nous envahissons sa propriété privée , mais il est trop tard . Bob nous regarde du coin de l’œil derrière ses lunettes noires- mais que fait-il avec des lunettes de soleil à cette heure-ci ? - La situation est critique: entre nous et le couple il y a une murette et une pelouse . Nous sommes bloquées . Carole murmure , peu rassurée , " hum , serait-il possible de prendre un peu de votre temps ? " . Bob ne dit rien mais fait un non catégorique avec sa main. Le message est " fichez-moi le camps " . Carole tente de poursuivre " les concerts étaient chouettes , nous aimons votre musique " ". Un froid glacial nous envahit . Je fais signe à Carole qu'il vaudrait mieux ne pas insister et , nous nous éloignons , bouleversées . Le jugement était tombé , nous étions sur ses plate-bandes . Carole craque " il était si froid , incroyable " . Oh oui il peut être froid comme un iceberg; les Gémeaux sont des extrémistes . Nous nous sentons comme deux navets , complètement vidées et rejetées cette fois-ci par l'homme lui-même. Il va nous haïr le reste de sa vie . Nous nous accrochons tant à ses moindres mots , ses moindres gestes que le ciel nous est tombé sur la tête . Qu'avons-nous fait pour mériter un tel accueil? C'est presque la fin de la tournée , nous aurions aimé le remercier pour tout et lui dire combien nous aimons sa musique . peut-être n'a-t-il pas compris ce que nous voulions , peut-être ne veut-il aucun remerciement ?
Je me sens mal à l'aise à l'idée de l'avoir surpris dans intimité .Cela me semble comme si j'avais poussé la porte de sa chambre. Je ne veux pas qu'il vive comme un reclus et en même temps je le force à se renfermer . C'est une contradiction difficile à résoudre . Aurait-il peut-être moins froid ? Bill nous disait qu'un jour un couple de personnes s'était introduit dans sa chambre par le balcon avec une bouteille de champagne . Bob ne s'était pas révolté , il avait invité les personnes et avait discuté avec elles . Se sentait-il pris au piège ? Etait-il ce jour-là de bonne humeur ? C'est difficile à savoir avec Dylan ! Il est futé comme un renard , derrière ses lunettes noires et dans sa tête il s'en passe des choses ! En tout cas jusqu'ici je ne me sens pas mauvaise conscience . J'aurais difficilement fait moins que ce que j'ai fait . A part l'incident de la Nouvelle Orléans , il n'y a pas eu d'accrochage . On ne peut pas dire que je l'aie terriblement ennuyé car après tout j'ai suivi deux grandes tournées par mes propres moyens , je n'ai que rarement demandé des billets , encore plus rarement un tour dans le bus . J'avais le droit à quelques extra . Mais est-ce un droit puisqu'il ne m'a jamais demandé de faire cela ? Je ne regrette rien , c'est une expérience que de fréquenter son entourage , d'avoir un aperçu du showbiz , de vivre sur la route , de voyager aux Etats-Unis , de rencontrer quelques-uns de ses fans les plus importants : Bill le plus grand collectionneur et Carole aussi dingue que moi . D'entendre par dessus tout de la musique " Pop " de qualité .
Ce soir encore il y a un concert mais nous ne sommes pas heureuses . Du haut d'une colline je regarde le parking où le bus arrive . Bob descend du car et pour la première fois se dirige vers les quelques fans qui sont là . Il échange quelques mots avec un couple et un bébé et avec un gars en chaise roulante . Nous entrons gratuitement mais c'est une autre histoire pour trouver une place . Nous nous déplaçons tout autour de la salle avant de nous retrouver très loin au fond . Je regarde Bob à la jumelle et c'est comme dans un film. Bob est là sur l'écran et je ne sais plus où je suis , dans un autre monde , dans une autre vie . Quelque chose me réveille : pour la première fois il fait " Tom Thumb Blues " ; Merci pour la surprise .
Après le spectacle , je retourne sur ma colline d'où je sus chassée par les flics . Ah ceux-là , il y a longtemps qu'ils ne m'avaient pas cassé les pieds ! Je me planque avec les jumelles . Des musiciens entrent dans le "silver express" , puis dans l'autre Clydie, Howard , Don , Stan et Bob . Il porte comme à l'habitude son jogging bleu -cela ne m'étonne plus qu'il n'ait que deux valises -A travers les vitres fumées , j'aperçois Clydie et Howard qui discutent à l'avant dans la salle à manger . Bobby est à l'arrière avec la bicyclette dont il s'est servi à Cincinnati . Qui pourrait le croire ? Bob la célèbre star du Rock arrivant à son concert en vélo ! IL y aurait aussi la peinture de cette nana . La Vierge Marie !
VII
Samedi : nous nous levons tôt , nous louons une voiture , nous achetons une carte de Floride et en route pour Lakeland , le dernier concert . Cinq heures de promenade dans les orangeraies de Foride . Lakeland est une si petie ville que nous sommes sûres de trouver leur hôtel ...Nous cherchons pendant près d'une heure avant de déclarer forfait . Nous admirons le paysage avant de rejoindre le Civic Center ; à peu près 8000 places . Nous décidons d'acheter un billet à n'importe quel prix . Nous sommes persuadées que Bob nous hait . L'entourage cela nous était égal , mais Bob , cela nous a fait beaucoup de peine . Nous attendons cependant à la porte , derrière . Le premier bus décharge ses musiciens .Le second arrive . Nous sommes une dizaine à attendre . Stan descend et attend ...attend. Bob descend à moitié endormi - Howard nous disait que dans le bus il dort ou il lit- Il échange quelques mots avec Stan puis se dirige vers nous . " oh mon Dieu!oh mon Dieu !" murmure Carole . Il a la tête recouverte avec sa capuche , mais pas les lunettes noires . Il sourit et s'avance vers moi " Bonjour Laurette", il me serre la main amicalement , chaudement . Il dit quelque chose à Carole , mentionnant qu'il l'a connaît depuis trois ans déjà . Il a une bonne mémoire . Il dit bonjour à un gars près de moi et lui demande s'il a du travail . Je ne le quitte pas des yeux ! Il a l'air si fragile et si timide , il ne parle pas , il murmure , et ne cesse pas de sourire , un grand sourire sincère . Il s'éloigne et entre en coulisses . Pas un de nous n'a pris une photo ou demandé un autographe . Ils sont tous choqués . Et nous alors !Cela veut tant dire pour nous , qu'il nous pardonne et qu'il n'a aucune rancune , qu'il nous aime bien et que si nous voulons recommencer....Incroyable! A-t-il eu des remords après la plage ? Ou tenait-il à nous dire au revoir de toute façon ?
Soudainement les portes sont ouvertes .Nous entrons . Nos places sont très loin alors nous décidons de demander à Stan -qui était avec Bob quand il nous a dit bonjour- s'il voudrait bien nous rajouter des chaises devant . Il en place deux juste en face du micro . Il est lui-même assis devant flanqué de deux nanas complètement plastiques , le genre de filles qui ont l'air de pantins plus que d'êtres humains . Il y en a une qui regarde le plancher en secouant la tête –à quoi cela lui sert-il d'être au premier rang ?- Elles pensent probablement que c'est fantastique d'être avec un gras qui porte un badge de coulisses . Si elles pensent qu'elles peuvent atteindre Bob de cette façon , elles se trompent lourdement . Stanley , d'après ce que j'ai entendu , serait le médecin personnel de Bob - en tout cas sur la route-. Merci pour ces deux chaises admirablement placées: c'est comme être dans un salon avec Bob qui joue près de nous , si près -et si loin - . Les trois premières chansons sont incertaines. Il y a du remue-ménage juste devant la scène . Stan est trop préoccupé avec ses filles pour intervenir . Je m'en mêle demandant aux gens de retourner à leur place -quel toupet!- Cela semble gêner Bob; il empoigne son harmonica pour la fin de " I believe in you " ce qu'il n'a jamais fait auparavant . Finalement la foule se calme et le spectacle continue . Nous pouvons le voir fléchir sur ses genoux, bouger ses jambes , il crie dans le micro " how does it feel ? how does it feel ? " . Pretty good , thank you ! Il est super ce soir .. C'est le concert d'adieu . Le public est bon , reprenant " like a rolling stone " , se levant pour une ovation. Pour la première fois " every grain of sand " . Howard nous a dit qu'il avait demandé cette chanson en ajoutant " je ne sais pas s'il se souviendra des paroles . " Mais non , il ne les a pas oubliées ... " In the garden " , c'est le final. Nous nous levons pour saluer et Bob nous pointe du doigt " Salut Bobby " "Salut les filles! "
Stan nous fait signe et nous nous retrouvons au pied du micro , si près que nous pouvons toucher ses pompes . " blowin"' in the wind " et un cadeau " love minus zero/no lilmit" - l'une de mes chansons favorites - l'a-t-il deviné ? - " It's alright ma ", " it ain't me babe " . J'accompagne Bob qui baisse les yeux pour me voir . Je récupère un peu de son énergie et j'espère un peu de son esprit . Il s'empare d'une cloche , de bâtons et commence à battre la cadence . Je sais que ce sera " Jésus is the one " " Jésus .... is the one ....Jésus ...Is the one " bing bing , clap , clap ! "Knockin' on heaven's door " et tout est fini .
Nous passons en coulisses pour la dernière fois . Nous voulons remercier Stan, qui se sauve . Il ne veut pas nous dire son nom . Il n'a jamais su quelle position prendre vis à vis de nous. J'espère qu'il est meilleur médecin que psychologue . Meyers lui est un homme d'affaires quoi que ....Carole me dit l'avoir vu embrasser une fille en coulisses, cette fille que nous avons retrouvée plus tard avec des billets de faveur . Alors même Meyers se laisse corrompre ? Don , lui , nous met carrément à la porte . Il ne changera jamais celui-là . Nous décidons alors de suivre les bus . Nous nous retrouvons carrément à l'extérieur de la ville devant un hôtel luxueux . Nous y retrouvons Bill qui fait son petit manège de détective . Il nous dit que tous y compris Bob sont réunis au bar . Il n'est sûrement pas question pour nous de les déranger .
VIII
Durant tout ce voyage nous n'avons eu qu'humiliations , nous aurions pût avoir du bon temps mais cela n'était pas permis sans doute ! Dès qu'ils ont quelque pouvoir , ils l'exercent sur les premiers qui se présentent , sans discernement . Et l'on se demande pourquoi Bob est un tel reclus ? Cela ne m'étonne plus avec de telles têtes vides ! Que pourrait-il faire d'autre que s'échapper dans la lecture ou l'écriture ? Il a été prouvé qu'ils n'étaient même pas des hommes de bonne sécurité , alors ?
Nous avons en tête de rester sur le parking de l’hôtel et de dormir dans la voiture , d'où nous observons Don et Meyers qui chargent les bus avec des bagages . Bill le chauffeur de Dylan- nettoie son car et jette quelques trucs à la poubelle . Nous essayons de dormir à l'arrière de la voiture mais il fait si froid que nous ne pouvons trouver le sommeil . Carole se lève et va fouiller dans la poubelle- Weberman est de retour- Nous récupérons un trésor: des corbeilles à fruits avec des pommes, des oranges , des noisettes ... de petits paquets de céréales aux raisons secs , des fleurs séchées et un harmonica en forme de banane . Est- ce que Bob a soufflé dedans ? Aucune note écrite . Nous ne pouvons nous empêcher de rire de notre situation : nous sommes frigorifiées sur un parking d'hôtel avec les restes de poubelle de Mr Bob Dylan . C'est la touche finale d'un grand rêve . Un rêve qui est devenu réalité .
CINQUIEME PARTIE 1984
Et l’incroyable arriva. L’un de mes rêves fous se concrétisa : Dylan jour à Nantes (ma ville) le 30 Juin 1984.
Sont annoncés 28 concerts en Europe avec Carlos Santana et … Joan Baez. Le Roi et la Reine ensemble à nouveau ?
Nantes le 30 Juin 1984.
A 10 du matin deux de mes sœurs et moi-même sommes à la porte du stadium. Quelques matinaux sont déjà là, il y en a même qui ont dormis sur place. Les portes devraient s’ouvrir à midi et le premier groupe devrait se présenter à 16 h. La queue s’allonge. Nous devenons nerveuses. Les portes n’ouvriront finalement qu’à 14 h. Un sprint jusqu’au devant de la scène et nous prenons un casse croûte bien mérité. L’après-midi va être longue car Bob ne doit passer qu’à 21h. Je me demande si je vais revoir Jim ou Stan ou encore Meyers.
Le groupe local essaie de se défendre face à une foule inespérée.
La Reine apparaît. Des rumeurs circulent comme quoi se serait son dernier concert du tour.
« J’ai eu des problèmes avec mon manager » explique-t-elle « parce que c’est une femme ».Pas de problèmes persos avec Bobby ?? Son show est le même qu’en 78,79,80,81,82,83…Elle affiche juste plus de rides et de cheveux blancs et son sourire semble fiché. Son français ne s’est pas amélioré. Mais le fait-elle exprès ? Mais le public est visiblement là pour Dylan. Il reste tout juste poli. Elle demande au premier rang de s’asseoir. Mais le premier rang est plaqué contre la barrière !!
Santana se pointe : émacié mais en pleine forme. La macrobiotique est passée par là. Son orchestre est plutôt hétéroclite : blanc, noir, chicano… des percussions dans tous les sens. Il s’évade dans un morceau qui n’en finit pas en se tournant vers l’image de son Guru et en oubliant le public.
J’aperçoit Stanley et lui fait signe de s’approcher. Embrassade , un petit bisou au passage.
« je me demandais quand je vous verrais ? »
« Est-ce Jim est là ? »
« Non, il travaille pour Neil Diamond »
Meyers ne semble pas être dans les parages, c’est un tout organisé par Bill Graham.
« Je pourrais te mettre sur la scène mais tu sembles avoir une bonne place ici. Tu vas à Paris et Grenoble ? »
« non, pas de sous »
« ah !dommage ! »
« Comment va bob ? »
« Bien »
« Va-t-il faire un tour aux USA ? »
« rien avant plusieurs années
« Dis lui bonjour de ma part »
Je mâchouille quelques cerises que j’avale tout cru car plus tôt que je ne le prévoyait LE voilà qui s’avance sur scène.
Chemise blanche, longue chemise noire par dessus, sans chapeau, sans lunettes.
A toute allure il démarre « highway61 » que j’ai du mal à reconnaître. Mick Taylor sur sa gauche : gonflé et vieux. Perdus derrière le matos trois « punks »sans personnalité. Le pire groupe que j’ai jamais vu. Lui, seul avec une guitare acoustique aurait fait l’affaire. Pas la peine de lui faire signe il ne voit rien, c’est tout juste s’il ne se cogne pas dans son micro.
« highwai61 », “jokerman “, « all along the watch tower », “just like a woman”, “Maggie’s farm”, “I and I”, “licence to kill”, “a hard rain’s a gonna fall”, “girl from the north country”, “it’s alright Ma”, “simple twist of fate”, “the ballad of Hollis Brown”, “ballade of a thin man” ,”masters of war”, ”every grain of sand”, ”like a rolling stone”.
Il présente ses musiciens avant d’enchaîner.
« the lonesome death of Hattie Carol », « the time’s they are a-changing », « it takes a lot to laugh, it takes a train to cry » , »leopard skin pill box hat”, Un encore avec Santana “blowing in the wind” “tombstone blues”.
Mick Taylor qui a du fauter sur l’une des chansons vient s’excuser au micro : “c’est la première fois que l’on fait cette chanson” et Dylan de renchérir “ce n’est pas vrai, on la fait tout le temps”. Mr D est de mauvaise humeur. Il semble s’ennuyé. Nous y avons presque cru lors des premières chansons mais cela est vite devenu du déjà vu (en français dans le texte).
Le fait qu’il ne porte pas de lunettes me laisse croire qu’il n’a pas envie de NOUS voir.
Je suis à la fois satisfaite et déçue. Si le tour est de cet acabit je ne regrette pas de ne pas être du voyage.
Les rumeurs habituelles circulent : il se sauve juste après le show, il voyage en jet privé ??, il reste dans quelques hôtels secrets,. Tout faut selon mon amie Claude Angel Boni qui le rencontrera intimement au cours de cette tournée (histoire relatée dans son livre ‘stuck inside of mobil : a rapsody for Bob Dylan).
« oh a false clock tries to tick out my time
to disgrace, distract and bother me.
And the dirt of gossip blows into my face,
And the dust of rumors covers me.
But if the arrow is straight
And the point is slick,
It can pierce through dust no matter how thick.
So I’ll make my stand
And remain as I am
And bid farewell and don’t give a damn
SIXIEME PARTIE 1986
I
Une lettre de Carole, mon amie du Tour 81, à la fin Avril 86, m’informe que Dylan fera un Tour aux USA au début de Juin. Après le succès des Tours au Japon, en Australie, en Nouvelles Zélande il décide de poursuivre avec Tom Petty et les Heatbreakers. Je vois là l’opportunité de partir à nouveau pour un voyage fou et ouvrir un peu plus les portes de la Dylan perception.
Après mes péripéties de 78 à Paris et Blackbush, 79 en Californie, 81 en Europe Canada et USA, cette nouvelle aventure ne me fait pas peur. Je sais que j’ai besoin d’organisation, d’argent, beaucoup de courage, une très bonne santé, et une foie à déplacer les montagnes.
Je pense avoir touts ces éléments et je commence à m’organiser. Heureusement c’est la basse saison et je peux me procurer un billet d’avion à moins cher. Mon visa me pose quelques soucis vite résolus après un saut à l’ambassade de Paris. J’ai profite pour visiter le Louvres et m’envole pour New York.
Huit heures de vol … New York, New York BIG APPLE me voilà !
Je retiens mon soufflé en posant mes pieds sur le sol Américain. 5 ans se sont écoulées depuis mon dernier passage.
Je traverse toute la ville pour reprendre un vol vers San Francisco à l’aéroport de Newark.
La tournée commence sur la côte Ouest :
9 juin San Diego, CA 11 Reno, NV 12 Sacramento, CA 13 & 14 Berkeley, CA
16 & 17 Costa Mesa, Ca 18 Phoenix, Az 20 Houston, TX 21 Austin, TX 22 Dallas, TX
24 Indianapolis, IN 26 Minneapolis, MN 27 Milwaukkee, WI 29 Chicago, IL 30 detroit, MI
1 Juillet Detroit, MI 2 Akron, OH 4 Buffalo, NY 6 & 7 Washington, DC 8 & 9 Boston, MA
11 Hartford, CT 13 Saratoga Springs, NY 15 & 16 & 17 New York, NY 19 & 20 Philadelphia, PA 21 E.Rutherford, NY 22 Boston, MA 24 Kansas City, O
26 & 27 Denvers, CO 29 Portland, OR 31 Tacoma, WA
1 August Vancouver, BC Canada 3 Bay Area, CA 5 & 6 L.A. , CA
TRUE CONFESSIONS TOUR
Mon billet de retour est pour le 23 Juillet de New York. J’ai un passe Greyhound pour 30 jours. Je connais bien ce moyens de voyager à bon marché à travers les USA : air conditionné, fauteuil assez large pour dormir. Ce sera ma chambre pour de nombreuses nuits.
Après une heure de stop over à Baltimore et quelques heures de vol supplémentaires j’atterrie à SF. Je me rends chez Carole qui n’est pas là. Je m’endors sur les marches. Elle rentre à 3 heure du matin et nous tombons de sommeil.
Carole et son frère Bruce décident de participer aux quatre shows après celui de San Diego. Ils voyageront en voiture. Alors je me joints à eux.
ON THE RAOD AGAIN
Nous arrivons à Reno dans l’après midi. C’est un miracle que le concert ne soit pas complet. Nous nous rendons sur les lieux. Nous forçons un peu mais nous sommes rejetés. Nous espionnons autour : quelques limos arrivent et partent. Nous nous demandons si Bob a décidé de voyager dans le grand luxe. Après quelques heures d’attente nous entrons sans avoir vu le Boss. Je sais que Bob Meyers est à nouveau le road manager et que je n’ai rien à attendre de lui.
Nos sièges sont très mal placés , tout en haut de la colline et le son est mauvais.
Dylan commence avec Tom Petty et les Heartbreakers en soutien puis Tom Petty and the heartbreakers seuls. Dylan à la guitare acoustique pour trois chansons, Petty le rejoint. Petty seul pour quatre chansons et le final ensemble. Trois chansons de rappel et le show est fini.
Dylan est correct mais le show est court et un peu classique , peu de changement par rapport à 81 ou 84 sauf quelques morceaux du dernier album : Empire burlesque. Quelques vieux morceaux comme « a song to Woody », quelques nouveaux « Clean cut kid » et les célèbres « Ballad of a thin man », « like a rolling ston », « masters of war » … une « positivily 4th street » aggressive et une fabuleuse « rainy day women 12 & 35 ».
Petty n’est pas mon genre et je trouve qu’on le voit trop.
Nous trouvons l’hôtel de Dylan après une petite confusion car Dylan et Petty ne sont pas au même hôtel. Un bus-hôtel rouge est stationné devant le « airport plaza » un hôtel banal vers l’aéroport. Nous attendons des heures et des heures, furetant tout autour du patio. Rien. Il fait très chaud. Le chauffeur du bus nous dis gentiment qu’ils ne partiront pas avant 3 heure de l’après midi.
3 heure de l’après-midi : tout le monde est dans le bus ou autour du bus, les choristes (4 chanteuses afro-américaine) et les autres attendant patiemment pour Meyers. Il est nerveux et ne semble pas nous reconnaître. Après un long moment un mini van arrive de derrière l’hôtel et s’arrête près du bus. Carole s’écrit « le voilà ! le voilà ! ». nous courrons tous les trois poursuivis par Meyers. Pauvre Bob ! il est fatigué ou bien saoul. Il barbouille un autographe pour Bruce sans un regard et saute dans son bus. Nous avons une drôle d’impression. Carole pense qu’il est drogué mais à Quoi ? Il semblait si fragile et si maigre. Il ne nous a pas reconnu.
Nous commençons une course folle, suivant le bus rouge de Reno à Sacramento. La course se finit nulle part. Ils foncent droit vers le parking. Pas d’hôtel. Nous savons qu’ils ne resterons pas dormir à Sacramento mais irons tout droit vers Berkeley. Nous allons devoir suivre à nouveau si nous voulons savoir où ils resteront.
II
Le concert est en plein air et il n’y a pas de chaises. Avec beaucoup d’audace et un soupçon de chance nous nous glissons au premier rang. Il est 19 h et le concert commence à 19h30.
Le son n’est pas génial mais au moins nous sommes devant. Nous pouvons observer la peau translucide du gars.
Sitôt le rappel finit nous fonçons en coulisse mais ils sont déjà partis. Nous filons vers San Françisco.
Après une bonne nuit de sommeil, Bruce repère l’hôtel (une spécialité pour quelqu’un qui chasse les autographes).
A trois heure de l’après midi nous sommes à l’intérieur d’un splendide palace à Berkeley : un château de conte de fée. L’attente commence , confortable mais nerveuse. Nous croisons des gars du groupe : Howie le bassiste des Heartbreakers, trois des quatre choristes. Seul Joey le chauffeur du bus est sympa et modeste. Les autres semblent fiers. Nous nous sentons mal à l’aise. De trop.
Après plusieurs heures nous apercevons une silhouette échevelée. IL apparaît tout de noir vêtu. Carole se fige. Je fais un pas et lui demande un autographe sur l’un de mes dessins. Il signe, réservé, sans commentaire. Carole retrouve sa voix et lui explique qui nous sommes. »Vous vous souvenez de nous, 81 ? je suis la danseuse de San Francisco. As tu besoin d’une danseuse pour ton prochain clip ? » « Je ne ferais plus de clip » »pouvons-nous avoir des billets pour ce soir ? » « oui, quel est ton nom « , »York ». Il pointe vers un gars un peu bizarre Garry Shnaffer et dit « deux sous le nom de York » »Merci ». Et le voilà parti.
Merci à Carole d’avoir eu le cran de lui demander des billets. Nous en restons toutes baba. Nous ne pouvons pas dire que l’approche fut chaleureuse mais au moins il ne nous a pas jetées. Il n’avait pas l’air fâché autant que l’on puisse le deviner. Il fut sans doute le mieux qu’il aurait pu être à ce moment. J’ai mon autographe et nous avons deux billets de l’homme lui-même. Je suis satisfaite. Il n’a pas du nous reconnaître mais pourquoi lui en vouloir ? Cela fait 5 ans.
Quand nous entrons au Greek Theater nous nous rendons compte que les sièges ne sont pas très bien placés et qu’il appartiennent à un groupe de 200 VIPs. Nous nous déplaçons subrepticement vers le côté pour sortir le plus vite possible et atteindre l’hôtel avant le groupe.
Le son est meilleur. Les chansons sont presque toutes identiques avec un très bel acoustique « the lonesome death of Hattie Carole ». Quelques chansons que je ne reconnaît pas. Nous savons que la dernière est « knocking on heaven’s door » et juste avant la fin , nous courront dehors. Carole conduit vite et nous sommes rapidement au Clairmont. Une demi heure après arrivent tom Petty et son groupe, puis les hommes d’affaire quelque soit leur rôle. Je me demande pourquoi autant. Meyers arrive suivit de Bob. Une fille lui saute dessus et lui demande si elle peut l’embrasser. Bob sourit « non !non ! » et poursuit son chemin l’air surprit mais sûrement flatté. Il fait soudain demi tour et part … aux toilettes. Immédiatement les gardes du corps se plantent devant les portes.(ils n’ont pas arrêté la fille !!). Il sort pour se diriger aussitôt vers le bar. Il ne s’est pas changé !!Il porte son pantalon noir en cuir, des boots noires, une veste en cuir noire, des gants sans doigt. Il doit rudement transpiré. Nous n’osons pas le suivre au bar. Nous attendons dans le halle. Il doit être autour de minuit et le bar ferme à 2 heure du mat . de la musique en sort. Dylan arrive et se dirige vers … les toilettes. Il marque un temps d’arrêt devant les portes, sans lunettes il ne doit pas y voir la différence MEN WOMEN ??!! Nous pouffons de rire devant notre idiotie. Quand il sort il nous jette un œil. Il se dirige vers le bar , puis à nouveau fait demi tour pour nous regardez du coin de l’œil.
a-t-il remarqué que nous ne sommes pas entré au bar ? Dans le hall une dizaine de fans tournent en rond . Les gardes du corps et la sécurité sont nerveux. Mais cette fois Dylan est allé aux toilettes TOUT seul.
Nous reprenons notre attende de plus en plus fatiguées. Un quart d’heure après 2 h, il sort. Carole lui dit quelques mots et à nouveau lui demande des billets pour le lendemain. »bien sur. Combien ?quatre ? », »non, trois seulement pour nous trois , merci ». Il était réservé comme s’il n’avait pas réalisé que nous l’attendions mais ni trop saoul, ni top arrogant. Aussi sympa qu’il peut être s’il ne connaît pas les personnes qui l’approche. »Merci Bobby !Bonne nuit ».
Nous revenons le lendemain vers 16h. Petty va et revient de la prise de son. Cela ne semble pas intéressé Dylan. Il ne sortira pas avant 19h. Nous partons. Nous devons trouver une place pour nous garer et vérifier que nous avons bien nos billets. Nous savons par expérience qu’entre ce que dit le Boss et les employés il y a un fossé et que les consignes se perdent. Si Dylan est généreux nous avons un doute en ce qui concerne Meyers. Mais nous avons ces billets et nous pouvons dire avec fierté que nous sommes les invités de Dylan.
Nous sommes au même endroit qu’hier. Le concert est le même. Passablement court. Quand nous commençons à nous échauffer, c’est la fin. Dylan n’est pas Springsteen.
Nous retournons au château et attendons jusqu’à 1h du mat. Finalement Joey est sympa de nous dire que le Boss s’est envolé vers L.A. Bye !Bye ! see ya !
Pour Carole et Bruce s’est la fin de l’aventure. Pour moi, elle commence dans la solitude, »freewheeling ». Munis de mon passe Greyhound, mon sac de fringues, quelques sous en poche et un cœur plein d’espoir.
III
Sept heure et demi de route avant d’atteindre L.A.
6 heure du matin et pas de bus pour Costa Mesa. Le point le plus proche est Hutingon Beach le fief des Hippies des années 60 : good good vibrations) et le premier bus part à 12h55.
Je marche dans les rues de Downtown L.A. l’un des point les plus ‘chaud’ des U.S.A. Le plus pollué aussi. J’ai la sensation de perde beaucoup de temps mais j’en profite pour tenir un journal que je mets à jour entre les moments d’hyper activité. Quelque fois j’aurais préféré avoir une voiture mais le pays est si vaste qu’il est impossible de tenir ce rythme de déplacement seule au volant. Le bus donne la possibilité de repos entre deux points.
Une heure et demi de route et à nouveau je change de bus. Cet endroit est au beau milieu de null part ! Je me demande comment je vais retourner sur L.A. Et comment atteindre Phoenix ? Il n’y a pas de break entre les deux et Phoenix est très éloigné.
Mais pour le moment je suis à nouveau à la porte des Artistes. Il y a une rampe d’accès qui mène directement à l’intérieur du théâtre. Aucune chance d’apercevoir le Boss sauf s’il lui prend une de ses lubies. Je fais donc la queue pour entrer. A ma grande surprise la disposition n’est pas celle de Sacramento : ils ont ajouté des chaises au devant de la scène et je me retrouve sur la pelouse , très éloignée du premier rang. Le public me déçoit ; très BCBG des ‘yuppies’, la classe aisée de L.A. Et la classe aisée de L.A. EST aisée. Je préfèrerai les vieux ‘hippies’ de Berkeley.
Il est 7h30.C’est l’heure du spectacle mais la moitié seulement des sièges sont remplis. Il y a un flux continuel d’arrivées. Difficile de se concentrer sur ce qui se passe sur scène. Le son est bon. Les chansons sont les mêmes et Bobby est tellement petit la bas sur la scène ! Le public est stoïque.
Je me dirige vers les coulisses , je n’ai rien de mieux à faire car ce soir je dormirais dehors ; trop peux d’argent pour une chambre d’hôtel. Je dois calculer la somme de tous les billets de concert, et c‘est énorme.
Trois fans attendent aussi. Nous commençons à discuter. Ils savent à quel hôtel est descendu Dylan et me propose de me joindre à eux. Je saute dans la voiture et en route pour la gloire !
Une folle poursuite commence à 1heure du matin. Ils connaissent le nom de l’hôtel mais pas l’adresse. Nous devons suivre la voiture où s’est engouffré Dylan. Les voitures roulent à vive allure : c’est dingue !
Le gars qui mène la poursuite s’appelle Bryan, un fan des débuts de la dylanmania. Il était l’éditeur du premier fan-magazine sur Dylan appelé « zimmerman blues ». Bob lui dit qu’il n’aimait pas le nom : « zimmerman appartient au passé ». OK dit Bryan et appela son magazine « changing ». Le magazine n’existe plus. « Je suis retraité » explique Bryan « j’ai fait ce que j’ai pu pour Dylan. J ‘ai fait mon devoir ». Il est sympa et amusant. Les deux autres ne sont pas des fans mais veulent s’amuser.
Nous trouvons l’hôtel : un très célèbre « four seasons ».Les deux gars sont époustouflés par le luxe mais Bryan et moi en avons vu d’autres (l’hôtel Meurise rue de rivolie n’est pas mal non plus !Et le Clairmont de Berkeley !). Bryan commence à s’excité et veut savoir dans quelle chambre va dormir Dylan. Nous atteignons le 20ième étage et étage par étage nous jouons les détectives. Nous essayons d’entendre une voix familière, un son de guitare. Nous entendons des rires et des voies à la chambre1111. Bryan veut savoir ce qui s’y passe. Un portier cherche Howie Epstein. Bryan spontanément lui indique qu’Howie est à la chambre1111. Le portier frappe à la porte qui s’ouvre et Bryan se précipite à l’intérieur. Mais pas de Dylan.
Pour ma part je veux juste savoir si Stanley Golden se trouve part là. J’ai cru l’apercevoir sur la scène. Il devrait se souvenir de moi, de l’année81. Il était le confident/bodygard/médecin de Bob. On s’est revu en 84 à Nantes et il semblait sympa. Le portier me donne son numéro de téléphone, mais Stan dit ne pas se souvenir de moi. Il était 2h du matin et sans doute était-il en train de dormir. Il me demande de téléphoner le lendemain. Mais c’est aujourd’hui !! Nous savons en tout cas que Dylan est bien dans cet hôtel. Mais où ? A trois heure du matin , nous renonçons.
A 4h je m’effondre dans l’appartement de Bryan, et je dors, je dors.
IV
Le jour suivant. Je retourne à l’hôtel et demande Stanley. »je ne peux pas vous parler maintenant mais on se verra au concert. » »ok ».
En se rendant au concert nous avons une roue à plat comme Bryan n’est pas supposé conduire il commence à flipper. Je décide de faire du stop. Je demande pour Stanley Golden en coulisses mais on me répons qu’il n’y a pas de Stanley Golden ?! Je pense que Stan m’évite , qu’il ne veut pas s’impliquer.
Ce public là est pour Tom Petty. Quelques blondes hystériques mais le reste du public est plutôt froid.
Bryan m’a finalement rejoint à la porte des artistes et m’invite à son studio de Santa Monica. Il me montre ses « souvenirs » : un ticket d’avion pour les Bardanes au nom de Dylan, une carte d’anniversaire pour l’un des petits Dylan signé « love dad », une feuille de papier pleine de « robert » pour un renouvellement de passeport où il doit écrire son nom en toutes lettres. L’écriture est plus petite et plus nette que sur les autographes. Je me souviens qu’il signe de la main gauche alors qu’il est parfaitement droitier. Essaie-t-il de contrecarrer la graphologie ?
Plus intéressant, c’est la collection de vidéo. Je passe la nuit à visionner les cassettes : « concert for Bangla-Desh », »Johnny Cash session »,, des shows Télé : une ou deux chansons avec earl Scruggs en coulisse quelque part,, trois chansons du disque « next morning » , Dylan est seul à la guitare acoustique. Je ne sais pas pourquoi il la fait mais il est mignon avec sa face ronde, jeune, avec une barbe naissante, et des yeux d’un bleu transparent qui crèvent l’écran. A cette époque il n’avait pas l’air dur d’aujourd’hui plutôt l’aspect d’un angelot.
Bryan possède une pièce rare : la totalité du « Sunday peace concert « en duo avec Joan Baez au Rose Bowl Pasadna 82.Quatre chansons au total. Là également il n’avait pas perdu ses joues rondes et était enveloppé dans un costume serré. Un moment magique. Et pour finir je me régale avec les deux heures de « Renaldo and Clara ». Je prends soin d’avancer l’image à chaque plan où Dylan n’apparaît pas. Je repasse quelques scènes juteuses : le trio Dylan, Sarah, Baez. Ce film fut un flop mais ce n’était pas un film hollywoodien plutôt un genre Dali-Bunuel : un collage, une vue surréaliste de la carrière de Dylan et de sa personnalité. Le genre à couper Dylan en morceaux et à recoller les morceaux dans le désordre comme toutes les faces d’un diamant.
V
Bryan est quelqu’un ! Il est se que j’appelle un bon parasite(Weberman étant le mauvais parasite), un dynalogiste. Bryan habitait à N.Y. quand il attendit dire que Bob avait déménagé à L.A. et qu’il avait un studio à Santa Monica. Bryan déménagea à Santa Monica, juste en face du studio. Pendant de nombreuse années jusqu’à la fermeture du studio en 83 il observa les allées et venues de Dylan. Le studio étant construit de verre , il pouvait voir Dylan ouvrir son courrier ou répondre au téléphone. Si bien qu’un jour il demanda à Bob sil ne le dérangeait pas. »non » répondit-il « si je veux te parler je le fait sinon, non », »ok pour moi » répondit Bryan. Bryan se contenta d’écouter les sons sortant du studio et de fouiller dans la poubelle. C’est par lui que les fans apprirent un jour que son ami Howard Alk était mort au studio.
Bryan fut invité (ou s’invita) à la Bar Mitzvah de Jakob en 84(un an après la Bar Mitzvah de son frère Jesse au mur à Jerusalem).Donc paradoxalement l’aîné de la famille Dylan aurait eu sa Bar Mitzvah à 17 ans. A la demande de sa grand-mère il aurait eu une célébration orthodoxe au mur des lamentations avec un père devenu ultra-orthodox(du moins en apparence). Jesse avait 13 ans en 79 qu’en Bob était devenu Chrétien !
Bryan me dit que Dylan peut danser la Hora correctement. Il se trouvait tous les ans pour Yom Kippur dans la synagogue de Santa Monica et y voyait Bob régulièrement. Il avait aussi pris l’habitude de passer régulièrement devant la maison de Sarah à Beverly Hills et d’y voir garer la fameuse Cadillac rouge à toit blanc. Il me dit q’une fois ou deux par an il pouvait rencontrer Dylan au volant de l’une ou l’autre de ses voitures. Il me monta le restaurant favoris de Bob ; un italien nommé Bruno’s. Il y envoyait souvent l’un de ses employés prendre des plats.
J’apprécie énormément la compagnie de Bryan qui fut le Fan le plus décent jamais rencontré. Mais je dois partir.
VI
A 6 heure du matin et sans avoir dormi je suis à la station Greyhound.. Je pense dormir dans le bus jusqu’à Phoenix. Je dors, je mange, je me laisse aller dans cette boîte à air conditionnée : je suis dans du coton.
Il est 7.55 du soir quand j’atteins Phoenix, cinq minutes avant le début du concert. Je saute dans un taxi. Le chauffeur est malin et évite le trafic. Aussitôt arrivée on me propose un billet à10$. La place n’est pas géniale mais je suis dans les temps. Durant la prestation de Petty je me rapproche de la scène. Je laisse mon sac sous un siège et progresse vers l’avant de siège vide en siège vide. Je joue à cache-cache avec la sécurité. Pour la fin je suis juste devant et me dresse sur une chaise. Bob n’a jamais été aussi près. Il a l’air vieux et fatigué. Il ne porte pas de lunettes , j’en déduit qu’il ne voie même pas le premier rang de spectateurs. Je reste debout pour les trois derniers rappels et après « knocking on heave’s door » , je sais que c’est fini.
Ce fut un très bon concert avec un public réactif. Le meilleur concert jusqu’à présent pour ce tour. Mais ma position ne me permet peut-être pas d’être objective car être si prêt donne l’impression de faire parti du groupe. Les premiers rangs sont les meilleurs mais malheureusement pas toujours réservés aux meilleurs fans mais souvent aux plus riches.
Les impression sont pourtant les meilleurs aux premiers rangs bien plus qu’au fond d’une salle immense.
Je vais à l’arrière. C’est un parking intérieur. La sécurité joue son rôle et disperse les curieux. J’ai juste le temps de voir Bob entrer à l’intérieur d’un van avec les choristes et quelques gars de l’entourage. Ils s’éloignent. Deux frapadingues courent après le van et manquent de se faire écraser.
Maintenant je dois trouver un endroit où dormir. Je m’adresse à une fille qui est plantée là comme moi. Elle me dit avoir rencontré Bob la première fois en 74. Elle eut la chance de lui serrer la main et cela la marqué. Elle vient de Denvers pour voir le concert. Elle m’invite à partager sa chambre d’hôtel mais doit partir à 6 heure du matin. Cela nous laisse 3 heures de sommeil.
Je marche dans les rues de Phoenix à la recherche du bus rouge, mais rien. IL fait chaud. Mes pieds et ma tête me font mal. A la gare de bus j’apprends qu’il faut 32 heures pour rejoindre Houston. Je téléphone à l’aéroport. Il y a un vol à 8.30h qui arrive à 12.40h pur 115$. Je n’ai pas trop le choix. Je me demande quel vol va prendre Bob. Première bien sur. A posteriori, après les événements de la tournée , je pense qu’il est parti juste après le concert. L’avion part à 8.30h sans Dylan. Deux heures de vol plus tard, un petit déjeuner et deux heures de changement d’horaire…il est 12h40. Je prends le bus vers la ville. En marchant dans les rues qu’elle n’est pas ma surprise d’apercevoir le bus rouge et un autre bus ‘freak’ nommé le « Buffalo Springfield ». Je me demande s’il appartient à un musicien qui le rejoindrait sur scène. Ils sont stationnés devant un hôtel imposant. Je n’hésite pas et entre. Je demande au réceptionniste le meilleur chemin pour me rendre au concert. Il est sympa et me donne les instructions. J’avale un hamburger et des frites au Mc Do du coin et vais reprendre ma position devant la porte. J’attends plusieurs heures sous la tempête. Meyers sort. Joey me salut. Les bagages s’empilent dans le bus sous la direction de Meyers. Donc ils quitteront la ville juste après le concert. Un garde du corps m’interpelle « qu’attendez-vous ? » « Dylan », »le l’arrêtez pas, ne lui parlez pas nous sommes en retard ». Il me reconduit à la porte. 5 heures d’attente pour rien !
Je me cache dans un coin et attends. Une jeune fille flanquée d’un gros chien monte dans le ‘Buffalo Springfield’. J’ai supposé plus tard que c’était Anna Dylan. Dylan sort chaussé de ses lunettes noires et me regarde mais je ne bronche pas. Il rentre au fond du bus. Puis revient parler au chauffeur et en levant les yeux me salue de la main. Merci Bob, je me sens revivre.
Je prends un bus pour aller à l’amphithéâtre. Il se situe à l’intérieur d’un parc d’attraction. C’est pas complet mais je n’obtiens qu’une place debout. C’est comme à Costa Mesa, sur la pelouse et très loin. Les concerts en Europe était mieux disposés. En patientant plusieurs heures on était sur d’être au premier rang, mais ici, aucune chance et de plus la sécurité est ‘lourde’. Les billets sont également chers, jusqu’à 20$.
Le concert est bien mais rien de nouveau et rien de très excitant pour un public qui ne cesse de mâcher des hot dogs et de boires des bières, allant et venant sans cesse et qui s’intéresse peu à ce qui se passe sur la scène. Je me demande pourquoi ils paient 20€ pour venir manger des hot dogs et boire de la bière. Nous somme loin des concerts des années 60 où on pouvait entendre une mouche voler quand Dylan cessait de souffler dans son harmonica. Quel respect alors !
Le premier rang de nos jours n’est pas un luxe !
Pas moyen de trouver la porte des artistes parmi les manèges. J’espère juste que le parc ne ferme pas pour me donner une chance d’y dormi. Mais nous sommes aux USA, ils ferment à minuit et tout le monde doit sortir. Je me retrouve sur un parking de Holiday Inn et me couche sous le pare choc d’un camion. Je dors environ deux heures Il ne fait pas froid mais je suis mangée par les fourmis. A 6 heure du matin je prends un petit déjeuner à la cafétéria du Inn et saute dans un bus en direction de la gare Greyhound. En route pour Austin. Je somnole pendant trois heures.
VII
Austin : toute dispersée. Cela me prend une heure pour rejoindre le centre et acheté un billet. Bien sur une mauvaise place , tout en haut. C’est un théâtre fermé. La porte des artistes est accessible. Quelques fans attendent pour un autographe. J’explique le rituel :Petty arrive vers 5 heure pour une prise de son avec ses Heartbreakers, puis à 7h le bus rouge avec les choristes et le personnel et pas très loin le ‘Buffalo Springfield’ avec Dylan lui-même. Nous sommes prêts. Tout arrive comme prévu. Bob sort et se dirige vers la porte sans prendre connaissance des Fans. Personne ne bouge. Puis il fait demi-tour et revient vers le bus. Il demande son chien. A cet instant trois filles lui demandent un autographe qu’il signe avec amabilité. Il me regarde « tu veux un autographe ? », »merci, j’en ai eu un à Berkeley » »ah oui je t’ais déjà vu », »vous filez tout droit vers Dallas » »Hm,Hm », »je te verrais là bas ».Il demande aux filles si elles ont un billet. « non ». Il me regarde »tu en as un ? » et disparaît. Je murmure « oui, j’en ai acheté un ». Merci quand même. Sa remarque ne sonnait pas comme une question mais plus comme une affirmation :je DEVAIS avoir un billet. Ce qu’il désire avant tout c’est que les gens aillent à ses concerts. Les autographes ne sont que la cerise sur le gâteau. Se souvient-il vraiment de moi ? De 81 ?
Je prends position très loin, presque derrière la scène.
A 8h15 la salle est pleine qu’au 1/5ième. Il rentre à 8h30 et la foule continue d’affluer. J’essaie de me rapprocher durant la prestation de Petty mais l’âme n’y est pas. Le public est très froid. Je n’ai pas aimé ce concert : trop loin, le public mauvais et rien de nouveau sur scène.
Je me dirige vers l’arrière. Quelques personnes attendent. Le chien(un bull mastiff sous le nom de Brutus)attend dans le bus. Ils rapprochent les bus des portes et chassent les bandeaux. Aucune chance de voir Bob. Il monte dans son bus. Je me déplace vers une grille où les bus doivent marquer un arrêt/ Bob est à l’avant et me signe de la main. Bye !Bye ! my love !
Je reste sur le parking jusqu’à 2 heure du matin. Je commence à paniquer au fur et mesure que je vois les camions quitter le lieu. Il n’y a presque plus personne autour et les fourmis aiment trop ma chaire pour que je puisse dormir sur la pelouse. Je demande à un gars qui monte dans son camion s’il pourrait me conduire à la gare Grehound. Je lui raconte mon histoire. Cela l’impressionne et il m’invite chez lui. Bo and Janet are angels. Elle lave mes vêtements, me donne des draps pour m’installer sur le sofa, me prépare un petit dej. au matin. Cette nuit là Bob passe sur TV.H.B.O. à 4heure du matin. J’entends « a hard rain’s a gonna fall » dans mes rêves, incapable d’ouvrir les yeux.
Bo qui travailla en coulisses me dit que Willy Nelson était là mais il n’ait pas apparu sur scène.
8 heure. Janet me conduit à la gare des bus. Je pars vers Dallas.
Dallas. C’est dimanche et tout est fermé sauf le McDo où je prends un hamburger-frittes-coca. Je marche mais le ‘Buffalo Springfield’ ne se matérialise pas. Je me rends au théâtre. J’attends quatre heures avant de voir filer devant moi le van avec Dylan à bord. Le prochain concert est à Indianapolis. C’est trop loin pour le ‘Buffalo Springfield’ et le groupe prendra sans doute l’avion ce soir.
Mon siège est encore très loin. Pas moyen de se déplacer avec une telle sécurité. La capacité est autour de 20 000 place comme à Austin mais le public est bien meilleure.
Dylan chante pour la première fois « one too many mornings » et complète son set acoustique avec « to ramona » et « the lonesome death of Hattie Carole ». Je me sens mieux car ce sont quelques unes de mes chansons favorites. Petty prend sur lui de faire chanter le public avec Bob mais celui ci a déjà du mal à se souvenir des paroles et se trouve déstabilisé. Il a perdu le contrôle de la scène. Cela n’arrivera plus jamais.
Ils partent une demi-heure après la fin et se sauvent sans doute vers l’aéroport. Une voiture à leur trousse.
J’ai 23 heures de bus avant d’atteindre Indianapolis. Je dors la plupart du temps. Carole aimerait me rejoindre à Washington D.C. avec un camping-car qui a besoin de réparation.
Pour l’instant rien d’extraordinaire ne m’est arrivé. Je n’ai toujours pas approché Bob.
VIII
Indianapolis 12.30.
J’attends le levé du jour et sorts dans les rues. Que vois-je ? Les bus des roadies devant un hôtel. Je téléphone et demande Meyers. Bingo, c’est l’hôtel.
Je fais un tour dans a ville avant de revenir vers l’hôtel. J’aperçois les gardes et m’éloigne. Brutus sort avec Anna et un autre garçon qui est visiblement un Dylan. Je pensais Jesse. Ils promènent le chien et rentrent. Le théâtre n’est pas loin de l’hôtel alors je décide d’attendre la sortie du Boss. A 5 heure j’entre pour prendre un café au bar et je vois Meyers vers 6 heure dans le hall très nerveux. Le Boss devrait sortir assez vite. Je me rapproche un peu trop des portes et les gardes me signalent à la sécurité de l’hôtel. Je dois sortir et attends dehors dans le froid. A 19h Brutus et Anna montent dans un van. Le jeune Dylan descend la rue caméra au point. Dylan sort enfin poursuivi par trois filles qui lui demande un autographe. Bob doit s’arrêter pour signer et me repère. Il me demande à nouveau si je veux un autographe mais me reconnaît. Je lui passe mon cadeau.
C’est encore un théâtre fermé et je suis très loin. La salle n’est pas pleine mais les premiers rangs, si. Il a des problèmes avec sa guitare et finit « like a rolling stone » au piano. Il semble satisfait du public et lance son harmonica à un gars des plus enthousiaste.
Je connais le show par cœur et m’amuse à reconnaître les chansons dès l’intro.
Quelques surprisse se glissent « so long, good luck and goodbye » sera éventuellement remplacée par « shake your hands » de Ray Charles. « positively 4th street » disparaît pour « all along the watchtower », « clean cut kid » plus rythm and blues que la version de l’album, »lenny bruce » sera remplacé par « shot of love » ou « emotionaly yours », »you and me we had it all » ou « lucky old sun » « masters of war » « I and I ». Petty prend la scène pour quatre chansons. Dylan revient avec trois acoustiques « a song to Woody » (les deux premiers concerts) remplacée par « ramona »(qu’il ne fera jamais correctement : il oublie les paroles ou les mélange) »girl from the the north country » qu’il ne fera qu’à L.A. Je crois que Echo Elstrom habite à L.A.. Je l’ai vu sur une des cassettes de Bryan quand il a fait une fête avec des ami(e)s. A sa place on aura « one too many mornings », « the lonesome death of Hattie Carole » deux fois remplacée par « it ain’t me babe » ou « a hard rain’s a gonna fall ».
En duo avec Petty « I forgot more than you’ll ever know » qui est sur Self Portrait « band of the hand » ou « union sundown » »when the night comes falling from the sky » et après ce commentaire « Ricky Nelson a chanté beaucoup de mes chansons je vais en faire une de lui » « lonesome town », suivi de « ballad of a thin man » ou « I’ll remember you ». Petty a nouveau pour 4 chansons. Dylan revient pour « rainy day women 12 and 35 » raccourcie et remixée, »real you at last », « just accross the borderline » une chanson de Willie Nelson ? “like a rolling stone”, “in the garden”. Le rappel avec Petty “blowing in the wind”,”rock me baby” une de Chuck Berry ? “unchain my heart” de Ray Charles ou “money money”. Deux fois “just like a woman” “trust yourself”, “house of the rising sun”, une fois “lay lady lay”, “I want you” et le final ”knocking on heaven’s door” juste avant “like a rolling stone”. Dylan présente les musicians et dit hyroniquement “bien sur, j’ai mes propres Heartbreakers” : ces quatre choristes Carole Dennis, Madeline Quebec, Queen Esther Marrow , Louise Bethune. Au clavier Benmont Tench rejoint à Costa Mesa by All Kooper pour « like a rolling stone » (revu au New Jersey). Guitare électrique Mike Campbell rejoint à New York par Ron Wood, à la batterie Stan Lynch, à la basse Howie Epstein et à la guitare partageant le micro Tom Petty.
Le groupe est bien. Comme Dylan la dit lui-même « c’est comme parler à un seul homme ». Meilleur que le groupe de 84. Je regrette toutefois THE BAND qui était le vrai Band. Le groupe de 78 n’était pas mal dans son genre. Un peu sophistiqué avec violon et saxophone. Celui ci est plus Rock and Roll et même les douces chansons « clean cut kid » « in the garden » sont transformées en rock agressif. More Rock more Blues more Rythm and Blues même rockabilly avec ”money money”. Ca me rappelle Bill Haley and the comets un genre Tutti Frutti. Un choix de chansons de Ray Charles et Budy Holly. C’est sans doute pourquoi a choisi Tom Petty qui nous fit un « johnny be good » ou « so you want to be a rock and roll star une chanson de Roger Mc Guinn.
Dylan calme le rythme avec son temps d’acoustique , un ensemble de folk songs et quelques country de Willie Nelson et autre. L’apogée étant « like a rolling stone » et « rainy day women 12 and 35 » qui rend le public hystérique.
En somme un programme qui couvre ses 25 ans de carrière. De « a song to Woody » de son premier album jusqu’à de nombreux morceaux de « Empire Burlesque ».
Je vais directement à Minneapolis en passant par Chicago. Alors je peux passer le reste de la nuit dans le bus.
IX
Chicago 2 h du matin. Je ne veux pas ester là car l’atmosphère ne me rassure pas.
J’arrive à Minneapolis autour de 17.30h. Je prends une chambre au Y.M.C.A. Il n’y a pas de concert ce soir. J’ai besoin d’une douche, d’un bon lit, et d’une lessive avant de reprendre la route à nouveau pour un mois. Je vais devoir acheter tous mes billets. La rencontre avec Dylan face à face n’était qu’une illusion « just a dream, a vacuum a scheme Babe ! ».
Je cherche le bus un moment mais la ville est très grande. Je renonce. Je fais ma lessive dans l’évier , faits mon séchage au séchoir à cheveux et pars dans les bras de Morphée.
A 6h du matin les portes commencent à claquer. Parce que le Y.M.C.A. est un hôtel bon marché , une faune hétéroclite y demeure. Les « subterraneans » de la société américaine, ceux qui n’ont pas droit aux richesses. Je pars à la recherche de la salle de concert. Je ne sais jamais à l’avance où elle se trouve et j’essais d’obtenir des informations par les journaux. Je n’ai jamais de billet à l’avance non plus. Mais le Tour annoncé le ‘plus chaud’ de l’été n’est pas si chaud, les concerts ne sont jamais complet. Personne ne se bat pour un billet. L’année 74 est bien loin.
La salle s’appelle le Metrodome : un terrain de base-ball d’une capacité de 80 000 personnes. Il y en aura 5 500 ce soir. Ce soir est annoncé The Greatful Dead et bob Dylan et les Heartbreakers. Je connais the Grateful Dead. J’ai vu le groupe à San Francisco en 81 ou 82 et Jerry Garcia seul dans un club. Ce groupe est un phénomène : formé aux débuts des années 60, ils étaient les leader du mouvement Hippy. Ils n’ont guère changés, juste plus âgés et jouent toujours le même genre de musique , principalement psychédélique. Ils sont toujours en tournée. Si bien qu’ils ont leur cuisine ambulante personnelle avec un cuisinier particulier. Le plus extraordinaire est qu’ils ont une foule de groupies : 3000 à 4000 ‘suiveurs’ dans tout le pays. Je le savais mais je m’attendais à quelques vieux hippies barbus à cheveux longs et barbe blanche. En imaginant qu’ils aient eu 15 ans dans les années 60 ils doivent avoir plus les plus jeunes 36 ans et pour la majorité environ 40 ans. Qu’elle ne fut pas ma surprise de voir autour du Metrodome des jeunes habillés comme des hippis : longues robes, des pantalons ou shorts décolorés, des T.Shirs teints, cheveux longs et pieds nus. Jeunes et très jeunes ; 14,15,16 ans : les enfants des Hippies, aucun ne semblant sortir des années 60. Je ne comprends plus car je pensais que les vieux Hippies habitaient les collines de Santa Cruz, rêvant des bons vieux jours, disparaissant doucement ou essayant de se réintégrer dans la société de consommation. D’où viennent tous ces ‘freaks’ ? Ils s’appellent les ‘dead heads’, ce qui leur convient bien. Ils sont allongés sur les pelouses ou bien vendent des T.Shirt teints pour 10, 20 jusqu’à 30$, ou pour un dollar des autocollants du « gratefull dead », « love and peace » … woodstock’s back ! Ils sont partout : des voitures, des estafettes, des bus, de toutes les couleurs, de toutes les formes, la plupart rouillés, fumant et soufflant plein de bric à braque : des matelas, des couvertures, des fringues, des casseroles, des glacières, des cannettes de bières (vides ou pleine), de la nourriture, des radios, des cassettes, empilés dans et hors de leur véhicule.
Je me trouve un billet et attends. Je me demande où sont les fans de Dylan. Il commence à pleuvoir et ces idiots en profite pour prendre une douche.
Je sais que Dylan possède une ferme dans les environs. Je cherche en vain un moyen d’y accéder. Je me demande s’il y est avec sa mère et ses enfants où s’il est encore dans une de ses chambre d’hôtel sordide. Les journalistes annoncent que David, le frère de Bob a réservé un ensemble de 200 places pour le concert de ce soir. J’attends à la porte des artistes pour savoir dans quel véhicule il va arrivé. Le ‘greatful dead’ démarre à 18h.
Il est 19h, rien ne se passe et je rentre dans la salle. Le Show est commencé, et QUEL show ! Sur scène mais surtout à l’extérieur de la scène. Le stade est énorme mais ils ont eu la mauvaise idée de mettre des chaises au parterre. Les ‘dead heads’ n’aiment pas ça du tout. Il sont tous debout en train de danser. La sécurité est débordée et essaie de les contenir avec force. Je me glisse vers ma place. Je me tiens debout comme les autres mais la musique me laisse indifférent. Je reconnais une ou deux chansons du blues-Rock mais elles sont perdues dans le flot du psychédélisme. Il faut sans doute prendre des substances pour apprécier ce genre de musique. Il semble que ce soit les substances plus que la musique qui les fassent bouger. Deux gamins de moins de dix ans sont debout sur des chaises dansant et chantant : bien conditionnés !
Quand ils arrêtent il est déjà 9h. Cela prend une heure pour changer le matériel. Quand Dylan apparaît il est déjà 10h.
Les Hippies disparaissent ou au moins se calment. Le nouveau public semble plus civilisé.
Je me rapproche de la scène sans difficulté. La sécurité a été épuisé par les « dead ». c’est mon tour de chanter et danser. Dylan murmure quelque chose sur le Minnesota, son pays de naissance, quelque chose sur la première avenue où il avait l’habitude de jouer dans les bars. Il mentionne que sa mère est quelque part dans le public « quelque part là haut, si elle n’est pas déjà partie ». Il est très bon, le meilleur concert de tous les temps. Est-ce parce que sa famille est là ? il est heureux. Pour le rappel je suis au cinquième rang. La folie me prend : je me mets debout sur la chaise et chante. Quel pied !
Je sors surveiller le parking. Pas de bus. Déjà parti ? Je marche jusqu’à la gare du greyhound mais je me perds en route. Un gars sympa m’accompagne et nous trouvons porte close. Je demande mon sac à un garde et il m’invite à dormir à son appartement. C’est un « dead head » et un photographe. Le premier bus pour Milwaukee est à 7h demain matin. Il met son réveil pour 6 h, fume et dort… Je me réveille à 6h30. La radio est à fond, il dort … Je me précipite à la gare heureuse de me souvenir du chemin et qu’elle n’est pas très loin. Je saute dans le bus et dors pendant 8 heures.
X
Je suis heureuse d’être arrivé au Minnesota. Bien que je n’ai pas eu le temps de visiter Duluth ni Hibbing. Je ‘ressens’ la ville natale de Dylan et capture un peu de ce vent. Je réalise à cet instant la signification de « girl from the north country ». ‘The winds hit heavy on the borderline » n’est pas une phrase poétique, c’est la réalité. Les vents soufflent VRAIMENT fort à la frontière. Si l’été est sympa j’imagine les hivers terriblement froids et les gens vivant en intérieure. Je peux imaginer qu’il n’y avait pas de place pour un ado qui voulait devenir aussi grand qu’ Elvis. Bob écoutait les émissions radio de Blues Rock tard la nuit. Ces premiers héros étaient (excepté Hank Williams) des starts du Rock et du Blues. Son premier groupe était un groupe de Rock, bruyant et sauvage. Woody Guthry, Jimmy Rogers, le monde du folk arriva plus tard comme une façon pour Bob de s’exprimer intelligemment avec des paroles plus consistantes que les ‘lamentations’ Blues.
Et nous savons que Dylan changea tout. Sa performance électrique à New Port en 65 n’a pas été une trahison, c’était une évolution normale pour quelqu’un qui fut influencer par Chuck Berry, Buddie Holly, Fats Domino, Ledbelly… et Presley. Le jeune Zimmerman qui arriva au Greenwitch Village en 61 était suffisamment intelligent pour réaliser que ce n’était pas le temps du Rock and Roll mais il s’adapta à l’atmosphère Folk (aidé parWoody ?) jusqu’à ce qu’il décide qu’il était assez fort pour prendre le tournant et retourner à son premier amour : le monde du Rock and Roll. Merci à son humeur et à son éternel besoin de changement.
Je sais que le concert ce soir n’est pas à Milwaukee, mais loin dans la campagne ; un endroit nommé « Alpine Valley ». Le car n’y va pas, le bus n’y va pas , il n’y a pas de train. J’ai plus qu’à prier … et faire du stop. Je suis planté au milieu de « six crooked highways » (« oh ! where have you been my blue-eyed son , »). J’attends une demi heure et un gars me ramasse. Je lui explique la situation et gentiment il m’amène jusqu’au concert. Une heure de route au milieu des champs de maïs. Je ne sais pas ce qu’une salle de concert fait si loin de toute vie. Est-ce que les vaches apprécient le Rock ?
Le lieu est comme à Costa Mesa : moitié couvert, moitié en plein air. Couvert pour les chanceux, ouvert pour les malheureux. Je suis de ceux là. Stanley est dans le coin. Le son est pourris. Je connais le répertoire par cœur, sauf pour une nouvelle, une sorte de Rockabilly, rock twist, une Dylanesque Tutti-Frutti probablement appelée « money, money » ou « don’t step on my black leather boots ».
Le public est à moitié pour Petty, devenant sauvage sur « like a refugee ». Dylan semble heureux, il lance son harmonica dans le public, la quatrième depuis le début du Tour. Il doit avoir un stock des ses harmonicas à bas prix qui ne fonctionnent jamais. Celle qu’il utilisa pour « Knocking on heaven’s door » disparaît promptement dans sa poche. Cela me rappelle Elvis et ses écharpes. Le parking est immense. Je suis incapable d’y voir un bus. Je demande pour un retour sur Milwaukee. Quatre jeunes gars me prennent. Ils ont tous environ 20 ans et sont tous frères d’une fratrie de huit. Ils me laissent dormir dans le lit du plus jeune qui n’est pas là. Nous mangeons une pizza, parlons un peu et allons nous coucher. Au matin je prends une douche et me relaxe. Il n’y a pas de concert ce soir. Dylan doit être à Chicago. Chicago est trop grande pour le chercher dans les rues. Je décide de ne partir que le lendemain à 8h30. Je peux passer le jour et la nuit dans cette grande maison que pour moi. Je remets mes notes à jour. Je me demande pourquoi ces jeunes gars sont des fans de Dylan et pas de Petty. Ils sont Chrétiens. La ‘conversion’ de Bob ne les a pas dérangée. John étudie pour devenir professeur d’Anglais, il aime la poésie de Bob.
XI
Chicago 29 Juin , un dimanche.
Les rues sont déserte sauf pour quelques soulards et gens de couleur. Le concert n’est pas à Chicago mais environ 75km plus loin, un endroit appelé « Poplar Creek ». Ils me ballottent d’un endroit à un autre pour finalement m’indiquer le train. L’arrêt le plus près est Schaumberg alors … une heure de train puis le milieu de nul part ; un parking. Je demande mon chemin à un riche bourgeois en Cadillac. Il me prend en pitié et me conduit vers la prochaine intersection. Je veux ouvrir la porte mais … « the vandals took the handel ». Il manipule un bouton et la porte s’ouvre. Merci bien ! La Cadillac est presque aussi grande que la caravane dans laquelle je vis. Je reviens à la réalité en étant propulsée au milieu d’un beau traffic. Je ‘pouce’. Trois voitures et quelques kilomètres plus loin j’arrive à ‘Poplar Creeks’ à 14h30. Ils me vendent un ticket pour le parterre comme à Costa Mesa , comme à Houston, comme à Alpine Valley. Le prix est le plus bas 12.50$ pour un parterre. Je discute avec des filles. L’une est la mère de trois filles(l’une sous le nom de Sarah). Elle à l’air d’une Hippy d’âge moyen. L’autre est plus jeune. Un peu frappée. Elle est fière d’être du Minnesota. La Hippy veux se marier avec Dylan. Bonne chance !
Je vais à la porte des artistes. Encore un parking intérieur. Les deux bus sont arrivés mais deux filles qui traînent me disent que personne n’est encore sorti. J’attends. Une Limo rouge arrive par le côté avec Dylan, Madeline Quebec et quelques uns de l’entourage. Stanley court pour aller chercher le garde du corps. Dylan sort. Je ne comprends pas car il n’y a personne autour, pas de danger. La Limo est à l’intérieur du parking entouré de grillage. Pourquoi a-t-il besoin du garde du corps ? Il monte dans l’un des bus pendant quelques minutes et puis marche, tout de noir vêtu. Je n’ai vu ni chien ni enfant.
Je suis sur la pelouse avec les deux filles, très loin de la cène. La sécurité est pire que jamais : quatre gardes pour chaque aile vérifiant les numéros des billets. Je commence à penser que c’est le manager de Dylan qui a demandé une telle sécurité pour éviter la panique sur le devant de la scène. Je n’ai jamais vu une telle restriction. Mais je doute que l’entourage de Dylan soit très concerné : le premier garde du corps se contente de surveiller le premier rang et Stanley est trop occupé avec sa copines. Meyers ne se pointe jamais. Il est seulement le ‘porte bagage’ et le ‘teneur’ de billets ? Il doit prendre sont pieds en comptant les billets de la recette.
XII
Dylan est pressé. Il enchaîne une chanson après l’autre sans arrêt, comme un robot. Pas de surprise. Il nous fait « The band of the hand ». Je n’arrête pas de me déplacer pour y voir quelque chose. Les gens circulent chargés de Pop Corn, de bière, de Hot Dogs. Je ne sais pas pourquoi ils paient 20$ pour un siège quand ils ne sont jamais assis. Je ne comprends pas ils vendent des bières à l’intérieur du stade. Quelques uns sont déjà ‘partis’ avant que le concert ne commencent, d ‘autres n’arrêtent pas de s’époumoner pour ‘Lay Lady lay’ ou ‘Maggies’s farm’. Je me faufile entre les gardes et arrive au 20ième rang. C’est la fin du concert, les derniers accords, et ils demandent les tickets !!
Je cours dehors juste pour apercevoir les bus partir. Je fais un signe à JPY, qui répond en klaxonnant. Bye !Bye ! Il était pressé, ce concert n’a duré que deux heures.
Je reprends mon souffle et cherche un moyen de retourner sur Chicago. Ce n’est pas simple. Il semble qu’ils vont tous dans la direction opposée. Deux filles stoppent et me demandent de quel pays je suis. France. Je raconte à nouveau mon aventure. Elles m’invitent à passer la nuit dans l’appartement de l’une d’entre elles. L’autre repartira demain matin avec moi pour la gare routière. Nous allons dîner, pour moi des spaghettis. Merci. Je m’endors à trois heure du matin dans des draps chauds. A 4h du mat la pluie me réveille. Il tombe des cordes ! Le concert de Detroit est à ciel ouvert ! A 6h la pluie n’a pas faiblie. Nous nous couvrons de sac poubelle en plastique pour nous protéger. Je roupille pendant les 7 heures de trajet. J’interroge le ciel. Très gris.
DETROIT : comme toutes les grandes villes américaines ; grande, sale, polluée. Evidemment personne ne sait où se trouve « Pine knob ». Pas de train, pas de bus. Quelqu’un me dirige sur « highway 75 »(j’aurais aimé « highway 61 »). Je lève le pouce. Trois voitures et 75km plus loin, j’y suis. Cela me rapelle quelque chose « seems like I’ve been down this way before ». Un ‘arnaqueur’ m’offre un ticket pour 20$. Je prends. Je suis fatiguée des pelouses et au moins je pourrais voir la scène.
Le concert démarre comme d’habitude : « so long, good luck and goodbye » une nouvelle de Dylan ?, très nerveux. « positively 4th street » « you and me had it all » « masters of war ». Tom Petty reçoit une belle ovation. Dylan acoustique avec “to Ramona” one too many morning” “a hard rain’s a-gonna fall” “band of hand” “I and I” (et non pas “eye and eye” comme je l’ais vu écrit par un stupide critique)”when the night comes falling from the sky” ”I’ll remember you”. Petty à nouveau pour quatre chansons. Tout le monde est debout pour ‘like a refugee’ et Dylan doit revenir en force. Il le fait. « Rainy day women 12 and 35 », il oublie la plupart des paroles et répète « everybody must …. Everybody must … everybody must get stooooooned”. La foule est hystérique. Il va vers le piano et murmure quelque chose à Benmont Tench. Il commence une chanson que personne ne semble connaître, une sorte de broadway blues. Ce n’est pas vraiment l’endroit pour ce genre de chanson et la réaction n’est pas celle attendue. Mais Dylan s’en fiche. Il en a assez de la routine et ce soir est son soir. Le public est plutôt colet-monté comme à Chicago comme à Milwaukee. Paradoxalement assez jeune. Ils sont là pour Petty. Pour cette raison Dylan a choisi un répertoire connu « like a roling ston » « Ballad of a thin » « It ain’t babe » et des chansons du nouvel album (avant « Knocked out loaded ») « Empire Burlesque ». Dylan s’ennuie. Moi aussi. Hier il a murmuré dans le micro „qu’elle heure est-il? » « quelqu’un connaît l’heure qu’il est ? » il annonce soudain « c’est l’anniversaire de Susie aujourd’hui, nous allons lui chanter bon anniversaire ». Il court sur scène « où est le gâteau ? ». Les musiciens sont en état de panique et la troupe en coulisse en révolution. Dylan cherche Susie. Il patiente. Quelqu’un finit par comprendre qui et Susie et l’amène sur le devant de la scène. Dylan est enchanté « la voilà, la voilà. C’est une bonne personne qui sait montrer de l’amour ». Je ne suis pas sur de savoir qui est Susie, le public non plus d’ailleurs. Sans doute la personne qui apporte des boissons en coulisse quand Dylan est en pause. Il poursuit avec « Ballad of a thin man » « Lonesome town » “Like a rolling stone” “Across the borderline” “In the garden” (la seule reference à sa période gospel). Pour le rappel “Blowing in the wind” en duo avec Petty “Enchain my heart” et le final “Knowing on heaven’s door”. Bob Seeger montre son nez dans le font de la scène. Bob se retourne et ils se font l’accolade. Seeger frappe dans ses mains et quelqu’un lui passe un tambourin. Les trois larons chantes à l’unisson « Knocking on heaven’s door ». Dylan se rapproche du premier rang. La foule tourne hystérique. Il pointe à quelques fans. Ramasse une rose à gauche pour la donner à droite. Il gesticule dans tous les sens comme un damné. Je me demande s’il n’a pas trop bu avant le concert ! Il se rapproche de Mike Campbell et je réalise combien il est petit et fragile. Sans ses boots et ses cheveux il atteint tout juste l’épaule de Campbel et doit faire le tiers de sa largeur. Je me retourne vers les 20 000 personnes proche du dilerium. Tout ça pour un si petit bonhomme ! Quel monde ? Et aussi quel danger ! Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec un autre petit bonhomme, beaucoup moins pacifiste. Mais non, là, c’est Dylan. Merci mon Dieu !
Dylan jette un œil à son public, fait un salut de la tête et court en coulisse où Stanley l’attend avec une serviette qu ‘il lui lance sur les épaules. Le ‘combat’ est fini. Le public est ‘ko’.
XIII
Je sors. Pas trop satisfaite moi même. Le concert était fantastique mais avec trois prestations au milieu de nul part je n’ai aucun moyen de savoir où il reste, pas moyen de s’approcher. Je passe mon temps sur la route, d’une gare de bus vers une autre gare de bus, d’une salle de concert vers une autre salle de concert. J’ai cependant eu la chance de voir tous les concerts jusqu’à présent. Je réalise que c’est beaucoup. Je vois les bus s’éloigner encadrés de deux policiers.
Il y aura un autre concert demain au même endroit et je m’apprête à dormir quelque part autour sur la pelouse. Heureusement la pluie s’est arrêtée.
Un jeune gars tout blond et bronzé m’accoste. Il me parle se la marche de la Paix qui a commencée le 15 Mars. Elle rassemble 600 personnes qui marchent 35 km tous les jours. Au passage ils récoltent des signatures pour un désarmement nucléaire total. Elle prendra fin le 15 Novembre à Washington D.C. Environ neuf mois de marche sur tout le territoire américain. Quel courage ! Je pensais qu’il n’y avait plus de pacifiste(sauf la Madone). Marc est ouvert, intelligent, beau et lui, qui ne se prétend pas Hippy, possède l’esprit des années 60. Il m’invite à la maison de son frère. Il reviendra pour le concert de demain. Lui, ses deux frères et son cousin vivent dans une grande maison. Trois sont musiciens et essaient de faire des spectacles dans les clubs de la région. Ils démarrent tout juste et réalisent déjà que s’ils veulent faire de l’argent ils vont devoir faire des compromis, devenir commercial. Ils pensent qu’alors (quand ils seront célèbres) ils pourront faire ce qu’ils voudront. Je pense que malheureusement ça ne marche pas de cette façon et qu’ils risquent d’être piégés par leur image.
Je passe ma journée à faire ma lessive, cuisiner, mettre à jour mes notes et écouter … Bob Dylan. Je réalise combien j’ai de la chance de le voir si souvent, même si ce n’est que sur scène car cet homme est une LEGENDE, un MYTHE. Il représente tant pour tant de gens. Et même si je dois continuer seule(car Carole m’a dit que finalement elle ne pourrait pas venir à Washington) j’irais jusqu’au bout. Aussi longtemps que je pourrais, j’irais le voir. Même si au final il n’est pas celui que j’espère, il est et restera une légende, et pour maintenant une légende vivante.
Nous partons à 18h30. Le concert commence à 19h30. Je sais que nous sommes déjà en retard. Mais les gars sont de retour du travail et doivent se reposer et se mettre en condition (avec un joint). Ils s’arrêtent pour s’approvisionner en whisky et bière et sodas. Pour eux aller voir Dylan c’est comme aller à une fête. Il ramasse un autre gars et se mettent en condition dans le camion. Je me demande si nous allons y arriver entier !
A 25km de « Pine Knob » le vieux camion commence à fumer. Ils ralentissent. A 2km de la destination. La fumée devient trop intense et il s’arrête à une station pour verser de l’eau sur le moteur qui du coup est noyé. Il est 20h15 quand nous reprenons la route. Temps de se garer et d’acheter les billets et nous avons raté les deux premières chansons. Je suis un peu furaxe mais heureusement nous avons de bonnes places. La sécurité est horrible. Je me déplace de gauche à droite pour me rapprocher. Le concert est bon et aussi le public. Pour la première fois « The times they are a-changing ». Et Dylan me fait mentir car j’avais assuré qu’il ne la faisait jamais. Petty aussi a changé quelques chansons. Pour le rappel je me suis glissée au premier rang sur une chaise vide. Je tremble d’émotions car depuis le début du Tour je ne me suis jamais retrouvée aussi prêt.
Bob ne porte pas ses lunette, donc il ne voit rien. Il semble vieux et en colère. Mais c’est Bobby ! Je chante et danse « blowing in the wind » « rock baby… » « knocking on heaven’s door ». Si seulement je pouvais être aussi prêt chaque soir. Quel pied ! Je me sens très bien, une sorte d’euphorie qu’on appelle bonheur.
Je rejoins les gars sur le parking. Ils sont tout excité. C’est la première fois qu’ils s’amusent tant. Se faufiler entre les gardes, c’est un challenge. Ils ont également aimé la musique. Ils veulent que je revienne avec eux pour la prochaine tournée. Ils comment une fête sur le parking : whisky et joints. Pour moi la fête n’est pas finie. J’ai besoin d’une voiture pour rejoindre la gare de bus. Je dois garder la tête sur les épaules : pas d’alcool, pas de drogue. Le parking se vide. Je reste avec Marc, le marcheur pacifiste. Deux personnes accepte de nous conduirent. Le chauffeur roule un peu vite et obligé de s’arrêter brusquement une voiture nous heurte par l’arrière. Personne n’est blessé mais la police s’en mêle. Heureusement il ne cherche ni alcool ni drogue et nous laisse filer.
Tout se termine bien mais j’aurais le coup bloqué pendant deux jours. Une autre mauvaise nouvelle : le prochain bus pour Akron partira demain matin à 6h. Nous passons la nuit assis sur des chaises. Je suis fatiguée. Avec Marc, nous dormons 4 heures dans le bus puis nous changeons à Cleveland.
XIV
AKRON 13h.
Avec deux « dead heads » nous partageons un taxi pour aller au stade. C’est à nouveau un concert avec le « gratefull dead ». Les « dead heads » sont déjà là : les voitures, les bus, les tentes, les barbecues… J’achète un billet et me pose dans la file avec un hamburger-fries-cola qu’on me demande de manger dehors ! Ils ouvrent à 3h pour un concert à 5h. J’espère avec Dylan. Ils ouvrent les portes et à ma grande surprise il n’y a pas de chaises sur le devant de la scène. L’Europe 81 à nouveau ? Je cours devant, je n’ai jamais couru aussi vite. Je m’accroche à la barrière devant le micro. Deux heures d’attente. Le matériel de Dylan est sur la scène. Stanley me salut par mon prénom !
Ca démarre à 17h30. « Shake your hands », « Positively 4th street », « Shot of love », « Clean cut kid ». Petty. “To Ramona”, “It ain’t me babe”, “A hard rain’s a-gonna fall”,”Band of the hans” “I and I”, “Ballad of a thin man” “When the night comes falling from the sky”. Rien de neuf. Dylan porte une veste de patchwork bariolée, style hyppi, bien dans l’esprit de ce soir.
Il s’est mis à changer son costume deux ou trois fois par soir. Il change sa veste hippie pour une chemise en soie rouge, puis une chemise rouge un T.shirt blanc et veste de cuir noir. Toujours ses pantalons de cuir noir, ses boots noires, ses gants noir sans doigt , une écharpe autour du coup aussi bien qu’un collier avec deux médailles dont je ne vois pas la signification, et sa boucle d’oreille à l’oreille gauche qui a fait le tour du monde. Je peux l’observer attentivement. Il regarde le public mais ne le voit pas. Il joue pour un public invisible, une audience imaginaire. Il grimace beaucoup ce qui marque son visage. Ses cheveux en broussaille tourne au gris. Mais il est rasé et sa peau est translucide. Il regarde souvent Petty qui se sent obligé de répondre en souriant, de même pour les choristes. Il semble un môme perdu demandant de l’affection. Quand il chante « I need a shot of love », je le crois. Il grogne « merci d’être venu au festival folk ». Il doit s’adresser aux milliers de fans du « gratefull dead ». Un Woodstock ambulant. Lui qui a dit de ce festival « ce n’était qu’une foire au T.Shirt colorés ». Ce soir lui donne raison.
Je retiens mon souffle et me jette entre les bras et les jambes. Je monte en haut du ‘bowl’ pour observer les 3500 spectateurs. Je m’endors sur ma chaise. La fatigue se fait sentire après un mois sur la route. J’écoute deux chansons du Dead et je pars. Cette foule de freaks ne m’inspire pas.
Je me trouve mon éternel hamburger-frittes-coca moi qui suis habituellement végétarienne je suis sure d’être malade mais j’espère que ce sera après le Tour. Je suis tant fatiguée que je perds mon jugement : je me faits embarquer deux fois par des ‘barges’. Je dois reprendre un bus vers le concert. Je retrouve trois gars que j’ai déjà vu. Nous discutons un peu. Quand il commence à pleuvoir je me mets à l’abri dans leur Cadillac. Nous mangeons quelque part et je m’endors dans la Cadillac. A 5h du matin finalement nous prenons une chambre d’hôtel à nous quatre. Deux suivent le Gratefull Dead, un suit Dylan et un les deux. Rob, le Dylan fan est un collectionneur. Il enregistre le concert et me dit que Dylan a fait deux chansons avec le Dead « It’s all over now baby blue » et « don’t think twice it’s alright ». Mais ni la vidéo , ni les journaux ne me disent que j’ai raté quelque chose de grand. Dylan n’était pas au mieux de sa forme.
Rob a suivi une parti des tournées 74, 75, 76, 78, 79, 80 et 81. Ce qu’il a récolté : une harmonica, un pic de guitare, une chanson dédicacée, quelques paroles. Ca me rassure. Il est loin d’être stupide ; il prépare un Doctorat sur l’histoire de la musique. Il enseigne l’histoire de la musique Pop. Un canadien éduqué. A part parler de Dylan, nous discutons de la vie aux Etats Unies. Ils sont tous trois Canadiens et regrettent ainsi que moi-même le manque de culture des Américains, la violence, la corruption, la recherche du pouvoir individuel ou collectif.
XV
BUFFALO 4h30.
J’ai dormi quatre heures dans le bus. A la gare de bus les ‘deads heads’ sont encore là. Nous partageons un taxi qui nous amène au concert. J’ai vu les bus devant le Hilton. Mais le stade est loin et comme à Akron : les premiers arrivés auront les premières places. J’ai le choix entre voir Bob quelques secondes de très près ou bien le voir près tout le long du concert. Je choisis la deuxième solution en pensant que c’est celle qu’il aimerait que je prenne.
Dès 7h la queue se forme. Il fait très froid. Je n’ai pas le temps de manger tout juste d’aller au toilettes. Les portes doivent ouvrir à midi et le concert commencé à 14h. Je m’endors sur moi-même quelques minutes. Les gardes sont encore idiots ; ils nous demandent de marcher et non de courir. En vain. C’est un vrai marathon, une folie collective dont je fais parti. Je n’arrive pas devant le micro, mais pas loin. Deux heure d’attente. Malheureusement s’est le matériel du « grateful dead » sur scène. Ils démarrent à 14h230 pour 45 minutes, arrête une demi heure et reprennent pour 45 minutes. Je n’y comprends rien et m’endors sur la barrière. Le soleil est maintenant brûlant. Stanley me salut de la scène. Dylan enfin apparaît. Il est … 18h30. Douze heures d’attente. Je suis vraiment dingue ! Mais quand je le voit trotter vers le micro ma fatigue, ma faim, ma colère s’envolent. Soudain même il me semble que la température est plus fraîche. Je l’acclame comme si je venait de me lever et que j’avais eu un bon repas.
Il porte sa chemise rouge en soie et son écharpe autour du coup. La température doit être de 35° !!
Il démarre comme d’habitude. Un frisbee atterri sur la scène. Bob le renvoie. Un autre lui frôle les cheveux. Il se penche pour l’éviter. Une fille s’évanouit devant. Il observe. Il ne dit pas grand chose entre les chansons. Il se presse. Si bien que le concert est de deux heures au lieu de deux et demi. Quand il quitte la scène j’ai le sentiment qu’il me pointe et dit quelque chose. Quoi mon cher ? M’a-t-il reconnu ? Je doute car il ne porte pas ses lunettes. Des lentilles ? Je doute aussi.
Je sors pour voir le bus et Bob dedans disparaître dans la nuit. Pour Washington D.C. ou l’aéroport ?
Je saute dans un bus me ramenant chez moi : la gare de bus Greyhound. Je cours au Hilton. Ils sont parti. Je quitterais la ville à 3h40 du matin. Une autre nuit très longue. Je mange l’habituel. Il me reste 12 concerts et trois semaines pour essayer une approche. Une conversation ? Un sourire ?
XVI
WASHINGTON D.C. La gare est dans le quartier noir. J’espérais voir tout en blanc !!
Ce soir il n’y a pas de concert. J’aimerais une chambre d’hôtel mais les hôtels sont pleins. Hier était le 4 Juillet, la célébration de la statue. Après deux heures de recherche je me retrouve dans une maison Quaker : un lit dans le salon ! Prends une douche, faits ma lessive, prends un rafraîchissement et m’endors à une heure du matin. A 8h : le petit déjeuner. Je laisse mon sac et me dirige vers le stade R.F.K., heureusement très proche. La place est transformée en camping. Les quelques boutiques et restaurants envahis. Le voisinage ne panique pas, allant leur train train quotidien, stoïque. Je suis devant le micro et m’effondre. Le thermomètre indique 35°. Je le crois. Le public est semblable à celui de Akron et Buffalo. La moitié doit être le même puisque les « dead heads » suivent. Je m’y habitue. Nous sommes une grande famille.
14h30. Dylan démarre. Pantalons en cuir noir, boots, chemise bleu et calicot en cuir noir. Il doit avoir chaud. La sueur dégouline d son visage. Après la première chanson sa chemise est trempée. Il porte des lunettes de soleil avec le signe des « hell’s angels ». Pas moyen de savoir où il regarde, et je suis à ses pieds. Sa peau est toujours translucide mais il semble plus jeune ce soir.
Au milieu du concert la sécurité nous envoie de l’eau. Ouf ! Bob grimace « l’eau est précieuse, c’est dommage de la gâcher. Il ne semble pas faire chaud ? J’aime la chaleur ». Sans blague ! Où je suis il doit faire 40°. Les gens s’évanouissent derrière moi. Stanley s’amuse à arroser le public. Il y a une attitude machiste par là. (Freud pense qu’un tuyau d’arrosage est un symbole de phallus). Maintenant que je suis mouillée je me sens mieux. Bob lui ne semble pas heureux. Même quand il retire ses lunette il ne me voit pas. Quand il quitte la scène à nouveau il pointe quelqu’un du doigt. Je sors. Je laisse ma place à un ‘Dead Head’. Je suis heureuse. Le concert était très bon. J’étais à mon endroit favoris : aux pieds de mon idole. C’est un autre sentiment. C’est comme faire parti du spectacle, sans doute parce que je connais toutes les chansons par cœur.
Je sors et j’attends à côté du « Buffalo Springfield ». Pas de parking intérieur. Une fille veut un autographe, une autre veut lui donner un livre et une cassette. Nous attendons 45 minutes et soudain un van se gare près du bus. Quand nous bougeons il est trop tard ; Bob est à l’intérieur. La fille donne le livre et la cassette à Stanley qui le passe à Bob. Le bus part. Bye ! Bye.
Je vais dormir dehors. Je me dirige vers un parking transformé en camping. Je discute avec deux gars (Dead Head) et nous passons une heure à chercher des bières. Les bars sont fermés. Nous nous endormons avec le ciel comme toit.
XVII
Lundi 7 Juillet 8h.
Je m’achète une grande tasse de café, des fruits, des cookies pour mon petit déjeuner et l’attente commence à nouveau. Le concert aujourd’hui est à16h et selon les rumeurs avec le Greatfull Dead en premier. Ils essaient de suivre une certaine logique. Le Dead en premier à Minneapolis, Dylan à Akron, le Dead à Buffalo, Dylan hier, le Dead aujourd’hui , rien n’est sur. Je sais que Dylan doit jouer à Boston demain. Boston est loin et Dylan est la priorité. Je pense que c’est lui qui va commencer. Si j’était lui c’est ce que je ferais pour partir tôt vers Boston.
Alors je me mets dans la file très tôt. J’essaie d’échanger mon billet car le mien est une place assisse et ici ce n’est pas la meilleure place. La sécurité est tellement chiante qu’elle ne me laissera pas m’approcher avec ce billet. Je l’échange avec un Dead Head. Je cours aussi vite que me porte mes petites jambes et me retrouve devant comme hier avec la même fille à côté de moi.
La température avoisine 40°, nous cuisons. En plus de la chaleur et de la soif j’ai la migraine. Hier nous étions 60000, aujourd’hui plus de 40000. la sécurité récupère toutes les piles et les pellicules des appareils photos et quelques substances…
J’ai deviné juste : Dylan commence à 16h30. Toujours une demi-heure de retard. Il a changé sa chemise pour une sans manche, son calicot est rouge. Il transpire comme un malade. Il joue « just like a woman » à la place de « It ain’t me babe ». Le seul changement. Il doit pourtant savoir que le public est pratiquement le même qu’hier soir. Une bonne moitié pour le « Greatfull Dead », un quart pour Petty et un quart pour Dylan. Les fans de Dylan ne sont pas les plus enthousiastes, perdus entre les cris hystériques des fans de Petty et les ‘dérangés’ de Deads. Il s’en fiche. Il fait son show. Il fait si chaud. La sécurité tente un arrosage mais Dylan s’approche des gars et leur fait signe d’arrêter. Pas d’eau aujourd’hui. Il n’a pas apprécié le détournement d’attention.
Sur le côté de la scène je repère deux jeunes gars, l’un est celui que j’ai vu promener le chien à Indianapolis. Ce soir il film Dylan. L’autre lui ressemble mais est plus mince. Je pense que ce sont deux Dylans.
Je me dégage un chemin entre les canettes de bière et les boîtes de Pop Corn. J’attends près du « Buffalo Springfield ». Quelques personnes autour : les jeunes Dylan, des raodies, de la sécurité … Je dis bonjour à Stanley qui semble peu amicale. Il sort une bouteille de whisky du bus. Le chauffeur s’impatiente. J’entends une voix venir du stade « it’s all over now baby blue », sans doute c’est la voix de Bob. Il chante avec le Dead. Et avec ironie (puisque c’est ma chanson favorite) « Desolation row ». 15 minutes après le dernier accord un groupe de personnes sort par la porte des artistes. Dylan parmi eux. A la surprise de tous il ne se dirige pas vers le bus mais vers la pelouse plus loin et s’assit par terre. Il discute avec un gars qui fait parti de la tournée. Tout le monde panique. La sécurité arrête des fans qui tentent d’aller vers Bob. Je m’assois sur la pelouse à quelques mètres. Bob fait signe à son fils Samuel de lui amener le chien Brutus. Le garçon obéit et retourne avec son frère. Les deux là-bas ont peu de considération pour les fans. Une fille qui essaie en vain d’approcher Bob fait le tour de la grille et l’interpelle derrière le grillage. Un garde aussitôt se déplace « est-ce que cette fille vous gène ? » Dylan : »non pas encore ». Une conversation s’instaure. Bob demande à Stanley de lui chercher quelque chose. Stanley littéralement court et ramène une boîte pleine de T.Shirt. Dylan dispose les T.Shirts sur la pelouse l’un après l’autre en choisit trois et les lance à la fille. C’est comme un film sauf que Bob est là, en vrai. Stanley gribouille quelque chose sur un papier et le passe à la fille. En tout cela a pis une demi-heure. Une demi-heure de tension pour la sécurité, une demi-heure d’émotion pour moi : si près et si loin !
La pause est finie, il se dirige vers le bus. Je me lève et l’approche. Je murmure que moi aussi j’aimerais un T.Shirt mais il n’entent pas et passe son chemin. La sécurité me fait signe de m’éloigner. Je l’observe à travers la vitre. Le jeune Dylan démarre une vidéo dans le bus. Bob n’arrête pas de se déplacer. A un instant il me pointe du doigt.
La fille est toujours près de la grille . Je veux savoir ce qui a tant capté l’attention de Dylan. Elle est sympa. Elle est encore sous le coup de l’émotion. Elle me parle d son travail : l’artisanat du cuir. Bob lui a demandé si elle fabriquait les boucles d’oreille qu’il portait. Les T.Shirts étaient spécialement conçus et elle doit faire de l’artisanat avec. Je lui demande si bob lui a donné une adresse ou un numéro de téléphone. Elle me répond que non. Je ramasse le verre dans lequel Bob a bu. Je l’ai encore. Il sent le whisky. Je me demande encore pourquoi il s’est mis à découvert pour boire un verre de whisky avec son pote et tant de fans autour ?
VIII
Je récupère mon sac à la maison des quakers et fait du stop jusqu’à la station de bus. Dix heures de route jusqu’à Boston. Je suis malade. La chaleur de Washington m’a tuée. Les concerts ne sont pas à boston. Personne ne sait où se trouve Mansfield. Il me renvoie de la gare du nord à la gare du sud. Un train part à 14h30. il est midi. Je bois du coca pour me réveiller.
Mansfield est une petite ville mignonne. Je mange une pizza. Je me rends vers le théâtre. Un gars sympa me ramasse et me conduit. C’est ma chance car c’est très loin. Pour la première fois l’ordinateur de la caisse me sort un très bon ticket, quelqu’un a annulé sa réservation. Je cherche bien sur la porte des artistes. Un parking intérieur. Il me reste à prier que Bob se trouve à l’avant du bus pur que je puisse l’apercevoir. Un gars attend aussi. Habituellement ce sont des filles. Mais lui est un poète et il veut donner sa poésie à Bob. Je lui explique que la situation n’est pas la meilleure. Mais sait-on jamais ? Il faut y croire. Le bus rouge arrive. Je fais signe à Joey. Il me renvoie mon salut ainsi que Meyers et le garde du corps qui conduit un camping-car que j’ai déjà vu à Washington D.C., loué au Texas. Le Buffalo Springfield est là mais seul le jeune Dylan est devant.
Nous entrons. Ma place est parfaite. Pas de garde devant la scène. Je peux aussi voir les coulisses. Bob est là derrière un rideau noir. Il boit dans un verre de papier. Il parle à un roadie. Les boîtes de matériel en fond de scène ne lui conviennent pas. Ils les bougent. En général quand Petty est en scène avec ses Heartbreakers Dylan est derrière caché dans une tente noire qu’ils montent directement sur la scène. Il s’assoit et boit et discute avec ses choristes. Ici il n’y a pas de tente. Veut-il se cacher derrière les boîtes ?
Le son est fort. Il démarre comme d’habitude mais l’acoustique devient sauvage. Il exagère son jeu de chant, presque une caricature : Dylan imitant Dylan. Il est saoul ? Qui avait-il dans son verre de papier ? Le public aime ça. Les gens aiment le ridicule. Il commence « Rainy day women 12 and 35 » à l’harmonica, sans guitare, suivi des batteries. « Like a rolling stone » et tout le monde est debout, se précipitant vers la scène. Je suis. Je me retrouve devant la scène, si près que je peux toucher ses boots. Bob revient pour le rappel, les fans se rapprochent, presque SUR la scène. Les lumières s’allument et Bob se renfrogne, il recule. Nous sommes TROP près. Il a peur et reste sur la défensive. Il a raison. Deux fans sautent sur la scène. Un autre près de moi tente d’en faire autant. Je l’arrête. Bob est embarrassé, je suis juste sous son nez. Il DOIt me voir mais ne semble pas regarder. Il aurait pu me donner son harmonica. Si près et si loin.
Je cours derrière pour voir les bus s’éloigner. Le poète est déjà là. Il a du sortir avant (ou jamais rentrer ?). Il est en colère car il n’a pas pu donner son livre. Il voulait que Bob s’en serve comme inspiration. J’en ai vu beaucoup des comme lui, en général des musiciens qui veulent faire passer leur composition. Je lui montre quelques uns de mes dessins. Il veut me présenter à son père qui est un artiste. Je passe une partie de la nuit et une partie du jour a discuter peinture avec Mr Berstein. Il est intelligent, ouvert, avec une large culture. Il a aussi beaucoup de talent. Il est un de ces américains que je voudrais rencontrer plus souvent.
Je dors quelques heures sur le canapé, prends un petit déjeuner, prends une douche, et le poète me ramène au stade. Je suis sur que ce soir il n’y aura personne si près de la scène.
Je ne me sens pas l’âme de me rapprocher de la scène. La situation me semble ridicule. Mais est-ce que la chose toute entière n’est pas ridicule ? Je me déplace. Comme je le pensait la sécurité empêche l’approche de la scène. Ils nettoient les couloirs. Ou au moins essaient. Je suis suffisamment près pour apprécier l’ensemble de la prestation. Je chante et danse. Je sors avant les dernières notes de « Knoking on heaven’s door ». Cinq minutes plus tard les bus se sauvent en déplaçant de la poussière. Rien à voir. Bye ! Bye Bobby ! Joey klaxonne.
Je récupère mon sac que j’ai laissé dans le camion des T.Shirts. Le chauffeur était un gars sympa. Je sais que je ne suis pas la seule à suivre. J’ai vu un gars à ‘Poplar Creek’ et je l’ai vu à nouveau avant ce concert. Je lui dit bonjour et lui demande s’il suit. « oui depuis New Jersey ». Pareille ici. Je lui demande s’il a eu la chance de voir Bob de près et lui parler. Il répond étrangement « non, il est parano » !! encore un qui a trop lu People.
Ils ont ajouté un autre concert ici pour le 22 Juillet mais je n’y serais pas. D’autres concerts ont été ajouté : Kansas city 23, Denver 25, 26, Portland 28, Tacoma 30, Vancouver 1er août, Bay Area 3, Los Angeles Forum 5 et 6.
Je ne peux envisager de suivre. Mon ticket de retour est pour le 23 Juillet et retourner vers l’Ouest serait une folie. Je trouve une voiture qui me ramène vers la gare de bus. Je n’ai pas vu Stanley. Les deux jeunes Dylan étaient en coulisse.
XIX
HARTFORD 10 Juillet.
Pas de concert ce soir. La ville est propre et jolie. Je laisse mon sac dans une consigne pour avoir les mains libres. Je marche dans les rues. Les deux bus sont devant un hôtel de luxe. Les voilà ! C’est un drôle d’endroit ; le parking et l’entrée sont au niveau de la rue mais il y a une autre entrée vers les chambres et le restaurant un niveau au-dessus. Sur les deux côtés de l’hôtel à ce niveau il y a un pont qui surplombe la rue. Je me dirige vers l’un de ces ponts et regarde l’entrée principale. Je vois à cet instant Bob qui sort avec le chien Brutus pour sa promenade de 6 h. Je cours, mais ils sont partis. En remontant je les vois à nouveau de l’autre côté de la route. Quand je redescends je dois marcher quelques mètres dans sa direction. Je marche doucement pour qu’il est le temps de me reconnaître. Il porte ses lunettes de soleil correctrices ce qui lui permet de me reconnaître. Il signe un autographe à un chauffeur de taxi quand je l’abord. Il me regarde et me sourit. « Comment avez-vous trouvé le concert ? » « bien ». Je lui tends un livre que je viens d’acheter « Bringing it all back home ». « je l’ai vu » « l’avez-vous lu, il est bien ? ». Je lui tends un stylo « voudriez-vous me le signer ? ». Il prend le stylo d sa main gauche et écrit « Bob Dylan 11/7/89 Hartford Connecticut ». Aujourd’hui nous sommes le 10. Je me demande s’il la fait exprès car demain est le jour du concert ! Je murmure un merci et je sens que je devrais partir mais je reste néanmoins sur place. Je suis timide et aussi Dylan mais je lui demande ce qu’il pense de la tournée. « ça va »
« Allez-vous faire une tournée en Europe ?» « peut être ». Il s’assoit sur son chien lui donnant l’ordre de s’asseoir. Le Bull Mastiff ne bronche pas. Je le caresse et jette un œil sur les habits du maître. Il porte une espèce de longue chemise, un peu sale, un calicot et une chemise verte attachée autour de la taille, des jeans noirs, des boots, ses gants sans doigt. Il n’est pas rasé. Il me dit soudain « je préfère 81 ». La situation devient embarrassante quand Jakob arrive. Il prend le chien et le père par la main et ils traversent la rue. Dylan se retourne et me crie « a tout à l’heure » en disparaissant au coin de la rue. Un garde du corps s’est matérialisé derrière moi et me demande où est Bob ?? Je lui dit qu’il promène son chien et le gars commence à me poser des questions : d’où je suis, ce que je fais, qui m’a donné l’adresse de l’hôtel. Cela m’ennuie et je lui répond qu’il est bien difficile de ne pas voir les bus garés devant des hôtels de luxe. Il insiste pour savoir qui me donne les infos et je lui répond personne. Le gars est un idiot. N’importe qui avec une voiture peut suivre les bus et les trouver. Je me demande moi pourquoi Bob a mentionné l’année 81. Etait-ce une façon de me dire qu’il se souvenait de moi en 81 ? Je songe encore quand Jacob flanqué du chien revient , Bob les suivant à distance. Je reste où je suis ; au coin de la rue. Bob se retourne à trois reprises pour me regarder. La quatrième fois je le salut, il fait de même avec la baguette en bois qu’il ramène de ses jeux avec son chien. Voulait-il me parler ? Est-il surpris que je sois encore là ? Est-il impressionné que je ne l’ai pas suivi ? Je ne saurais jamais. Je retourne au pont et regarde en bas. Bob et son garde sont là. Bob lève les yeux et me sourit. Ce sourire que j’adore : doux et chaud. Je le sens embarrassé mais je reste. Il regarde à nouveau et sourit encore. Je me sens comme dans un rêve. Mais il est de plus en plus embarrassé et au final se sauve. Quelques minutes plus tard je vois Bob, deux fils et un garde entrés dans une limo. Il est environ 19h. Je suis aux anges. Il était heureux, pas du tout en colère de me voir par là .Timide et doux. Si tendre ! Je n’ai rien trouvé d’intelligent à lui dire. Mais il n’y avait rien à dire, juste à apprécier quelques instants de pure bonheur côte à côte, loin des feux de la rampe, loin des paillettes et des artifices. Une légende redevenue homme.
Je passe une bonne partie de la nuit dehors. Je retourne à son hôtel le jour d’après vers 18h. Bob sort avec Jakob, prend sa guitare du bus et un sac de linge sale (!) et part avec Brutus dans un van. Trois personnes montent aussi et tous s’en vont. Je reste en retrait. Bob me voit mais de très loin.
Je marche vers le Civic Center proche de là. Derrière moi suivent Meyers et les deux jeunes Dylan. Je change de trottoir.
Au stade je rencontre cinq personnes que j’ai déjà croisé sur la route d Dylan. Marilyn est une femme de quarante ans environ du Minnesota qui est allée à la même école que Bob et qui le connaît personnellement. Elle voyage avec quatre adolescents dont trois sont ses enfants, le quatrième est un cousin. Ils sont tous très juifs. Quand je demande si Bob est de retour vers le Judaïsme ils répondent en cœur « oui, bien sur ». Ils étaient en Californie pour le début de la tournée et ils ont repris au Minnesota. Ils ont loué une Cadillac et aussi souvent sont restés dans le même hôtel que Dylan. Ils ont vu Bob assez souvent pour lui demander des billets qu’il n’a jamais refusé. Elle me dit que les deux garçons avec Bob sont Samuel et Jakob, et que Jesse habite à New York.
Je suis derrière la scène, vraiment derrière. Je vois Bob monter l’escalier qui conduit à la scène, épauler sa guitare et le voilà parti ! Quand Petty fait son tour Dylan est derrière dans la tente noire. Jakob et Samuel sont là aussi. Womack, le garde du corps, fait sa ronde.
Pour le rappel Bob essaie un « Lay Lady Lay » qui ne semble pas avoir été répété. Les choristes sont perdues. Dylan les dirige du doigt. C’est un peu bordélique mais sympa. « knocking on heaven’s door ». C’est fini. Je cours à l’hôtel. Les bus et le camping-car sont partis. Vers Saratoga Springs.
Je trouve deux gars qui disent m’avoir vu à Washington D.C. Ils m’invitent à leur campement. C’est à une heure de route. Je dors dans la voiture. Il pleut au matin. Je suis contente de ne pas être dehors. Nous partons à midi pour un petit déjeuner. S’en suit un voyage qui n’en finit pas. Je m’effondre sur un sofa à notre arrivée à Long Island
8h. Je me réveille pour prendre un bus vers New York puis vers Saratoga Springs.
XX
SARATOGA SPRINGS 14h
Je mange un sandwich et une glace et marche vers l’amphithéâtre. Ce n’est pas loin. Je repère le bus de Tom Petty devant un hôtel mais pas de Buffalo Springfield. C’est encore l’un de ces amphithéâtre ! Je suis sur la pelouse. Il pleut ! il pleut ! les pauvres sont tous mouillés. Le concert n’est pas des meilleurs, sans doute à cause du temps. Le public est doublement froid. Dylan joue « the times they are a-changing » et surprise, une incroyable version de « The house of the rising sun ». Je quitte quelques minutes avant la fin. Je suis sure que les bus vont foncés dehors. Le bus de Petty part en premier mais le B.S est toujours là. La sécurité joue le jeu : « ils sont tous partis ». Mais je sais plus que ça. Nous sommes seulement quatre fans à attendre mais ils nous demandent cependant de bouger. Bob n’est pas pressé. Je dois partir car j’ai mon bus à 0.30.
NEW YORK CITY : the big apple 17h
J’ai une adresse où rester. L’ami de Carole possède une boutique où je peux dormir. Je téléphone à 7h. « je ne me lève pas avant 9h » est la réponse. OK. Je m’allonge sur le sol à la gare Greyhound. A 9h , je laisse mon sac chez Mark et me dirige vers le Greenwich Village. Mon premier arrêt est au 92/94 Mc Dougal Street. Rien n’indique qu’il y vit encore. Je chemine sur le chemin des ‘bons vieux jours’ : « the bitter end », « the kettle of fish », « the speakeasy » sont encore actifs sur Mc Dougal ou Bleeker street. Je bois un cappuccino au « café figaro ». Le « bitter end » accueille Mimi Farina (la sœur de Joan Baez) le 27 Juillet. Le « speak easy » présente le 6 ième concours des imitateurs de bob Dylan le 27 Juillet. Le choix des dates m’interpelle car le 17 juillet le vrai Dylan jouera au Madison Square Garden.
Il n’y a pas de concert ce soir et les journaux annoncent « the fabulous thunderbirds » au Felt Forum. C’est un groupe de Blues que Dylan aime beaucoup. Je suis presque sur qu’il y sera.
Après quelques achats sur Broadway je rentre au Felt Forum. Je pensais que c’était un petit café mais c’est un club de danse. Même si Bob est à je ne le verrais pas. Trois groupes de Rock couci couça ouvre avant les « Fabulous Thunderbirds ».
Il est minuit quand je sors et je ne sais pas si Mark est encore éveillé pour m’ouvrir. Il est en colère et me demande d’être toujours rentrée avant 23h. Impossible. Je dors par terre. J’aviserais demain. Le matin je suis à nouveau au Village. Rien ne se passe. Les « subterreneans » sont endormis. Pas de Dylan. L’année 75 … c’était il y a 11 ans.
Je suis sur de le voir ce soir sur scène.
Je suis très loin. Le son est mauvais. Il ne change rien à son habitude. Il mentionne que nous sommes à New York et pointe du doigt la presse. Ron Wood le rejoint sur scène. Le concert se termine à 23.30h. Pour moi ce fut le pire, j’étais trop loin.
C’est top tard pour aller chez Mark. Je téléphone à d’autres ami de Carole qui habite Soho. Je me perds dans le métro de N.Y. Je m’endors à 1h du matin.
A 4h du matin j’émerge du brouillard dans un concert de klaxonne et de bruit de poubelles. Je me souviens que je suis à N.Y. Je ne sais toujours pas où habitent les Dylan. J’espérais voir Bob au Village. La Grosse Pomme est Grosse.
Je me rends au Metropolitan Museum.
A 18h je rejoins Marylin et ses enfants devant le Madison Square Garden. Elle me vend un billet à 10$. Elle me dit que bob est au Plaza hôtel.
Je suis juste derrière la scène, bien mieux qu’hier. Marylin a une place au premier rang. Elle a payé beaucoup. Les arnaqueurs à N.Y. sont les pires.
Dylan est là. Il démarre fort avec « shake your hands », « clean cut kid », aggressivement « all along the watch tower », emotionaly yours », « shot of love », lucky old sun », « masters of war », « I forot more than you’ll ever know » une chanson de Cecil A. Null qui Dylan a repris sur Self Portrait, “band of the hand”, “when the night comes falling from the sky”,”lonesome town”, “the ballad of a thin man”, “rainy day women 12 and 35”. Il a changé sa chemise pour un calicot en cuir et ron Wood le rejoint. « seing the real you at last », “across the borderline”. A ce moment quelqu’un devant cherche encore sa place. Un gars de la sécurité lui demande de partir. Tout en chantant Dylan dit « laissez le ici, ça va ». Mais le garde le pousse. « I and I ». Deux gars sautent sur la scène par derrière. Womack se bat pour les faire partir. Bob n’a rien vu. Il continu avec « like a rolling stone » et tourne le Garden en enfers. 30 000 personnes hystériques se lèvent pour une ovation.
« in the garden » (la seule référence à sa période biblique) calme l’atmosphère. Ils reviennent pour « blowing in the wind », « the house of the rising sun », et l’éternel « knocking on heaven’s door ».
Je n’attends pas la fin. Je me précipite dehors. Arrête un taxi et fonce vers le Plaza. J’attends une demi heure mais ne vois personne. En m’éloignant dans un autre taxi je vois une deuxième entrée. Sont-ils entrés ou sont-ils partis faire la fête ?
Le lendemain à N.Y., je suis au Guggenheim museum.
Second nuit au Madison Square Garden.
« so long, good luck and good bye », »positively 4th street », « clean cut kid, « shot of love », « you and me we had it all », « union sundown ». Une nouvelle “my echo, my shadow and me”,”Mr Tambourine man”, “one too many mornings”, en acoustic, une surprenante “I want you”,”band of the hand”,”when the night comes falling from the sky”,”lonesome town”, “the ballad of a thin man”,”when the night comes falling from the sky”,”lonesome town”,”the ballad of a thin man”, rainy day women 12 and 35”,”seing the real you at last”,”across the borderline”,”like a rollin stone”,”I and I”, “in the garden”,”blowing in the wind”,”shake your hands”, “the house of the rising sun”(revisited). Il va vers le fond de la scène et parle à quelqu’un « nous aimerions en faire une autre mais nous n’avons pas le temps ».
Ron Wood présente un Dylan extasique « Bob présente tout le monde mais personne ne présente Bob Dylan, alors voilà : Bob Dylan » et tout le monde de devenir hystérique pendant cinq minutes.
Je prends le métro vers le Village et me perds. Je dois marcher dans N.Y. , la nuit, pendant 20 ‘blocks’. J’arrive au Speak Easy quand le concours se termine. Je repère à la porte un gros mec, habillé comme Dylan, portant les lunettes de Dylan, la boucle d’oreille de Dylan. Complètement écœuré je pars me coucher.
XXI
Je pars vers Philadelphie le matin suivant. Je sais qu’il n’y a pas de concert aujourd’hui mais j’ai entendu dire qu’ils étaient déjà parti du Plaza. Ils doivent être déjà à Philadelphie. Le Y.M.C.A. est plein je vais donc faire une sieste à la gare Greyhound.
Je vais de bon heure au Spectrum et achète deux tickets aux arnaqueurs. Je vois à nouveau la fille qui a donné à Bob le livre et la cassette à Washington D.C. Cette fois elle veut lui donner des framboises (?). Dès 17h30 les bus arrivent (ce qui me fait penser qu’ils étaient encore à N.Y.). Je coure vers la rampe du parking. Le premier bus descend. Le « Buffalo Springfiels » s’arrête. Je reconnais Jakob et Samuel, Jesse avec Brutus et Anna sortent. Quelques minutes et Meyers près de Bob descend aussi. Ils marchent vers la porte des artistes. Aucun des 10 fans présents autour ne font un mouvement. Je me dirige vers bob. -« Bobby ? » - « oh tu es encore là ? » -« bon courage ». Il disparaît. J’en crois pas mes oreilles ! Il m’a reconnu ?
Je trouve Marylin et ses enfants. J’écoute « Knocked out loaded » en cassette sur le nouvel album. Elle ne m’emballe pas cette chanson.
Nous entrons. Ma place n’est pas la meilleure. Je me déplace près de Marylin. Je vois Jesse qui essaie de trouver une place pour sa grand-mère et son mari (elle s’est remariée après la mort du père de Bob). J’aperçoit Jakob et Sam.
« Shake your hands ». Bob est très bon. Il bouge beaucoup sur ses jambes drapées de cuir noir. Il mélange les paroles de « It ain’t me babe ». Il joue de longs solos de guitare électrique. Il est heureux et également le public. C’est l’un des meilleurs concert que j’ai pu voir.
Je me précipite dehors. Les bus sont près à partir. La fille aux framboises est toujours là avec son copain. Ils pensent suivre le bus. Je grimpe dans la voiture avec eux et la poursuite s’engage. Ils arrivent dans une rue d’hôtels et s’arrêtent devant un hôtel modeste. Je sors juste à temps pour voir Jesse, Brutus, Sam, Anna et Jakob sortirent. Puis Meyers et Bob. Il porte une chemise rouge toute ouvert. Il me regarde et fait un mouvement pour fermer sa chemise(?). Jakob attend son père. Je ne bouge pas. La fille au framboises veut toujours le nourrir. Les deux larrons essaient tout un tas de truc pour entrer dans l’hôtel. Ils se trouvent être de vrais singlés. J’attends car je pense que Bob va ressortir. Meyers, Joey, Womack s’en vont tous. Mais pas dylan. Ils doit être avec ses enfants. A 3heure du matin j’abandonne et pars dormir à la gare de Greyhound
Le jour suivant à 6h30. Je prends un petit déjeuner à la cafétéria.
A 17h30 je me ballade et trouve Jesse et Jakob dans une librairie. Devant l’hôtel le bus rouge et le « Buffalo Springield » attendent. Jesse monte dans le bus avec Brutus. Puis rapidement Bob entouré de Sam et de Jakob. Il semble en colère. Je ne bouge pas, ni dis rien. Il concentre son regard sur les chaussures du fils devant lui. Anna coure après lui et une autre jeune femme. Une rumeur parle de Carole Childs. Je pensais à Maria.
Je prends le métro vers le Spectrum et rejoins Marylin et les enfants.
Pendant le tour de Petty je me rapproche de la scène. Les garçons Dylan sont empilés sur le côté. Jakob semble le plus concerné.
Le bus s’envole après le concert pour New Jersey ou New York.
XXII
Une heure de sommeil et je repars pour New York à 8h. Je fais une sieste dans l’après midi et prends un bus pour Rutherford au New Jersey. C’est mon dernier concert. J’attends à mon endroit habituel. Un gars passe devant moi, il me paraît familier. Il me regarde (assisse par terre) et me salut. C’est sympa parce que personne ne me porte aucune attention. Je cuis sous le soleil, suis à moitié endormie. C’était Al Kooper qui va jouer du clavier avec Benmont Tench. Il était à Costa Mesa. Les bus entrent directement dans le parking intérieur. Bob ne veut pas voir ses fans aujourd’hui. Je vois Meyers qui ma promis de me donner l’adresse du studio de Bob à New York : une boîte postale. Je téléphone à Meyers dans l’après midi pour savoir si je pourrais avoir un entretien avec Dylan pour l’éventuel publication de mon livre. Meyers me rejette « Dylan ne donne pas d’interview » - « mais je ne suis pas journaliste » -« vous voulez écrire un livre .. ». Alors tant pis pour la permission.
Je paie 30$ pour mon billet. Je veux une bonne place. Bob parle beaucoup « c’est le pays du BOSS(Bruce Springsteen) ». Le public boo. « C’est le pays du BOSS ». reboo. « il y a beaucoup de bosses ici».
Quelques minutes plus tard il voit des fans debout sur le côté « ces gens ci peuvent prendre ces place là » et pointe à quatre places vides au premier rang. La sécurité les arrête. Dylan, en colère s’arrête de chanter -« je ne chanterais pas tant que ces places ne seront pas occupées ; Les gens riches achètent tout un rang et ne s’occupent pas de ce qu’ils peuvent voir ». J’applaudis vivement.
Il recommence à chanter, puis s’interrompe –« je dois dire quelque chose, je dois dire quelque chose demain vous allez lire dans les journaux sur ce que vous êtes en train de faire ce soir. Il y a toujours des gens qui veulent des billets gratuits ; les critiques. Vous avez payé pour vos billets, vous devriez écrire dans les journaux ». Merci Bobby.
Il chante encore un peu puis à nouveau –« savez-vous quelle heure il est, quelqu’un sait quelle heure il est ? Ne regardez pas vos montres car elles ne vous donnent pas le temps, ce sont juste des nombres. Je vais vous dire quelle heure il est ». Et demarre « Band of the hands ». C’est quelque chose qu’il fait souvent ; demander le temps. Et également pointer sur sa droite et déclarer –« c’est la meilleure audience, ce sont les meilleurs ». Et le côté droit de crier. Mais hier cela n’a pas fonctionné parce que sur sa droite il n’y avait … personne. Les places n’avaient pas été vendues. Il présente une autre chanson : c’est une chanson pour les gens emprisonnés injustement : je ne parle pas des gens qui ont commis un crime. Je parle des gens qui font le bien et qui sont emprisonnés pour ça.». Je ne me souviens plus de la chanson, peut-être « I dreamed I saw St Augustin » une copie de « I dreamed I saw Joe Hill ». Le discours n’est pas fini.-« C’est l ‘anniversaire de quelqu’un ». le troisième de la tournée. Et tout le monde de repende « Happy birthday » pour Howie Epstein. Un roadie apporte un gâteau d’anniversaire et Howie souffle les bougies. Ils enchaînent avec « like a rolling stone ».
Si quelqu’un dans l’audience n’avait jamais Dylan avant il pourrait se dire « Ce gars parle beaucoup ! » et il n’aurait jamais le revers de son image. Des mots aujourd’hui il y en a eu beaucoup. Des mots de vérité. Un vrai SHOW, et mon dernier.
Je sors pour voir le bus une dernière fois. J’attends une demi-heure. Une fille singlée veut absolument voir Dylan. Elle dit avoir été une petite amie de Bob. Mais laquelle ?
Meyers sort. Jesse sort. Un photographe le poursuit et lui demande un autographe à la place de son père –« Je ne peux pas faire ça ! ». Anna sort.
Et voilà le Buffalo Springfield avec Jakob devant. Je lui fait au revoir. Il me répond.
Merci ! Salut ! et prends soin de toi.
Dans le bus à destination de Houston un jeune garçon m'accoste, me donne quelques noix et des raisins secs et me parle de sa foi; il est anabaptiste. Les discussions sur le fait que chaque matin nous devrions nous réveiller et donner à Dieu nos désirs et attendre pour Dieu de décider de satisfaire nos désirs, ou encore Dieu peut en décider autrement. Comme Sonia a déclaré il y a quelques temps Dieu sait mieux que nous ce qui est bon pour nous, comme un parent avec un enfant, et même si nous ne comprenons pas IL choisit le meilleur pour nous.
Ma poursuite après Dylan apparaît soudainement assez idiote, ou dois-je avoir un message pour lui ? Dois-je avoir un but sans savoir ce qu’il sera ? Je suis confuse ; balancée entre la rationalité et la croyance. J'ai peut-être juste pété un plomb!
Au moins je comprends dans quel esprit Bob Dylan était à la fin des années 70 début des années 80. "Precious angel" aurait pu être Sonia ou une «sœur».
Je me sens mieux après avoir dormis dans le bus pour Houston. J'attends plus de trois heures pour atteindre la Nouvelle-Orléans.
Dans le bus à destination de Houston un jeune garçon m'accoste, me donne quelques noix et des raisins secs et me parle de sa foi; il est anabaptiste. Les discussions sur le fait que chaque matin nous devrions nous réveiller et donner à Dieu nos désirs et attendre pour Dieu de décider de satisfaire nos désirs, ou encore Dieu peut en décider autrement. Comme Sonia a déclaré il y a quelques temps Dieu sait mieux que nous ce qui est bon pour nous, comme un parent avec un enfant, et même si nous ne comprenons pas IL choisit le meilleur pour nous.
Ma poursuite après Dylan apparaît soudainement assez idiote, ou dois-je avoir un message pour lui ? Dois-je avoir un but sans savoir ce qu’il sera ? Je suis confuse ; balancée entre la rationalité et la croyance. J'ai peut-être juste pété un plomb!
Au moins je comprends dans quel esprit Bob Dylan était à la fin des années 70 début des années 80. "Precious angel" aurait pu être Sonia ou une «sœur».
Je me sens mieux après avoir dormis dans le bus pour Houston. J'attends plus de trois heures pour atteindre la Nouvelle-Orléans.
25/07 Nouvelle-Orléans.
"Le Café du Monde". J'aime la Nouvelle-Orléans, les galeries d'art, les boutiques d'antiquités, la musique dans les rues. Je vais passer un bon moment. Je dois trouver l'auberge Backpackers pour y passer deux nuits.
Les choses n'arrivent pas comme il le devrait.
Je ne trouve pas l’auberge de routards et finis par réserver une chambre au Holiday Inn. Cela me coûte une fortune. Mais je saisis la chance d'avoir un bon lavage, de repasser au fer ma lessive, de laver mes cheveux avec le bon shampooing. Malheureusement, la connexion Internet est en panne.
À 17:30 h j'ai commencé à me demander comment atteindre l'Arena Lakefront qui n'est pas en centre-ville. Il y a un bus qui y va, mais pas de retour. Je vais devoir faire du stop. Ceci est une galère(quand cela aurait pu être un temps de partage avec certains fans).
La partie Leon Russel est également une galère, qui a mis le début de Dylan à 21:00 h.
Le bus des musiciens est arrivé mais pas le de Dylan. Font-ils toujours une « balance » du son ?
J'ai reçu un billet gratuit d'un afro-américain (assez rare), qui sera assis à côté de moi. L'un des rares «gens de couleur» dans le public, la majorité étant blanc, vieux des années 60, nostalgiques. Ils deviennent sauvages sur "Highway 61" ou "Like a Rolling Stone". Je préfère "Cold iron bounds", "Beyond Here Lies nothing», «Thunder on the mountain» ou «forgetfull heart". (Qu'il va faire ce soir). La liste n’est pas bien différente, rien de nouveau. Il va finir avec "Blowing in the wind". Le son est bon, c'est un concert à l'intérieur.
Il a commencé à pleuvoir dans l'après-midi, à la Nouvelle Orléans. Le temps est maintenant incertain. Je dois retourner en l'auto-stop au Carré (français). Je n'ai même pas essayé de voir le bus en sortant. Encore une fois, j'ai quelques difficultés à trouver une âme agréable pour me prendre. Les gens dans leurs voitures climatisées me regardent et rient. Je ne comprends pas. Je crie que tout ce dont j'ai besoin est un retour à la Nouvelle Orléans. Ils me prennent pour une folle. Voitures, voitures, voitures, la plupart à moitié vide.
Comment vont-ils se déplacer quand il n'y aura plus d’essence ?
Et ce sont eux qui sont fans de Bob Dylan: « l'inconscient collectif de la nation »? Eh bien, définitivement "les choses ont changé".
Ses chansons n'ont plus de significations, ils appartiennent au passé, comme s'il n'y a plus de guerres, plus de ségrégation, plus la pauvreté ?
Bob Dylan est un fantôme qui va réapparaître pendant 80 minutes et dis-paraître de nouveau.
Je suis plus agressive maintenant et frappe à la fenêtre d'une voiture, expliquant ; J'ai juste besoin d'aller en ville.
Un musicien de la Nouvelle-Orléans me prend et me conduit droit à mon Hôtel. Merci mec!
J’ssaye de trouver à quelle heure demain je vais avoir un bus à destination de Pensacola, mais la connexion Internet est morte.
Je me lève à 6h00 de toute façon.
Je sors dans les rues du quartier français, sur Bourbon Street, dans l'espoir d'entendre de la bonne musique. Les gens sont ivres et les filles à moitié nues.
Je retourne à ma chambre. Le bus Greyhound part à 07h50 pour Pensacola, arrivant en début d'après midi. Je n'ai aucune idée de ce qu’est Pensacola.
27/07 Pensacola.
Ici, je suis dans un cimetière à écrire mon journal. Le bus m'a déposé au milieu de nulle part, très très loin du centre-ville (si il y a une zone du centre-ville ?). Pensacola est étendue sur des kilomètres et des kilomètres. J'ai marché pendant trois heures sous la pluie avant d'atteindre le Centre Civique, à proximité d'une intersection routière. Il n'y a rien que vous puissiez faire aux le Etats Unis sans voiture. Je suis un paradoxe dans cet univers de véhicules et la circulation incessante. Pas question, nulle part de voir Bob. Ce n'est pas comme un petit village en Europe. Je prie pour qu'il ne pleuve pas car j’ai marché ces trois heures sous mon poncho de pluie. J'ai essayer de faire sécher mes vêtements sur un banc du cimetière. Je m'endors sur le banc pendant deux heures. Bien.
Oops! C'est cinq heure moins cinq Je vois le bus des musiciens se garer dans le parking. Pas de bus de Dylan encore. Je me rapproche pour observer. La pluie a cessée et il y a une brise fraîche alors je me sens bien.
18:00 h. Le bus de Dylan roule sur le parking, très très loin dans le font. Loin, même de toute portée d’oreilles.
Deux ou trois personnes attendent. Deux adolescentes noires approche avec une caméra (des fans de Dylan ?). Elles abandonnent rapidement. Une vieille dame attend patiemment, donc je commence à lui parler. Elle vient de Mobile et elle avait vu quelques spectacles dans les années 60, 63 avec Joan Baez (qu'elle a rencontrée) et elle a été vu la «Rolling Thunder revue ».
Je lui explique mon voyage. Elle ne me prend pas pour une folle. Elle propose même de me conduire à une station Greyhound à Mobile après le spectacle. Super! Je redoutais trois heures de marche sous la pluie. Maintenant, je dois trouver un billet. Peu avant 20h00 une jeune femme arrive et me propose un billet pour 20 $. Je le prend avant de réaliser que c'est un billet au troisième rang. Whoa! Suzanne et moi attendons jusqu'à 21h05. Bob sort de son bus, fait quelques pas, fume sans doute sa cigarette en cachette entre deux bus (sait-il qu’il y a deux dames folles à le regarder ?). Il est si loin, quel danger ? Il rentre. Voilà, pas de chance aujourd'hui ! Nous avons attendu trois heures non stop! Pendant ce temps j'ai dit bonjour à Jeff et Chuck, 2 des 3 chauffeurs de camion, ils sont gentils.
Nous rentrons, ma place est incroyable; au centre de la troisième rangée. Un gars à côté de moi me prête ses jumelles. Je regarde bien Bobby, mal rasé et pâle, mais tout à fait OK. Il est si proche que je le vois crachant dans son micro. C'est le moment pour moi de danser et je suis debout non-stop, chantant et dansant. Bien qu'il ne sourit pas une seule fois, il semble prendre plaisir à sa performance et semble presque heureux quand le public fait une ovation debout à la fin. Est-ce ce qu'il cherche ? Bien que je suis pratiquement sûr qu'il ne voit rien, ni personne, sans ses lunettes. Le public anonyme lui convient bien. Pas moi vraiment ! Je voudrais un peu d'intimité. Mais je suis heureux. La souffrance de la journée ne fut pas en vain. Suzanne m'a conduit à la station Greyhound à Mobile. Je suis morte de fatigue et il faut une éternité au le bus pour charger la «marchandise» et se déplacer vers Atlanta.
28.07 ATLANTA
La station de bus Greyhound est au centre-ville. Merci Seigneur ! Le centre-ville est sympathique avec de beaux bâtiments et parcs verdoyants. La population est en majorité afro-américaine. Après une promenade non-efficace je vais au centre d'information touristique pour les cartes et de l'information. J'ai acheté une carte de métro pour deux jours (il y a un beau métro souterrain). J'ai découvert une auberge de jeunesse et l'Amphithéâtre Chartrain. Il semble que le Metro plus un bus puisse me conduire là-bas. J'ai beaucoup de temps avant que l'Auberge de Jeunesse n'ouvre alors je vais visiter "World of Coca Cola" et boire toute ma soif de soda.
Vers 17:00 h je signe à l'Auberge de Jeunesse: 35 $. Pas trop mal, à Atlanta. J'essaie de prendre le bus vers 5 heures vers Chartrain Park Amphitheatre et marche quelques kilomètres pour y arriver. Les « vendeurs » de billets sont en place. Ils vendent pour 50 $ et plus. Je leur propose 20 $ et ils se moquent de moi, disant: «Bonne chance!". «Eh bien! Peut-être les gars, je sais mieux que vous! ". Un hippie étrange me propose d’entrer avec lui gratuitement. D'abord je ne peux pas le croire et lui refuse, mais après une demi-heure je retombe sur lui. Il me propose d’entrer gratuitement de nouveau. Eh bien! Je rentre et c'est pas un piège. En fait, il a suivi la Tournée depuis Santa Barbara et a vu de nombreux concerts. Jamais vu ni son fils, Rolfe qui est un fan de Dylan de 17 ans. L'Amphithéâtre est mis en place avec des tables et les gens entrent avec de la glacières pleines de boissons et de nourriture. J'espère vraiment qu'ils ne vont pas boire et manger tandis que Bob chante. Pour la première fois Leon Russel semble avoir un but : permettre aux gens de se gaver avant le spectacle. Le père de Rolfe commence à être « chargé » sur je ne sais pas quoi et gesticule sans arrêt. Je me concentre sur la scène. «Mesdames et messieurs ...». Je me lève pour danser et je ne m’assois jamais. C'est une excellente occasion de profiter à 100%, même si la scène est un peu loin. Pas de buveurs de bière pour me dérange ce soir. Les bus sont certainement stationné dans le voisinage. Pas de « bonne nuit de Bobby » ce soir.
Je demande au père de Rolfe de me ramener un centre-ville, à mon auberge, mais le gars est "parti", et je commence à paniquer. J'ai vraiment besoin d'une bonne nuit de sommeil dans un bon lit. Je ne comprends pas, mais ce gars bizarre a un chauffeur et le chauffeur est plus rationnel. Après que je lui ais expliqué que j'ai rencontré Bob dans le passé quand j'ai fait les tournées 78, 79, 81, 86 il est tellement impressionné qu'il va me conduire à mon auberge avec un GPS car j'ai oublié la carte de la ville et l'adresse de l’Auberge.
Je dors bien, prends une douche et prends un café et du pain / confiture. Je vais rester à Atlanta, jusqu'au soir, puis prendre un bus à destination de Memphis.
Par ailleurs, j'ai appris que Bob possède une maison à la Nouvelle Orléans. Y a-t-il dormi ? Il possède également une propriété en Nouvelle-Écosse, quelque chose à New York, une chose à Londres, il avait un appartement dans la vieille ville de Jérusalem, ainsi que la propriété de Malibu et la ferme au Minnesota et il vit dans son... bus noir!
Et pour quelqu'un qui a dit que tout ce qu'il a besoin, c'est «une rue sombre et une guitare" pas trop mal!
Son road manager est Al Santos et son garde du corps baron Tabura, depuis quelques années maintenant, mais aucunement mes amis.
30/07 MEMPHIS
19:00 h. Elvis Presley est partout. Le centre ville est joli et facile pour se promener. Calme en début de matinée. Ils ont quelques bateaux à roue sur le fleuve Mississippi. Si je trouve un hôtel bon marché, je peux faire un voyage dans l'après-midi. Il n'y a pas de concert demain et Nashville est à proximité. Je peux me reposer un jour. Je ne me sens pas d’aller à Graceland (l'ancienne propriété d'Elvis). Je l'ai vu il y a quelques années mais elle n'a probablement pas beaucoup changé. J'ai trouvé une rue pleine de «cafés de Blues". Je vais voir comment je me sens après le concert. Le concert aura lieu à l'amphithéâtre de Mud Island, de l’autre côté du fleuve Mississipi. Une sorte de téléphérique le traverse, quelque chose à vérifier dès que la ville se réveille, à 10h00.
Pas moyen de prendre une chambre dans un motel ou auberge, ils sont peu nombreux et complet. La station Greyhound possède quelques casiers, donc je laisse mon sac dans un. Je vais sur la rive du fleuve et vers 14:30 h je fais un voyage sur le fleuve Mississippi. Il me redonne la pêche après quelques heures de Blues. Je suis assise au bord de la rivière, juste en face de l'amphithéâtre Mud Island. Le bus des musiciens arrive à 17:00 h. Ils commencent la « balance » sonore. Le bus de Dylan arrive à 18h00 et se gare en face du Mississippi (une chanson qu'il va faire ce soir, pour sûr). Quelqu'un me dira qu'il demande expressément d'être loin de la scène. pour ne pas entendre Leon Russel ? Je vois des personnes entrer et sortir de l'autobus, je ne vois pas bien. Certaines sont petites, peut-être des enfants ou des adolescents.
19:00 h j'ai commencé à chercher un billet. La foule est rassemblée au pied de la télécabine pour traverser la rivière. La foule est de nouveau de la classe moyenne des années 60. Je ne semble pas si fraîche après un après-midi sous le soleil et mes sandales israélienne à mes pieds. Les gens me regardent de haut. J'ai commencer à me sentir mal, mais j'ai besoin d’un billets. Je ne vois pas les "freaks" d'hier, Rolfe et son papa (ils ont promis d'être ici ce soir). Trois « vendeurs » font l'achat et la vente de billets, ce n'est pas bon pour moi. Ils achètent pour 30 $ et vendent pour 40 $. J'allais pour un soir de billet à 20$ ! J'attends jusqu'à la dernière minute et achete un billet pour 34 $. Puisque je vais économiser de l'argent pour une nuit d'hôtel, ça va. Je traverse le pont et marche «au dessus» du bus noir. Je rencontre Jeff, nous échangeons quelques mots. Bob sort de son bus peu après 21h00. Je ne peux pas le croire mais il fume ! Assez mauvais pour sa voix ! Une façon d’apaiser la tension ? Il marche de l'autobus à la scène entourée de deux gardes du corps. Pas question de l’appeler, il est trop loin. Je viens de dire une petite prière. "Bonne chance Bobby! Sois sage! ".
Je rentre à l'intérieur de l'Amphithéâtre, descends, près de la scène. Je ne sais pas où mon siège est et pour l'instant je ne m'inquiète pas. Je suis à trois rangées de la scène et le voilà qui commence par " Leopard-Skin Pill-Box Hat ". Malheureusement, une dame signale au garde que je ne suis pas censé être ici. Sorcière! Je dois reculer de quelques rangs et tape dans le « freak » d'hier. Il est « chargé » à nouveau. Nous nous tenons au stand des personnes handicapées et je m'amuse vraiment beaucoup. Le public est bon. Les gens me rejoignent à la danse.
Bob va faire "Forgetfull heart". Merci Bobby! J'adore cette chanson magnifique, triste, avec le violon si douloureux de Donnie. Envie de pleurer. Pleurer pour tous les cœurs brisés. Pourquoi cette femme l'a quitté ? Pourquoi elles l’ont toutes laissées ?
"Les plus beaux poèmes viennent de la plus profonde douleur».
Il semble ressentir la bonne réception du public et fera un troisième encore avec “Blowing in the wind”. Excellente performance et je regrette de ne pas avoir été plus près.
Je sors. Les deux bus sont déjà parti vers Nashville. Demain est un jour de congé.
Je passe par la rue du «blues», elle est embouteillée et je n'ai pas envie d'être dans la foule à nouveau. Je récupére mon sac à dos à la station Greyhound et je m’endors dans mon sac de couchage sur un banc. A 02h00 du matin une sacrée femme de sécurité me réveille;
Je sors. Les deux bus sont déjà parti vers Nashville. Demain est un jour de congé.
Je passe par la rue du «blues», elle est embouteillée et je n'ai pas envie d'être dans la foule à nouveau. Je récupére mon sac à dos à la station Greyhound et je m’endors dans mon sac de couchage sur un banc. A 02h00 du matin une sacrée femme de sécurité me réveille;
"Vous devez vous asseoir! Vous devez être assise! ".
"con ... !". Je m’assoies. Ma nuit de sommeil est ruinée. Je vais rattraper un peu plus de sommeil, une heure ici, une heure là jusqu'à 06h30. Le bus part à 09h10 vers Nashville j’ai l'espoir de trouver un motel ou une auberge, j'ai besoin de me laver et laver mes vêtements, je transpirais comme une folle à Memphis dans la chaleur.
1/8 NASHVILLE
Bon, je suis arrivée à Nashville à 2:00 h, en plein centre ville, j’ai trouvé le Y.M.C.A. mais ils ne louent pas de chambre, j’ai marché un peu et j’ai trouvé un Comfort Inn pour 89,99$. Je passe du temps à me laver et faire ma lessive dans l'évier. Il y a un fer à repasser dans la chambre donc je l'utilise comme un séchoir aussi j'ai mis le climatiseur à chauffage. Ca marche bien. Je vais alors au centre-ville à pied pour trouver le Ryman Auditorium. Les rues sont animées et des bars sort la musique country. L'atmosphère est sympa. Je trouve le Ryman, mais c'est quoi ? Une sorte d'église ? Je ne trouve pas l’entrée des coulisses, à l'exception de celle donnant sur la rue. Retour à l'hôtel chargée de nourriture pour une bonne nuit de sommeil. Aucun rêve de Bobby! Je dois être plus que fatiguée.
Je me suis réveillée à 7h00. Je suis reposée. Il semble que l'hôtel propose un petit déjeuner. Yep! repas gratuit. Je me suis remplis de nourriture pour la journée à venir. Je vais au centre-ville à 11h00 et achète un billet pour le "hall of fame", sorte de musée pour le country and Western. Bien fait. J’y reste (congelée dans l'air conditionné très froid) pendant 4 heures. Johnny Cash est bien sûr un grand nom et ils montrent sur un petit écran de télévision la session de Johnny Cash avec Bob Dylan pour l'album Nashville Skyline. Quelques photos avec Chris Christopherson sur le film "Pat Garett and Billy the kid". Hank Williams a une pièce entière pour lui. Je reconnais Jimmy Rogers, Emmilou Harris, Linda Ronstad, Dolly Parton, bien sûr Elvis (quoique je me demande ce qu'il fait avec le country and Western). La famille Carter et plus encore. J'ai finalement pu me trouver un livre; «Shelter from the storm » sur la Rolling Thunder Review et les années 70 en général. J'ai lu jusqu'à 17h00 puis je suis partie au Ryman. Les bus sont garés là, sur la rue. Pas de sécurité! Comment vont- ils cacher le bus de Dylan ? 18:45 h une certaine anxiété du road manager, et oui, le bus arrive vers le bas de la route et se gare à droite dans la rue. Whoa! Les gens commencent à entourer ce bus et à s'y tenir (comment savent-ils que Bob est là ?). Il ne sortira pas avant un certain temps donc je me déplace et trouve mes "amis" Jeff et Chuck, les chauffeurs de camion. Jeff me laisse avec Chuck qui commence à m'expliquer les fonctionnalités de ce gros camion. Vraiment sophistiqué. Tout est contrôlé électroniquement et par ordinateur. Il vit dans cette machine, une pièce derrière le siège du conducteur. Bien sûr, il n'existe aucun moyen pour moi de voyager dans ce camion, la politique est stricte. Les années 60 voire 70 sont révolues. Pas de "groupies" derrière la scène ou autour de la scène. C'est une machine d'affaires ! Pas de plaisir !
A 20h00, il est temps de chercher un billet, mais le « vendeurs » ne sont plus ici. Plus de gens recherchent des billets. Je commence à paniquer. Est-ce une blague ? Je ne serai pas en mesure d'entrer, à Nashville ?
Je retourne vers Chuck qui me dit qu'il peut avoir des ennuis s'il me faufile, je suis désespérée et il le sait.
A 20h40 j'ai acheté un billet à 75 $. Je ne peux pas y croire ! le plus cher jusqu'ici et même pas un premier rang, un balcon. Je traîne avec moi, Chuck au bus de Dylan. Au moins 20 fans attendent juste à côté du bus. Il ne sortira pas au milieu d'eux, j'en suis sûr. Ils vont trouver un moyen de le sortir en douce! Et ils le font ; il marche à l'arrière de l'autobus, où une grosse voiture le ramasse et le conduit à une porte d'entrée latérale. Les fans sont trompés, pas moi, je m’en doutais. Je vais à l'intérieur du Ryman avec Chuck. Je l'ai persuadé qu'au moins pour une fois il devait voir le spectacle. Je ne peux pas croire que quelqu'un avec un laissez-passer ne va même au concert !
Nous trouvons un siège sous les projecteurs de lumière, au-dessus du balcon. Le son est terriblement mauvais. Je ne peux pas entendre ce qu'il chante, mais je suis dedans. Le spectacle semble court bien qu’il fasse trois chansons pour le "rappel".
1/8 NASHVILLE
Bon, je suis arrivée à Nashville à 2:00 h, en plein centre ville, j’ai trouvé le Y.M.C.A. mais ils ne louent pas de chambre, j’ai marché un peu et j’ai trouvé un Comfort Inn pour 89,99$. Je passe du temps à me laver et faire ma lessive dans l'évier. Il y a un fer à repasser dans la chambre donc je l'utilise comme un séchoir aussi j'ai mis le climatiseur à chauffage. Ca marche bien. Je vais alors au centre-ville à pied pour trouver le Ryman Auditorium. Les rues sont animées et des bars sort la musique country. L'atmosphère est sympa. Je trouve le Ryman, mais c'est quoi ? Une sorte d'église ? Je ne trouve pas l’entrée des coulisses, à l'exception de celle donnant sur la rue. Retour à l'hôtel chargée de nourriture pour une bonne nuit de sommeil. Aucun rêve de Bobby! Je dois être plus que fatiguée.
Je me suis réveillée à 7h00. Je suis reposée. Il semble que l'hôtel propose un petit déjeuner. Yep! repas gratuit. Je me suis remplis de nourriture pour la journée à venir. Je vais au centre-ville à 11h00 et achète un billet pour le "hall of fame", sorte de musée pour le country and Western. Bien fait. J’y reste (congelée dans l'air conditionné très froid) pendant 4 heures. Johnny Cash est bien sûr un grand nom et ils montrent sur un petit écran de télévision la session de Johnny Cash avec Bob Dylan pour l'album Nashville Skyline. Quelques photos avec Chris Christopherson sur le film "Pat Garett and Billy the kid". Hank Williams a une pièce entière pour lui. Je reconnais Jimmy Rogers, Emmilou Harris, Linda Ronstad, Dolly Parton, bien sûr Elvis (quoique je me demande ce qu'il fait avec le country and Western). La famille Carter et plus encore. J'ai finalement pu me trouver un livre; «Shelter from the storm » sur la Rolling Thunder Review et les années 70 en général. J'ai lu jusqu'à 17h00 puis je suis partie au Ryman. Les bus sont garés là, sur la rue. Pas de sécurité! Comment vont- ils cacher le bus de Dylan ? 18:45 h une certaine anxiété du road manager, et oui, le bus arrive vers le bas de la route et se gare à droite dans la rue. Whoa! Les gens commencent à entourer ce bus et à s'y tenir (comment savent-ils que Bob est là ?). Il ne sortira pas avant un certain temps donc je me déplace et trouve mes "amis" Jeff et Chuck, les chauffeurs de camion. Jeff me laisse avec Chuck qui commence à m'expliquer les fonctionnalités de ce gros camion. Vraiment sophistiqué. Tout est contrôlé électroniquement et par ordinateur. Il vit dans cette machine, une pièce derrière le siège du conducteur. Bien sûr, il n'existe aucun moyen pour moi de voyager dans ce camion, la politique est stricte. Les années 60 voire 70 sont révolues. Pas de "groupies" derrière la scène ou autour de la scène. C'est une machine d'affaires ! Pas de plaisir !
A 20h00, il est temps de chercher un billet, mais le « vendeurs » ne sont plus ici. Plus de gens recherchent des billets. Je commence à paniquer. Est-ce une blague ? Je ne serai pas en mesure d'entrer, à Nashville ?
Je retourne vers Chuck qui me dit qu'il peut avoir des ennuis s'il me faufile, je suis désespérée et il le sait.
A 20h40 j'ai acheté un billet à 75 $. Je ne peux pas y croire ! le plus cher jusqu'ici et même pas un premier rang, un balcon. Je traîne avec moi, Chuck au bus de Dylan. Au moins 20 fans attendent juste à côté du bus. Il ne sortira pas au milieu d'eux, j'en suis sûr. Ils vont trouver un moyen de le sortir en douce! Et ils le font ; il marche à l'arrière de l'autobus, où une grosse voiture le ramasse et le conduit à une porte d'entrée latérale. Les fans sont trompés, pas moi, je m’en doutais. Je vais à l'intérieur du Ryman avec Chuck. Je l'ai persuadé qu'au moins pour une fois il devait voir le spectacle. Je ne peux pas croire que quelqu'un avec un laissez-passer ne va même au concert !
Nous trouvons un siège sous les projecteurs de lumière, au-dessus du balcon. Le son est terriblement mauvais. Je ne peux pas entendre ce qu'il chante, mais je suis dedans. Le spectacle semble court bien qu’il fasse trois chansons pour le "rappel".
A la fin de la chanson « Blowing in the wind », Bob a signé un autographe pour un garçon de 12 ans qui était au premier rang. L’histoire est sur Internet.
Je quitte la salle avant " Blowing in the wind ". Ils ont déplacés le bus par l'entrée principale. Un tas de fans est déjà en attente à droite du bus avec un seul homme de la sécurité. Nous allons le voir à coup sûr, il ne peut s’échapper. Les fans se préparent pour un autographe ou une photo. Entouré par deux gardes du corps, il marche tout simplement vers le bus. Pas d'autographe, rien. Il semble heureux pourtant !
"Bye, bye, Bonne nuit Bobby!".
Je retourne dans la foule et trouve Rolfe et son père qui avaient été à ce spectacle. Rolfe me dit que Bob avait signé un autographe à un enfant sur le devant de la scène. Ainsi, il peut voir ? Et il regarde ? Lentilles de contact ? Quelle belle surprise ! Je suis tellement heureuse pour ce jeune chanceux.
Suivant Evansville. Mon bus part à 12:25 h. J'ai des sentiments mitigés. Je dois être prudente avec mon argent, couper mes dépenses. Je dois oublier Toledo et Kettering est en fait à Dayton.
Mercredi 3 Août.
Bob va jouer à Toledo et je ne serai pas là. Je ne peux pas arriver à temps avec Greyhound. J'ai atteint Evansville à 04h00 du matin dans une humeur terriblement « bluesy » et Evansville n'est pas une ville joyeuse. La station de bus Greyhound est fermée alors j'ai attraper quelques deux heures de sommeil sur un banc à l'extérieur. Je commence à marcher au centre-ville. Vacuité. Tout est mort et laid. Terriblement laide cette ville! Tout est en train de s'effondrer. J'ai besoin de trouver un hôtel pas cher pour deux nuits, comment arriver au Stade Robert et une tasse de café. Je rencontre un homme gentil (SDF) qui me guide autour. Je suis rejetée par le Y.W.C.A. et bien sûr il n'y a pas d’Auberge de jeunesse. Je prends deux nuits à l’Economy Inn à 90$, pas trop mal ! Je me lave et me repose avant une promenade au centre-ville.
“Everything inside is made of stone
There’s nothing in here moving”
Après avoir obtenu des informations sur la manière d'atteindre le stade Robert (en bus n ° 6) Je retourne à ma chambre pour lire «Shelter from the storm", un livre sur les Rolling Thunder Revue. Pas aussi bon que le livre de Ratso "On the road with Bob Dylan", cependant. Assez négatif sur l'histoire de Rubin Carter.
A 17h00, je bouge et prends le bus et arrive à l'arrière du stade. Le bus des musiciens est garé et j'ai entendu le sound check, mais pas de Dylan bus encore.
A 18h00 Al Santos commence à devenir nerveux et parle dans son talkie-walkie. Soudain le bus se gare, juste en face de moi.
Deux heures d'attente ; rêver de ci et de rêver de ça. Trois fans attendent avec moi; Suzanne, Mick et Ronny de l'Irlande. Suzanne et le jeune veulent Mick veulent un autographe, mais Ronny a l’obsession de prendre une photo. Je continue à leur dire que Bob n'aime pas être pris en photo et si ses gardes voient les caméras ils vont l’escamoter, comme à Nashville. Mais ils me prennent pour une folle. Je perds mon sang froid et je dis à Ronny qu'il est un co ... sans aucun respect et il a ruiné nos chances de juste dire bonjour. Je suis super en colère et je regrette de leur parler. Mick ne va même pas au spectacle! Quel type de fan est-il ?
Ils ont gâché ma soirée ces stupides! Et bien sûr, la sécurité faufile Bob dans une voiture blanche qui disparaît au détour. Donc désolé Bobby !
Je rentre à l'intérieur du stade; moitié vide et à moitié pleine. Je me suis procuré un billet au box-office pour 25 $, au loin. Le son n'est pas bon, je ne vois pas bien Bob, le public est assez mauvais, le pire de tous les spectacles pour moi. Je pars avant " Blowin 'In The Wind " et de courir vers l'arrière scène. Le bus est stationné sur la rampe, la sécurité commence ses conneries à jouer au "chat et à la souris". Le bus part.
"Bye, bye Bobby! Bonne nuit! ".
Je quitte la salle avant " Blowing in the wind ". Ils ont déplacés le bus par l'entrée principale. Un tas de fans est déjà en attente à droite du bus avec un seul homme de la sécurité. Nous allons le voir à coup sûr, il ne peut s’échapper. Les fans se préparent pour un autographe ou une photo. Entouré par deux gardes du corps, il marche tout simplement vers le bus. Pas d'autographe, rien. Il semble heureux pourtant !
"Bye, bye, Bonne nuit Bobby!".
Je retourne dans la foule et trouve Rolfe et son père qui avaient été à ce spectacle. Rolfe me dit que Bob avait signé un autographe à un enfant sur le devant de la scène. Ainsi, il peut voir ? Et il regarde ? Lentilles de contact ? Quelle belle surprise ! Je suis tellement heureuse pour ce jeune chanceux.
Suivant Evansville. Mon bus part à 12:25 h. J'ai des sentiments mitigés. Je dois être prudente avec mon argent, couper mes dépenses. Je dois oublier Toledo et Kettering est en fait à Dayton.
Mercredi 3 Août.
Bob va jouer à Toledo et je ne serai pas là. Je ne peux pas arriver à temps avec Greyhound. J'ai atteint Evansville à 04h00 du matin dans une humeur terriblement « bluesy » et Evansville n'est pas une ville joyeuse. La station de bus Greyhound est fermée alors j'ai attraper quelques deux heures de sommeil sur un banc à l'extérieur. Je commence à marcher au centre-ville. Vacuité. Tout est mort et laid. Terriblement laide cette ville! Tout est en train de s'effondrer. J'ai besoin de trouver un hôtel pas cher pour deux nuits, comment arriver au Stade Robert et une tasse de café. Je rencontre un homme gentil (SDF) qui me guide autour. Je suis rejetée par le Y.W.C.A. et bien sûr il n'y a pas d’Auberge de jeunesse. Je prends deux nuits à l’Economy Inn à 90$, pas trop mal ! Je me lave et me repose avant une promenade au centre-ville.
“Everything inside is made of stone
There’s nothing in here moving”
Après avoir obtenu des informations sur la manière d'atteindre le stade Robert (en bus n ° 6) Je retourne à ma chambre pour lire «Shelter from the storm", un livre sur les Rolling Thunder Revue. Pas aussi bon que le livre de Ratso "On the road with Bob Dylan", cependant. Assez négatif sur l'histoire de Rubin Carter.
A 17h00, je bouge et prends le bus et arrive à l'arrière du stade. Le bus des musiciens est garé et j'ai entendu le sound check, mais pas de Dylan bus encore.
A 18h00 Al Santos commence à devenir nerveux et parle dans son talkie-walkie. Soudain le bus se gare, juste en face de moi.
Deux heures d'attente ; rêver de ci et de rêver de ça. Trois fans attendent avec moi; Suzanne, Mick et Ronny de l'Irlande. Suzanne et le jeune veulent Mick veulent un autographe, mais Ronny a l’obsession de prendre une photo. Je continue à leur dire que Bob n'aime pas être pris en photo et si ses gardes voient les caméras ils vont l’escamoter, comme à Nashville. Mais ils me prennent pour une folle. Je perds mon sang froid et je dis à Ronny qu'il est un co ... sans aucun respect et il a ruiné nos chances de juste dire bonjour. Je suis super en colère et je regrette de leur parler. Mick ne va même pas au spectacle! Quel type de fan est-il ?
Ils ont gâché ma soirée ces stupides! Et bien sûr, la sécurité faufile Bob dans une voiture blanche qui disparaît au détour. Donc désolé Bobby !
Je rentre à l'intérieur du stade; moitié vide et à moitié pleine. Je me suis procuré un billet au box-office pour 25 $, au loin. Le son n'est pas bon, je ne vois pas bien Bob, le public est assez mauvais, le pire de tous les spectacles pour moi. Je pars avant " Blowin 'In The Wind " et de courir vers l'arrière scène. Le bus est stationné sur la rampe, la sécurité commence ses conneries à jouer au "chat et à la souris". Le bus part.
"Bye, bye Bobby! Bonne nuit! ".
Encore une fois, cela me prend une éternité pour sortir. Il n'y a pas de bus qui passe à cette heure et je ne sais même pas la direction du centre-ville. Les voitures passent devant moi et si elles le pouvaient, j'ai le sentiment qu'ils m’écraseraient. Un vieil homme qui travaille juste à l'intérieur du stade me prend, pas un fan de Dylan, juste un bon vieillard. Il me reconduit jusqu’à mon hôtel pour une bonne nuit de sommeil. Merci vieux !
Je vais prendre un jour de congé pour réfléchir à une nouvelle stratégie. Je n'ai pas envie d'encourager les fans de se rapprocher plus. Si ils ne rangent leurs caméras je vais commencer à leur raconter des blagues comme la sécurité, en leur disant qu'il est déjà parti, pour me donner une chance de le voir et de lui parler. Je pense mériter un peu plus ?
Mais ma conviction est que je ne serai pas capable de l'atteindre. Le garde du corps n'est pas Jimmy et le road manager n'est pas Howard Alk, pas même Bob Meyers. Je ne sais pas quelle est la position réelle de Bob. À propos des photos je suis sûr, sur le reste je suis encore incertaine (après tout ce il a signé un autographe !). Si il ne veut pas que les gens le regardent, il a un gros problème, car après tout il est sur scène presque chaque nuit et le premier rang avec des jumelles est plus proche de son visage que nul part ailleurs. Et que dire de sortir pour faire quelques courses et aller dans des endroits? Est-il gardé aussi dans sa chambre d'hôtel ainsi que dans son bus?
Désolé Bobby!
Je vais prendre un jour de congé pour réfléchir à une nouvelle stratégie. Je n'ai pas envie d'encourager les fans de se rapprocher plus. Si ils ne rangent leurs caméras je vais commencer à leur raconter des blagues comme la sécurité, en leur disant qu'il est déjà parti, pour me donner une chance de le voir et de lui parler. Je pense mériter un peu plus ?
Mais ma conviction est que je ne serai pas capable de l'atteindre. Le garde du corps n'est pas Jimmy et le road manager n'est pas Howard Alk, pas même Bob Meyers. Je ne sais pas quelle est la position réelle de Bob. À propos des photos je suis sûr, sur le reste je suis encore incertaine (après tout ce il a signé un autographe !). Si il ne veut pas que les gens le regardent, il a un gros problème, car après tout il est sur scène presque chaque nuit et le premier rang avec des jumelles est plus proche de son visage que nul part ailleurs. Et que dire de sortir pour faire quelques courses et aller dans des endroits? Est-il gardé aussi dans sa chambre d'hôtel ainsi que dans son bus?
Désolé Bobby!
05/08 DAYTON
C’est Dayton, le Lincoln Park, où se tient le pavillon Fraze.Une heure.
De Evansville, je suis arrivée à Louisville Cincinnati. J'ai été bloquée à la gare de Greyhound pendant plus de quatre heures. Le système de transport Greyhound n'est pas le meilleur !
J'ai atteint Dayton le matin sans trop de sommeil et me suis renseignée immédiatement pour le Pavillon Fraze, accessible en bus. Mais Dayton est comme Pensacola une ville étalée, avec de belles petites maisons de briques rouges. J'ai le temps de prendre un sandwich et un coca au Subway. La population est agréable, beaucoup plus que dans Evansville où j'ai trouvé refuge dans la bibliothèque et j'ai écrit mon "blog". J'ai posté le lien sur "expecting rain forum" et immédiatement obtenu de mauvais réactions. Réaction sévère. Réactions méchantes. Comme je ne suis pas censé suivre Bob Dylan, comme je le rend paranoïaques, comme ce que je fais est le meilleur moyen de ne pas l’atteindre, même d'apporter une restriction de cours sur ma personne! Whoa! Suis-je si mauvais ? Je n’ai pas arrêté de pleurer pendant toute une journée et une nuit entière. Je dois être vraiment folle dingue !
Je viens de lire «Shelter from the storm » par Sid Griffin. Bob est souvent décrit comme un fou, erratique et morose, mais tellement talentueux. Ce n'est pas l'image que j’ai de lui, de nos rencontres, je me souviens d'un homme charmant, attentif à mes besoins, gentil et doux avec une grande connaissance des personnes, une grande mémoire, une voix douce.
Il y a un Bobby pour chaque personne ? Un homme aux multiples facettes ? un fantôme caméléon ?
J'ai décidé de chance ma stratégie. Je suis sûr maintenant que je ne serai pas en mesure de l'approcher, je vais lui laisser son espace, je me tiendrai loin du bus, pour lui laisser son intimité. Je vais être plus prudent avec les fans. Je vais me retirer de «expecting rain forum ". Ils pourraient avoir raison, mais après tout j'avais pu rencontrer Bob avec ma folie. Je ne dois rien à personne.
06/08 à Columbus.
Hier je suis arrivée à Dayton et dès que possible après une boisson et un sandwich j'ai pris le bus n ° 17 en direction du sud pour arriver au Pavillon Fraze.
Le Pavillon Fraze est dans le parc Lincoln. Je me trouve sur un banc non loin des camions et roadies bus et je m'endors. Quand je me réveille les deux bus sombres sont stationnés, non loin de là où je me tiens. C'est 16h30 et j'entends certains sonds déjà. Je me souviens que ce soir, Leon Russel ne fera pas l'ouverture, un autre groupe dont oublié le nom.
C’est Dayton, le Lincoln Park, où se tient le pavillon Fraze.Une heure.
De Evansville, je suis arrivée à Louisville Cincinnati. J'ai été bloquée à la gare de Greyhound pendant plus de quatre heures. Le système de transport Greyhound n'est pas le meilleur !
J'ai atteint Dayton le matin sans trop de sommeil et me suis renseignée immédiatement pour le Pavillon Fraze, accessible en bus. Mais Dayton est comme Pensacola une ville étalée, avec de belles petites maisons de briques rouges. J'ai le temps de prendre un sandwich et un coca au Subway. La population est agréable, beaucoup plus que dans Evansville où j'ai trouvé refuge dans la bibliothèque et j'ai écrit mon "blog". J'ai posté le lien sur "expecting rain forum" et immédiatement obtenu de mauvais réactions. Réaction sévère. Réactions méchantes. Comme je ne suis pas censé suivre Bob Dylan, comme je le rend paranoïaques, comme ce que je fais est le meilleur moyen de ne pas l’atteindre, même d'apporter une restriction de cours sur ma personne! Whoa! Suis-je si mauvais ? Je n’ai pas arrêté de pleurer pendant toute une journée et une nuit entière. Je dois être vraiment folle dingue !
Je viens de lire «Shelter from the storm » par Sid Griffin. Bob est souvent décrit comme un fou, erratique et morose, mais tellement talentueux. Ce n'est pas l'image que j’ai de lui, de nos rencontres, je me souviens d'un homme charmant, attentif à mes besoins, gentil et doux avec une grande connaissance des personnes, une grande mémoire, une voix douce.
Il y a un Bobby pour chaque personne ? Un homme aux multiples facettes ? un fantôme caméléon ?
J'ai décidé de chance ma stratégie. Je suis sûr maintenant que je ne serai pas en mesure de l'approcher, je vais lui laisser son espace, je me tiendrai loin du bus, pour lui laisser son intimité. Je vais être plus prudent avec les fans. Je vais me retirer de «expecting rain forum ". Ils pourraient avoir raison, mais après tout j'avais pu rencontrer Bob avec ma folie. Je ne dois rien à personne.
06/08 à Columbus.
Hier je suis arrivée à Dayton et dès que possible après une boisson et un sandwich j'ai pris le bus n ° 17 en direction du sud pour arriver au Pavillon Fraze.
Le Pavillon Fraze est dans le parc Lincoln. Je me trouve sur un banc non loin des camions et roadies bus et je m'endors. Quand je me réveille les deux bus sombres sont stationnés, non loin de là où je me tiens. C'est 16h30 et j'entends certains sonds déjà. Je me souviens que ce soir, Leon Russel ne fera pas l'ouverture, un autre groupe dont oublié le nom.
Je commence la relecture de «Shelter from the storm".
A 19h00 je demande à quelqu'un à quelle heure le spectacle va commencer
A 19h00 je demande à quelqu'un à quelle heure le spectacle va commencer
“Could you kindly tell me, friend, what time the show begins ?”
«Pourriez-vous l'obligeance de me dire, un ami, à quelle heure le spectacle commence ?"
19:30 h. Je vais juste aller au spectacle, je vais rester loin de l'autobus pour permettre à Bob de fumer sa cigarette en paix. Je passe à l'entrée pour obtenir un billet. Je n'ai aucune chance pour un ticket « extra » donc je m'achète une « pelouse » pour 38 $. Toujours beaucoup d'argent mais je veux être dedans.
Je reviens sur mon banc et je rencontre une vieille dame qui se trouvait à suivre quelques spectacles toute seule avec une passe de Greyhound. Je ne suis pas la seule folle de Dylan ?
Elle me dit que il y a un bus de ville pour le centre ville remontant à minuit dix. D’accord, alors je ne dormirai pas dehors après tout! Dans le même temps, j'ai rencontré mon ami Chuck, le gentil conducteur de camion. Il me donne un rendez-vous à Cleveland pour un dîner ensemble. Nous allons voir !
Pour l'instant j’attends Bob à sortir de son bus à une distance raisonnable, il ne va pas me voir.
Je suis la seule avec des yeux braqués sur ce bus alors j'espère qu'ils ne le sortiront pas en douce.
A 20h35, la jeune fille avec les cheveux auburn sort du bus et laisse la porte ouverte. Bob sort et marche droit pour la scène. Pas de cigarette ?
Je cours à l'entrée, m’assoies sur l'herbe un peu avant que Bob apparaisse. Le road manager passe devant moi et regarde mon sac à dos! J'ai presque dit bonjour, mais je me suis retenue. Que lui importe ?
«Leopard-Skin Pill-Box Hat " ... puis une surprise; «Girl of the North Country ". Magnifique!
La chanson est parfaite, sa voix au mieux, un phrasé clair et il nuance le ton de sa voix.
Ensuite, "Tangled up in blue", " Things Have Changed ", "Tweedle Dee & Tweedle Dum" et une autre surprise "Desolation Row". Whoa! Merci. Celle que j’attendais. Il est dans une forme remarquable; à danser à son clavier, échangeant des regards avec ses musiciens. Communicative, enfin! Les guitares sonnent plus claire qu’avant, même le son de l'harmonica est différent. Je me sens bien, m'amuse beaucoup.
Je suis sûr qu'il va faire trois chansons pour le rappel, mais qui sait-on jamais ?
Je bouge après " All Along The Watchtower " mais le temps que j'arrive au bus, il sort déjà. Pas de "Blowing in the wind".
"Bye, bye Bobby, bonne nuit!". Je voulais juste te dire à quel point ce spectacle fut fantastique!
Je ne sais pas trop pour le bus de la ville donc je commence l'auto-stop. Deux jeunes gars sont assez gentil pour me ramener à la station de bus de la ville centrale. La vieille dame attrape le même bus. Nous passons à la gare des bus Greyhound, soi-disant fermés. Mais surprise, il y a un bus qui va à Columbus (assez proche de Cleveland). Maintenant, nous sommes coincés dans Columbus et la vieille dame et moi nous avons à dormir dehors, elle dans sa couverture, et moi, dans mon sac de couchage. Certain jeune homme croyant que nous sommes des sans-abri va nous donner 5 $. Ai-je l'air si désespérée ?
Un café et deux tartes plus tard, nous attendons de nouveau à la porte n ° 3 pour le bus vers Cleveland.
6/8 Cleveland
Nous devons trouver le « Pavillon de Jacob ». Il ne semble pas loin du centre ville. Je me promène dans le centre-ville. Comme la plupart des centre-ville dans les villes américaines, je vois principalement des immeubles commerciaux, les banques et les bureaux. Des Gratte-ciel. Il y a un centre commercial intérieur avec l'air conditionné et des magasins et des restaurants (fast food). Je m’offre une salade avec des frites. Quand je sors la vieille dame a disparu. Je ne la comprends, elle a acheté un pass Greyhound pour une semaine à suivre des spectacles, mais quand je lui ai demandé les chansons jouées la nuit précédente elle a dit qu'elle ne savait pas (et ne s’en souciait pas!). Elle est vieille, 70 ou plus et habillée à l'ancienne avec une longue jupe et une veste noire, elle a un petit sac et une couverture. Elle ne parle pas beaucoup, sauf cette nuit, à l'extérieur de Columbus, quand elle a commencé à me dire que son frère n'était pas exactement son frère mais il avait été échangé avec le fils de la nièce d'Hitler ? Réalité ou fiction ? Je ne comprends pas son but, suivre Bob, et finalement je suis contente qu'elle ne soit plus là. Je préfère être par moi-même. C'est assez compliqué comme ça, elle n'est d’aucune aide et aucun confort.
Alors je marche seul pour le Pavillon de Jacob. Situation étrange à côté du lac Érié dans un quartier laid et inaccessibles. Les camions sont garés, mais aucun signe de Chuck. Je reviens au centre. Comme il commence à pleuvoir, c'est un refuge. Je m'endors sur une table pendant 10 minutes, je ne peux plus garder les yeux ouverts.
Puis 19h00, le temps de revenir à cet endroit horrible. Comme je marche je trouve deux billets sur le trottoir, je ne peux pas croire ma chance, deux billets de spectacle de Bob Dylan au Pavillon Jacob. Whoa ! Dieu merci !
J’en vends un à un gars étrange qui va me donner 70 $. Whoa! Je me sens mieux maintenant.
Chuck se dégage de son camion, vient à moi et dit qu'il veut manger quelque part. Nous trouvons un bar près et il ordonne un B.B.Q. sandwich. Il parle de lui-même et son problème comme chauffeur de camion. Il n'aime pas le Tour et il voudrait quitter. Bien sûr, il n'a rien à voir avec Dylan et sa vision sur mon projet est étroit d'esprit comme d'habitude. Il n’est pas fan. Son idée sur les raisons de Bob Dylan en tournée ("jusqu'à ce que je tombe", a-t-il déclaré) et de la sécurité reserrée est commun, pas ma philosophie. Chuck est sympa, mais il a juste besoin de compagnie.
A 19h30, il se rendort et je traîne un peu plus. Je ne veux pas entendre Leon Russel.
A 21h05 h je regarde le bus de Dylan de loin. Le garde du corps me voit mais il ne peut rien faire, je ne suis pas une nuisance. Bob sort avec son chapeau et sa tenue et certains fans au-dessus du parking, sur une sorte de pont, l’interpelle. Comment savaient-ils qu'il était encore dans son bus ?
Je suis passée rapidement à l'entrée, mais mon billet trouvé est rejeté. Il avait été remboursé. Merde ! Je vais en acheter un autre au box-office pour 45 $. Je suis désolée pour le gars à qui j'ai vendu le billet, mais je croyais vraiment que c'était OK. Vous gagnez, vous perdez.
Le spectacle est bon, il fera par surprise, deux chansons anti-raciste " The Lonesome Death Of Hattie Carroll " et " Ballad Of Hollis Brown». Pourquoi et pourquoi précisément dans cette ville ? Je vais devoir découvrir l'histoire de la ville. Il n'a pas changé la mélodie et il articule parfaitement les mots. J'aime «The Lonesome Death Of Hattie Carroll»; belle histoire avec une grande moralité. Je sens à nouveau passer son esprit sur scène. J'essaie d’oublier la foule autour de moi qui continue à se déplacer dans et hors du bar. Pourquoi les gens vont au spectacle, s’ils veulent juste se saouler ? Au dessus de mon entendement !
Bob a une certaine difficulté à garder sa voix claire à la fin du spectacle. Il est constamment à boire quelque chose derrière son clavier et à se moucher. Un rhume ? Je sais qu'il ne fera pas "Blowing in the wind". Plus de voix.
Je bouge peu de temps avant la fin de «All Along The Watchtower», le bus sort.
"Bye! Bye! Bobby, bonne nuit ".
Je marche rapidement vers la gare Greyhound. Surprise ! La vieille dame est déjà là. On ne parle pas tellement. Elle dit que c'est le meilleur spectacle qu'elle a entendu. Je suis en désaccord.
Nous attendons 04h00 du matin pour un bus vers Detroit, en essayant d'attraper un peu de sommeil sur un banc, dehors. Il fait trop froid à l'intérieur. Pourquoi mettent-ils l’air conditionné si froid ?
«Pourriez-vous l'obligeance de me dire, un ami, à quelle heure le spectacle commence ?"
19:30 h. Je vais juste aller au spectacle, je vais rester loin de l'autobus pour permettre à Bob de fumer sa cigarette en paix. Je passe à l'entrée pour obtenir un billet. Je n'ai aucune chance pour un ticket « extra » donc je m'achète une « pelouse » pour 38 $. Toujours beaucoup d'argent mais je veux être dedans.
Je reviens sur mon banc et je rencontre une vieille dame qui se trouvait à suivre quelques spectacles toute seule avec une passe de Greyhound. Je ne suis pas la seule folle de Dylan ?
Elle me dit que il y a un bus de ville pour le centre ville remontant à minuit dix. D’accord, alors je ne dormirai pas dehors après tout! Dans le même temps, j'ai rencontré mon ami Chuck, le gentil conducteur de camion. Il me donne un rendez-vous à Cleveland pour un dîner ensemble. Nous allons voir !
Pour l'instant j’attends Bob à sortir de son bus à une distance raisonnable, il ne va pas me voir.
Je suis la seule avec des yeux braqués sur ce bus alors j'espère qu'ils ne le sortiront pas en douce.
A 20h35, la jeune fille avec les cheveux auburn sort du bus et laisse la porte ouverte. Bob sort et marche droit pour la scène. Pas de cigarette ?
Je cours à l'entrée, m’assoies sur l'herbe un peu avant que Bob apparaisse. Le road manager passe devant moi et regarde mon sac à dos! J'ai presque dit bonjour, mais je me suis retenue. Que lui importe ?
«Leopard-Skin Pill-Box Hat " ... puis une surprise; «Girl of the North Country ". Magnifique!
La chanson est parfaite, sa voix au mieux, un phrasé clair et il nuance le ton de sa voix.
Ensuite, "Tangled up in blue", " Things Have Changed ", "Tweedle Dee & Tweedle Dum" et une autre surprise "Desolation Row". Whoa! Merci. Celle que j’attendais. Il est dans une forme remarquable; à danser à son clavier, échangeant des regards avec ses musiciens. Communicative, enfin! Les guitares sonnent plus claire qu’avant, même le son de l'harmonica est différent. Je me sens bien, m'amuse beaucoup.
Je suis sûr qu'il va faire trois chansons pour le rappel, mais qui sait-on jamais ?
Je bouge après " All Along The Watchtower " mais le temps que j'arrive au bus, il sort déjà. Pas de "Blowing in the wind".
"Bye, bye Bobby, bonne nuit!". Je voulais juste te dire à quel point ce spectacle fut fantastique!
Je ne sais pas trop pour le bus de la ville donc je commence l'auto-stop. Deux jeunes gars sont assez gentil pour me ramener à la station de bus de la ville centrale. La vieille dame attrape le même bus. Nous passons à la gare des bus Greyhound, soi-disant fermés. Mais surprise, il y a un bus qui va à Columbus (assez proche de Cleveland). Maintenant, nous sommes coincés dans Columbus et la vieille dame et moi nous avons à dormir dehors, elle dans sa couverture, et moi, dans mon sac de couchage. Certain jeune homme croyant que nous sommes des sans-abri va nous donner 5 $. Ai-je l'air si désespérée ?
Un café et deux tartes plus tard, nous attendons de nouveau à la porte n ° 3 pour le bus vers Cleveland.
6/8 Cleveland
Nous devons trouver le « Pavillon de Jacob ». Il ne semble pas loin du centre ville. Je me promène dans le centre-ville. Comme la plupart des centre-ville dans les villes américaines, je vois principalement des immeubles commerciaux, les banques et les bureaux. Des Gratte-ciel. Il y a un centre commercial intérieur avec l'air conditionné et des magasins et des restaurants (fast food). Je m’offre une salade avec des frites. Quand je sors la vieille dame a disparu. Je ne la comprends, elle a acheté un pass Greyhound pour une semaine à suivre des spectacles, mais quand je lui ai demandé les chansons jouées la nuit précédente elle a dit qu'elle ne savait pas (et ne s’en souciait pas!). Elle est vieille, 70 ou plus et habillée à l'ancienne avec une longue jupe et une veste noire, elle a un petit sac et une couverture. Elle ne parle pas beaucoup, sauf cette nuit, à l'extérieur de Columbus, quand elle a commencé à me dire que son frère n'était pas exactement son frère mais il avait été échangé avec le fils de la nièce d'Hitler ? Réalité ou fiction ? Je ne comprends pas son but, suivre Bob, et finalement je suis contente qu'elle ne soit plus là. Je préfère être par moi-même. C'est assez compliqué comme ça, elle n'est d’aucune aide et aucun confort.
Alors je marche seul pour le Pavillon de Jacob. Situation étrange à côté du lac Érié dans un quartier laid et inaccessibles. Les camions sont garés, mais aucun signe de Chuck. Je reviens au centre. Comme il commence à pleuvoir, c'est un refuge. Je m'endors sur une table pendant 10 minutes, je ne peux plus garder les yeux ouverts.
Puis 19h00, le temps de revenir à cet endroit horrible. Comme je marche je trouve deux billets sur le trottoir, je ne peux pas croire ma chance, deux billets de spectacle de Bob Dylan au Pavillon Jacob. Whoa ! Dieu merci !
J’en vends un à un gars étrange qui va me donner 70 $. Whoa! Je me sens mieux maintenant.
Chuck se dégage de son camion, vient à moi et dit qu'il veut manger quelque part. Nous trouvons un bar près et il ordonne un B.B.Q. sandwich. Il parle de lui-même et son problème comme chauffeur de camion. Il n'aime pas le Tour et il voudrait quitter. Bien sûr, il n'a rien à voir avec Dylan et sa vision sur mon projet est étroit d'esprit comme d'habitude. Il n’est pas fan. Son idée sur les raisons de Bob Dylan en tournée ("jusqu'à ce que je tombe", a-t-il déclaré) et de la sécurité reserrée est commun, pas ma philosophie. Chuck est sympa, mais il a juste besoin de compagnie.
A 19h30, il se rendort et je traîne un peu plus. Je ne veux pas entendre Leon Russel.
A 21h05 h je regarde le bus de Dylan de loin. Le garde du corps me voit mais il ne peut rien faire, je ne suis pas une nuisance. Bob sort avec son chapeau et sa tenue et certains fans au-dessus du parking, sur une sorte de pont, l’interpelle. Comment savaient-ils qu'il était encore dans son bus ?
Je suis passée rapidement à l'entrée, mais mon billet trouvé est rejeté. Il avait été remboursé. Merde ! Je vais en acheter un autre au box-office pour 45 $. Je suis désolée pour le gars à qui j'ai vendu le billet, mais je croyais vraiment que c'était OK. Vous gagnez, vous perdez.
Le spectacle est bon, il fera par surprise, deux chansons anti-raciste " The Lonesome Death Of Hattie Carroll " et " Ballad Of Hollis Brown». Pourquoi et pourquoi précisément dans cette ville ? Je vais devoir découvrir l'histoire de la ville. Il n'a pas changé la mélodie et il articule parfaitement les mots. J'aime «The Lonesome Death Of Hattie Carroll»; belle histoire avec une grande moralité. Je sens à nouveau passer son esprit sur scène. J'essaie d’oublier la foule autour de moi qui continue à se déplacer dans et hors du bar. Pourquoi les gens vont au spectacle, s’ils veulent juste se saouler ? Au dessus de mon entendement !
Bob a une certaine difficulté à garder sa voix claire à la fin du spectacle. Il est constamment à boire quelque chose derrière son clavier et à se moucher. Un rhume ? Je sais qu'il ne fera pas "Blowing in the wind". Plus de voix.
Je bouge peu de temps avant la fin de «All Along The Watchtower», le bus sort.
"Bye! Bye! Bobby, bonne nuit ".
Je marche rapidement vers la gare Greyhound. Surprise ! La vieille dame est déjà là. On ne parle pas tellement. Elle dit que c'est le meilleur spectacle qu'elle a entendu. Je suis en désaccord.
Nous attendons 04h00 du matin pour un bus vers Detroit, en essayant d'attraper un peu de sommeil sur un banc, dehors. Il fait trop froid à l'intérieur. Pourquoi mettent-ils l’air conditionné si froid ?
DETROIT 07/08
08:00 du matin. La station Greyhound est en plein centre ville, j'ai besoin de trouver une chambre car il y a une journée de congé le 8. Je marche à la station centrale de bus essayant d'obtenir des informations sur Rochester Hills et le Festival de Musique de Meadow Brook.
Je rencontre un "sans-abri" qui semble être bien "articulé" ramassant les boîtes et les bouteilles pour se faire quelques sous pour le ticket de bus. Il me dirige vers les lignes de bus et prend même le bus de la ville avec moi pour le quartier de Birmingham; endroit agréable, un peu chic, avec des gens riches promenant leurs chiens de fantaisie en laisse. J’offre à mon ami une tasse de café au café Starbuck et il parle et parle. Pas trop fou, même brillants. Nous décidons d'aller regarder un film à 11h45 "Rise of the Planet of the Apes". Première fois que je suis capable de voir un bon film avec Pop Corn. Le film est bon mais le scénario prévisible.
Puis Steve me dirige vers une librairie. Je veux toujours acheter le livre des paroles de chanson de Dylan des années 90 et plus. Mais je me retrouve avec le Bible illustrée par Marc Chagall. OK, nous obtenons ce dont nous avons besoin mais pas toujours ce que nous voulons.
15:00 h. Temps de se renseigner sur Rochester Hills et de chercher une chambre pour la nuit. J'ai confiance en Steve qui semble tout savoir sur la ville. Après deux heures de marche dans un quartier agréable et une incessante parlotte par Steve je trouve un Motel "Super 8". Mais ... le Meadow Brook Festival de musique n'est pas tout près, en fait 16 kilomètres. Steve n'est pas si "articulé", après tout. Je suis énervée, fatiguée et folle. Je décide de prendre la chambre de toute façon et d'appeler un taxi pour rejoindre Rochester Hills. La jeune fille au comptoir est utile et m'appelle un taxi. Je prends une douche rapide et me voilà. Le conducteur a perdu sa route. Le trajet va me coûter 45 $. Mauvaise journée! Nous gagnons, nous perdons !
Le concert est au milieu de champs dans la campagne, comme une fête champêtre. En fait les gens viennent avec des couvertures, des chaises et des glacières; un pique-nique.
J'ai mis de côté le retour au motel (le stop apparaît compromis avec ce genre de public!), Pour l'instant j'ai besoin d'un billet. Trois gars sont à la recherche de billets. Pas de « vendeurs ». Bon! Ces « vendeurs », rende difficile pour moi de négocier un bon prix. Un jeune homme me propose un billet gratuit et un bonne place. Cela permettra d'équilibrer le taxi. Merci gamin!
Je rentre car il n'y a aucun moyen d'approcher autour du bus, l'arrière-scène est accessible à personne sans badge. Complètement fermée.
Je supporte Leon Russel pendant 45 minutes. Encore trop fort.
08h35, 08h40, 8h45 ... Bob est en retard. Le couple à côté de moi est allé à Toledo, comme certains autres, il semble.
«Leopard-Skin Pill-Box Hat ". Sa voix est de retour, plus de rhume. La liste est la régulière, pas de grosse surprise, pas de " Girl of the north country ", aucun "Desolation Row", pas de Hollis Brown ou William Zanzinger, pas de Ramona, aucune «Forgetful heart ".
«Trying to get to heaven " est agréable.
9/8 ROCHESTER
C'est sous une pluie battante que j’arrive et je suis fatiguée. Il est 11h00 je ne sais pas si je vais être capable d'atteindre le spectacle. C'est une ville pauvre / laide, pas beaucoup à faire. Peut-être essayer d'atteindre la bibliothèque publique. Je dois garder mon sac à dos à sec plus que tout.
Une gentille dame du Centre d'information m'a donné quelques indices sur la façon d'atteindre la CACM à Canandaigua; d'abord prendre le bus de la ville, puis les C.A.T.S.(une sorte de transport inter-urbain).
J'ai encore un peu de temps, mais il pleut alors je prends refuge dans la bibliothèque publique pendant une heure et demie sur l'ordinateur, en prenant soin de mes affaires à la maison.
Puis je prends la route. Il me faut trois heures en bus et C.A.T.S. pour atteindre le C.M.A.C. situé au milieu d'une université. Je m'offre un bon dîner et marche vers l'endroit.
J'attends à l'entrée et observe le public ; encore quelques vieux hippies bien habillés et qui me regardent de haut, moi assise sur l'herbe, avec mon sac à dos à mes pieds. Ils transportent des chaises pliées et des couvertures, ça va être à nouveau un concert pique-nique.
Rien pour correspondre à mon humeur maussade.
Je vois Chuck nettoyer son bus, mais je ne peux pas l'approcher. La sécurité est vigilante. Bien sûr, le bus de Dylan est ici mais garé très loin de toute perturbation.
Je fais un signe V vers un gars sympa qui me sourit.
À 20:00 Je m’achète un billet « pelouse » et entre dans le pique-nique ! Le forum est à moitié vide, à moitié plein.
Le gentil garçon vient vers moi et m'invite à rejoindre ses amis. Ils sont chargés avec une substance: la bière et la marijuana ?. Ils m'aident à me faufiler près de la scène et je vois très bien Bob. Le son n'est pas le meilleur mais de toute façon je me lève et danse toute le concert. Surprise! il le fera " Love Minus Zero/No Limit " ma préférée de ses chansons d'amour. Il n'a pas beaucoup changé la mélodie, donc je peux chanter avec lui.
Quel merveilleux sentiment lorsque Bob Dylan est juste en face de moi !
Puis une autre surprise: «Blind Willie Mc Tell» avec une finale suprême à l'harmonica. Elle sonne comme une chanson dixieland Jazz de la Nouvelle Orléans. Magnifique! J'adore tellement cette chanson !
Pas de "Blowing in the wind" ce soir.
J'attends pour Tommy, Handy et Steve pour me qu’ils me ramènent à Rochester comme ils ont promis. D'abord, ils me conduisent à la maison de Steve pour boire un verre, puis à la maison de Tommy où je regarde une vidéo faite par Winston Watson, le batteur de Bob Dylan des années 94/95. J'aime ce qu'il dit au sujet de Bob. Il ne le décrit pas comme un maniaque ou un fou, mais a un homme amical encourageant ses musiciens et un musicien et sérieux et professionnel. Dans le documentaire réalisé par Watson, j’ai reconnus Baron Tabura, le garde du corps. 17 ans avec Bob ?
Dans l'après-midi, je me sentais si bas que je voulais arrêter le Tour et aller directement pour New York. Maintenant, je suis en attente pour le bus à destination de Syracuse, puis Scranton pour le prochain spectacle. Merci Tommy de ne pas me prendre pour une folle ! Merci Bobby pour avoir fait deux de mes chansons préférées "Love Minus Zero / No Limit» et «Blind Willie McTell".
10/08 SCRANTON
Tôt à Scranton 13:00 h.
Je fais le centre à pied afin de sentir l'atmosphère. Belle petite ville, proche de l'architecture européenne. Je prends un repas chinois au centre commercial et de trouve un motel pas loin. Super !
Maintenant, je dois en savoir plus sur le spectacle. Un chauffeur de bus me conseille de prendre le bus de Mountain View. Après une promenade touristique dans la ville j’attends à l'arrêt de bus près de 45 minutes avant de réaliser qu'il n'y a plus de bus après le début de l'après-midi ! Eh bien le transport public américain n'est certainement pas le meilleur au monde. Je me précipite à mon Motel et commande un taxi. Cela va ajouter au coût.
J'arrive à 19h00 et je rencontre Alec qui cherche un billet et nous parlons. C'est un fan mais il est fauché. Il a une voiture et il est prêt à me ramener au centre-ville. Il est fou, mais fou bon, vraiment articulé, avec un bon charisme. Il nous faufile au troisième rang, juste en face du clavier de Bob. J'ai quelque difficulté à croire que nous pourrons rester ici jusqu'à la fin du spectacle. J'entends «Mesdames et messieurs ...». Je suis extrêmement nerveuse.
Mais je suis bientôt capturé par la musique provenant de la scène et je vais danser et chanter jusqu'à la fin avec Bobby en face de moi. Je le vois bien, il est heureux. La liste n'est pas trop différente avec "Desolation Row" (j'aime beaucoup) pour la troisième fois sur ce Tour. Mais pas de "Blind Willie Mc Tell» et aucun «Forgetful heart " (je le regrette ). Je bouge juste en face de Bob pour le rappel, mais il ne voit personne sans lunettes. Je continue à dire dans ma tête comme un mantra "Je t’aime Bobby, Je t'aime". Peut-être qu'il m'a entendu.
11/08 Pas de concert aujourd'hui.
Alec est censé venir me chercher et nous sommes censés passer l'après-midi / soir à New York. Je voudrais revenir au Greenwich Village. J'ai le sentiment que Bob est à New York, peut-être avec sa famille.
Mais nous allons voir. Tout peut arriver et je ne veux pas trop rêver, je ne veux pas être déçue.
J'ai reçu beaucoup déjà, nous avons partager beaucoup avec Bob, je lui ai donné mon amour à ma façon et il m'a donné son amour en étant sur scène encore et encore.
“I’ll remember you
When the wind blows through the piney wood
It was you who came right through
It was you who understood
Though I’d never say
That I done it the way
That you’d have liked me to
In the end
My dear sweet friend
I’ll remember you”
Alec est au motel à 10h30 Nous commençons la conduite vers la Grosse Pomme, sentiment agréable. Jusqu'à atteindre le Lincoln Tunnel, où nous sommes coincés dans un embouteillage énorme. Ce trafic me ronge un peu les nerfs, c'est prendre du temps loin du Village. Mais finalement nous arrivons au milieu de Manhattan et nous marchons 30 blocs jusqu’au Village étouffés par des milliers de personnes et des milliers de taxis jaunes. Nous mangeons rapidement ses pizza et je me renseigne sur «The Bitter End ». Différentes personnes disent qu'il pourrait être fermé. Ils ont fermé «The Bitter End ».?
Mais non, c'est toujours ouvert avec des photos de la mémoire de Bobby Boy.
Je souhaite que finalement ils le transforment en un musée, une sorte de Hall of Fame. Même avec la contribution des fans. Je suis à prête à vous donner 100$ pour cela.
Le Village est bondé, l'ambiance est agréable, mais où est la musique?
Il est tard et nous devons rentrer à Scranton.
Je dors sur un canapé au domicile d'Alec.
12/08 WOODSTOCK.
Le spectacle de ce soir aura lieu à Bethel, lieu du site de Woodstock 69. Nous passons la matinée à réparer la voiture d'Alec et faire d'autres courses et nous prenons la route à 14h00. Nous atteignons Bethel Woods peu avant 17h00. Nous nous garons et profitons du paysage. Belle région. C'est là que la famille de Dylan a vécue entre 66 et 69 mais je ne sais pas si le festival de Woodstock a eu lieu précisément ici pour "forcer" Bob à monter sur scène. Quoi qu'il en soit, il ne l'a jamais fait et est parti du lieu peu après pour échapper à des fans fous qui faisaient intrusion dans sa propriété.
Il a tout mis dans son livre, « Bob Dylan: Chronicles: v. 1 »
A 17h00 nous apercevons les deux bus noire dévalant la route, mais le parking est fermé. Pas de repérage autour du bus aujourd'hui. Nous n'avons toujours pas de billet. Lorsque le Box Office ouvre Alec me dit que nous pouvons obtenir deux premières rangs à 130$ chacun. Comme je crois que ce sera mon dernier spectacle, je les achete. Un mouvement fou ? La seule façon de voir Bob de prêt est d'être au premier rang.
Je voudrais trouver un trajet pour Wantagh le prochain spectacle, le jour suivant. Alec ne sera pas capable de me conduire, a-t-il dit. Mais comment savoir, dans cette foule, qui y va demain ? Je sais que certains fans y vont. Ce n'est pas exceptionnel pour certains fans de faire 3 ou 4 concerts dans une zone proche.
Des milliers de personnes, l'endroit est bondé. La proximité de N.Y. ou la mémoire du lieu ?
A 21h00 nous prenons nos places, tandis que Leon Russel est en train de terminer son show. Les places sont devant, mais sur le côté. Le premier rang est presque vide. Je bouge juste en face du micro en priant pour que personne ne réclame la place.
«Mesdames et messieurs ..."
Le premier rang est debout et sera debout tout le spectacle. Super ! Le meilleur jamais.
Il fait «To Ramona" et je chante avec Bob Dylan, ici à son clavier.
Je crie «Blind Willie Mc Tell" et oui ! Il fait la chanson que j'aime tant. J'ai envie de pleurer.
Il va aussi faire "Desolation Row". Je me sens au paradis. Pouvons-nous arrêter le temps, s'il vous plaît ?
Mais non, le temps ne s'arrête pas, et déjà il est de retour pour "Like a Rolling Stone" et « All Along The Watchtower». Elle me ramène à la réalité du temps. La petite courbette à la fin est mignon est doux, mais il ne regarde personne en particulier, il ne voit pas. Il semble heureux mais sourit à peine.
13/08 Wantagh
Je ne serai pas en mesure de faire le voyage à Wantagh aujourd'hui, je fais une sieste dans la maison d'Alec.
Il a promis de me conduire à Asbury Park demain puis à l'aéroport de Newark pour mon vol. Nous allons voir.
14/08 ASBURY PARK
Nous quittons la maison à 13h00 chargé d'espoir et de bonne humeur. Alec m'a dit que ça va prendre deux heures et demi, disons trois.
Les deux premières heures sont bien animées avec des conversations sur Dylan et son Art et de la musique à la radio. Alors que nous approchons de Asbury Park, nous sommes coincés dans un embouteillage et inondés par une pluie battante. Alec devient nerveux dans les embouteillages, il fume, mange, boit ... et demande la direction chaque fois que c'est possible de s’arrêter ; une, deux, trois fois il va demander la direction, mais semble incapable de mémoriser la réponse. On se perd quelques fois, ce qui va ajouter à la tension dans la voiture.
Nous atteignons le Asbury Park à 18:30 h. Il nous a fallu cinq heures, beaucoup trop.
Alec se précipite vers le palais des congrès sans me parler. Je ne comprends pas. Je nous acheter deux billets pour 80 $. Admission générale. C'est ce qu'il a oublié de me dire. Avec l'admission générale les premiers aux portes sont les premiers devant. Comme nous sommes en retard, nous ne sommes pas devant. Merde !
Nous sommes dix rangs derrière, debout. Pour la première fois sur cette tournée les premiers rangs sont debout. Je vérifie mon billet, le spectacle est censé débuter à 18h30 avec Leon Russel. Je vérifie ma montre il est 20h00, je suis en train de serrer au plus près, mais certaines personnes m’arrête avec quelques remarques mauvaises. Décidément je déteste cette foule. En face, le public est mixte, vieux hippies (transformés en yuppies de la classe moyenne) et des personnes relativement jeunes, même certains dans leur 20 ans. Je déménage près de certaines jeunes filles, enthousiastes pour les nouvelles chansons. Bob est proche mais la visibilité n'est pas toujours la meilleure. Difficile de se déplacer sans marcher sur les pieds des gens. Les chansons ne sont pas nouvelles, mais les fans debout devant la scène semblent stimuler le groupe et Bob, qui semble surpris, regarde en face de lui, droit vers le public. Ses yeux sont fermés, blessé par les projecteurs. Pourquoi il ne porte pas ses lunettes noires?
Sur «Highway sixty one», il a légèrement changé le rythme ce qui provoque un sourire sur le visage de Donnie et Bob le regardant sourit largement. Il y a une réelle communication entre ces deux là. Donnie regarde son patron avec admiration. J'ai même surpris un regard d'admiration de Tony Garnier, debout sur sa basse et semblant "vivant" pour la première fois du Tour. Bob se déplace vers le micro pour " simple twist of fate ". On dirait qu'il ne peut pas arrêter de rire à l'intérieur mais il s'efforce de se contrôler. Enfin heureux ?
Je reconnais rapidement une chanson après l'autre. Il fera "Blind Willy Mc Tell». La magie n'est pas la même, je ne peux pas danser ! J'aime le tempo Nouvelle-Orléans comme je ne serai jamais fatigué de "Beyond Here Lies nothing" (ma préférée de cette tournée). "Simple Twist of fate" est doux. "Mississippi" pourrait être l'échange de "Desolation Row", "Summer days» me remue. " Ballad of a thin man " est théâtral, l'écho est plus tempérée qu’au début du Tour.
Bob étant dans un bon esprit je m'attends à un rappel plus surprenant. Mais non ! l'habituel. "Like a Rolling Stone" avec un public qui le soutient, une «All along the watch tower» qui semble finir le spectacle brusquement, trop court. J'attends "Blowing in the wind», mais ils ont commencé en retard et il est temps pour Bob d'aller au lit!
"Bye, bye Bobby. Bonne nuit! ".
Pendant cinq jours, je n'avais pas été capable de traîner autour du bus, mais j'ai eu des premiers rangs et après tout je pouvais le voir de plus prêt et sans aucune honte, regardez droit son visage.
Je suis anonyme et c'est ce qui doit être.
Nous décidons Alec et moi-même de prendre une chambre de motel pour la nuit et demain il va me conduire à l'aéroport de Newark pour mon vol de retour à Paris.
De retour à la maison.
Le premier rang est debout et sera debout tout le spectacle. Super ! Le meilleur jamais.
Il fait «To Ramona" et je chante avec Bob Dylan, ici à son clavier.
Je crie «Blind Willie Mc Tell" et oui ! Il fait la chanson que j'aime tant. J'ai envie de pleurer.
Il va aussi faire "Desolation Row". Je me sens au paradis. Pouvons-nous arrêter le temps, s'il vous plaît ?
Mais non, le temps ne s'arrête pas, et déjà il est de retour pour "Like a Rolling Stone" et « All Along The Watchtower». Elle me ramène à la réalité du temps. La petite courbette à la fin est mignon est doux, mais il ne regarde personne en particulier, il ne voit pas. Il semble heureux mais sourit à peine.
13/08 Wantagh
Je ne serai pas en mesure de faire le voyage à Wantagh aujourd'hui, je fais une sieste dans la maison d'Alec.
Il a promis de me conduire à Asbury Park demain puis à l'aéroport de Newark pour mon vol. Nous allons voir.
14/08 ASBURY PARK
Nous quittons la maison à 13h00 chargé d'espoir et de bonne humeur. Alec m'a dit que ça va prendre deux heures et demi, disons trois.
Les deux premières heures sont bien animées avec des conversations sur Dylan et son Art et de la musique à la radio. Alors que nous approchons de Asbury Park, nous sommes coincés dans un embouteillage et inondés par une pluie battante. Alec devient nerveux dans les embouteillages, il fume, mange, boit ... et demande la direction chaque fois que c'est possible de s’arrêter ; une, deux, trois fois il va demander la direction, mais semble incapable de mémoriser la réponse. On se perd quelques fois, ce qui va ajouter à la tension dans la voiture.
Nous atteignons le Asbury Park à 18:30 h. Il nous a fallu cinq heures, beaucoup trop.
Alec se précipite vers le palais des congrès sans me parler. Je ne comprends pas. Je nous acheter deux billets pour 80 $. Admission générale. C'est ce qu'il a oublié de me dire. Avec l'admission générale les premiers aux portes sont les premiers devant. Comme nous sommes en retard, nous ne sommes pas devant. Merde !
Nous sommes dix rangs derrière, debout. Pour la première fois sur cette tournée les premiers rangs sont debout. Je vérifie mon billet, le spectacle est censé débuter à 18h30 avec Leon Russel. Je vérifie ma montre il est 20h00, je suis en train de serrer au plus près, mais certaines personnes m’arrête avec quelques remarques mauvaises. Décidément je déteste cette foule. En face, le public est mixte, vieux hippies (transformés en yuppies de la classe moyenne) et des personnes relativement jeunes, même certains dans leur 20 ans. Je déménage près de certaines jeunes filles, enthousiastes pour les nouvelles chansons. Bob est proche mais la visibilité n'est pas toujours la meilleure. Difficile de se déplacer sans marcher sur les pieds des gens. Les chansons ne sont pas nouvelles, mais les fans debout devant la scène semblent stimuler le groupe et Bob, qui semble surpris, regarde en face de lui, droit vers le public. Ses yeux sont fermés, blessé par les projecteurs. Pourquoi il ne porte pas ses lunettes noires?
Sur «Highway sixty one», il a légèrement changé le rythme ce qui provoque un sourire sur le visage de Donnie et Bob le regardant sourit largement. Il y a une réelle communication entre ces deux là. Donnie regarde son patron avec admiration. J'ai même surpris un regard d'admiration de Tony Garnier, debout sur sa basse et semblant "vivant" pour la première fois du Tour. Bob se déplace vers le micro pour " simple twist of fate ". On dirait qu'il ne peut pas arrêter de rire à l'intérieur mais il s'efforce de se contrôler. Enfin heureux ?
Je reconnais rapidement une chanson après l'autre. Il fera "Blind Willy Mc Tell». La magie n'est pas la même, je ne peux pas danser ! J'aime le tempo Nouvelle-Orléans comme je ne serai jamais fatigué de "Beyond Here Lies nothing" (ma préférée de cette tournée). "Simple Twist of fate" est doux. "Mississippi" pourrait être l'échange de "Desolation Row", "Summer days» me remue. " Ballad of a thin man " est théâtral, l'écho est plus tempérée qu’au début du Tour.
Bob étant dans un bon esprit je m'attends à un rappel plus surprenant. Mais non ! l'habituel. "Like a Rolling Stone" avec un public qui le soutient, une «All along the watch tower» qui semble finir le spectacle brusquement, trop court. J'attends "Blowing in the wind», mais ils ont commencé en retard et il est temps pour Bob d'aller au lit!
"Bye, bye Bobby. Bonne nuit! ".
Pendant cinq jours, je n'avais pas été capable de traîner autour du bus, mais j'ai eu des premiers rangs et après tout je pouvais le voir de plus prêt et sans aucune honte, regardez droit son visage.
Je suis anonyme et c'est ce qui doit être.
Nous décidons Alec et moi-même de prendre une chambre de motel pour la nuit et demain il va me conduire à l'aéroport de Newark pour mon vol de retour à Paris.
De retour à la maison.
J’ai participé en tant que public à 21 concerts sur les 28 de la Tournée Bob Dylan 2011 aux U.S.A. du 14 juillet au 14 août.
Après 25 ans de « séparation » mon admiration et mon amour pour un très grand artiste n’ont pas diminués. Je l’appelle désormais le « Picasso de la musique moderne » et je lui souhaite comme Pablo de finir ses jours dans ce monde le plus tard possible en faisant ce qu’il aime le plus au monde : faire son Art pour son public.
Mon rêve était de nous retrouver comme « au bon vieux temps », mais les temps ont changés.
Jimmy Gallhagan n’est plus mon ami le garde du corps. Howard Alk qui m’avait invité au studio de Santa Monica a disparu, le studio est désormais fermé, Bob Meyers n’est plus l’ « homme aux bagages » et Klydie n’est plus là pour accompagner Bob.
Il y a toujours cette question qui me taraude sur la raison et l’efficacité de sa sécurité personnelle. Al Santos (le manager) et Baron Tabura (le garde du corps) ne m’ont laissé aucune chance de l’approcher. Paranoïa du Boss ou paranoïa de la sécurité. A certains moments peut-être ont-ils rendu la situation trop « dramatique ». Les quatre fans d’Evansville de ne l’auraient pas « blessé », sauf s’il ne voulait pas d’un regard insistant sur son visage de Papy de 70 ans.
A part l’autographe du petit garçon à Nashville, aucun autographe, aucun contact direct avec les fans durant cette tournée de 28 concerts. N’est ce pas pourtant une partie du « contrat » d’artiste ?
A-t-il été trop abusé et désabusé par des re-vendeurs d’autographe ?
La sécurité ne semble pas la vraie raison car à plusieurs reprises durant ces dernières années des fans ont sautés sur la scène sans être interrompu par les gardes du corps. Et si ces fans avaient été « armés » ? Est-ce un gilet pare-balles qu’il porte sous sa veste ?
Le message est claire « acheté les billets et venez voir les concerts, le reste est ma vie privée ». Même la sortie des artistes.
J’ai du mal à comprendre pourquoi il passe tant de temps dans ce bus noir aux vitres fumées sans lumière naturelle. Sort-il jamais de sa chambre d’hôtel ?
Je sais qu’il aimait tester son « invisibilité » en se baladant dans les villes où il jouait le soir. Il n’était pas l’Hermite que l’on croyait ( je l’avais croisé à plusieurs reprises à Bernes, à Montréal, à San Francisco, à Santa Monica). Et aujourd’hui ? si ?. Je ne crois pas qu’il est tant changé. Pourquoi Bobby ? Pourquoi tant de solitude ?
Je voulais juste passer un peu de temps à discuter peinture et peintres. Je n’avais pas d’appareil photo. Durant toutes ces ‘poursuites’ et ces brèves rencontres jamais, jamais je n’ai pris une seule photo, ni de lui ni avec lui. Je ne l’ai sollicité pour un autographe qu’une seule fois en 86 sur un livre qu’il m’avait dit aimer « bringing it all back home ».
Ma démarche n’était donc pas la bonne ?
A ceux qui me rappelleront que John Lennon a été assassiné par un fan (et ce fut le seul à ma connaissance) je répondrais
1) que ce n’était pas durant une tournée mais devant sa propriété privée
2) que les stars du rock qui sont morts jeunes n’ont pas été assassinés mais ce sont donnés la mort avant d’avoir atteint 30 ans : Janis Joplin, Jimmy Hendrix, Jim Morisson, Curt Coben, amy Whinehouse … morts de solitude ?
La responsabilité n’est jamais trop clair, peut-être à part égale ; les paparazzis, les business men (qui boivent mon vin), les fans trop ‘obsédés’ (comme Weberman).
Cet enfant handicapé à Phoenix n’était pas une menace, pourquoi les gardes du corps ne font-ils pas une distinction entre les ‘bons’ et les ‘méchants’ ? Bob lui, l’a fait cette distinction à Nashville pour l’enfant du premier rang. Il l’avait fait pour moi dans le passé.
Pourquoi tant d’hostilité, pourquoi tant de brutalité ?
Comme me l’a fait remarquer quelques fans, les fans achètent les billets de concerts qui financent les tournées ; manager, gardes du corps, musiciens … Un peu de respect !
Ceci dit et en espérant que l’équipe européenne 2011 sera différente et moins brutale.
J’étais allé aux U.S.A. également pour me rendre compte de la situation de ce pays « en crise ».
Au regard de la circulation incessante et aux nombres de voitures circulants la prise de conscience écologique est loin d’être gagnée. Et j’ai parcouru bien des « miles ».
Au regard du nombre de personnes se précipitant dans les casinos pour perdre de l ‘argent la crise économique ne touche pas une certaine partie de la population (pas encore !).
J’ai côtoyé d’assez près deux catégories de population : les voyageurs Greyhound et le public de Bob Dylan. Totalement dissociés.
Les Greyhound sont en majorité « colorés » ; Afro-Américains et Chicanos et quelques « Blancs » très défavorisés (adolescentes avec enfant). Obèses (pour la plupart) et peu éduqués (beaucoup de Chicanos ne parlent pas l’anglais) mais en général aimables et solidaires.
Le public de Bob Dylan ; en grand majorité Blanc, en majorité anciens des années 60, classe moyenne (au regard des vêtements et des voitures), nostalgiques (au regard des réactions aux chansons des années 60), paranoïaques (au regard du manque de succès à trouver des voitures pour me ramener au centre des villes après les concerts), qui viennent aux concerts pour voir ou revoir une « Légende vivante ». Aux cours des dernières années beaucoup de ces fans ont participés à plusieurs concerts (quelques fois dans la foulée d’une même tournée).
Ce qui donne à Bob Dylan une autre particularité ; le nombre de concerts visualisés par chacun de ses fans les plus fan ; les BobCats. Il n’est pas rare pour certains d’avoir participé à plus de 100 concerts(c’est mon cas, et pas unique).
Ce qui peut expliquer le manque d’attention de certains fans qui ne vont au concert que pour faire la fête ; boire, manger et discuter. On ne retrouve plus l’attention et le respect des années 60, ce que je déplore.
Dylan n’est pas sans savoir qu’une partie de son public le suit, surtout quand les lieux de concert sont proches. Pourquoi ne change-t-il pas radicalement la liste des chansons jouées pour ces concerts ? Son répertoire le lui permettrait sans problème.
Personnellement je suis un peu fatiguée d’entendre « Like a rolling stone », surtout quand les paroles ne veulent plus dire grand chose pour une bonne partie du public. De même pour « Highway 61 » ou même l’hymne à la paix « Blowing in the wind » malheureusement associée aux U.S.A. à la guerre au Vietnam (ce que la chanson ne mentionne pas).
Une particularité de bob Dylan est également de faire du neuf avec du « vieux » de réaménager ses chansons soit par les paroles (qu’il oublie ou qu’il mélange parfois, qu’il change quelques fois) soit par la musique ( heureusement pour certaines un peu moins pour d’autres). Ce qui rend difficile une reprise par le public ou carrément une reconnaissance. Mais ce qui rend les tournées et les concerts intéressant et jamais ennuyeux.
Malgré les difficultés du voyage et les coups de Blues cette tournée fut enrichissante et chaque concert comme « A shot of Love ». La phrase phare étant
« Ladies and Gentlemen a Columbia recording Artist ; Bob Dylan ».
A cet instant je savais que j’avais atteint le but de la journée (être à l’intérieur du concert) et que je verrai apparaître sur ma droite l’Artiste que j’admire plus que tout autre ; le Picasso de la musique moderne.
La soirée se clôturait généralement par un
« Bye, bye Bobby, Good night !”.
Puis le retour à la réalité …
Bye Bye Bobby à la Tournée prochaine !